commission nationale chargée de l’élaboration de propositions
pour un plan national concernant
la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées Présidée par monsieur le professeur MENARD
Rapport au president de la république
Remis le 8 novembre 2007 Pour le malade et ses proches
Chercher, soigner et prendre soin
Lettre de mission
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Paris le 1er août 2007
Monsieur le Professeur, La maladie d’Alzheimer qui touche aujourd’hui en France 860 000 personnes est un drame pour notre société, un drame familial. Chaque année ce sont 225 000 nouveaux cas qui se déclarent en France engendrant beaucoup de souffrance et de détresse tant pour la personne qui est atteinte par la maladie que pour son entourage. Dans les années à venir, les coûts humains et financiers de la maladie, qui sont d’ores et déjà élevés tant pour les familles que pour la société, vont encore s’alourdir. Récemment, des efforts ont été accomplis. Des groupes de recherche ont apporté des contributions importantes à l’aide de multiples techniques de génétique, de biochimie, d’anatomo-pathologie, d’imagerie, de pathologie expérimentale, d’investigation clinique, d’essais thérapeutiques et d’études épidémiologiques toutes nécessaires pour progresser dans le domaine de la connaissance et du traitement. Le système de soins a été mobilisé par la création des Centres Mémoire de ressources et de recherches et par l’effort fait pour structurer la gériatrie. Enfin, l’approche sociale et médico-sociale a été développée au niveau départemental pour accompagner les malades et leur famille. Toutefois, ces premiers efforts ne suffisent pas. Il est essentiel que les pistes de recherche nombreuses et prometteuses finissent par aboutir. C’est par comparaison avec ce qui se fait dans d’autres pays que doit être apprécié l’effort réel que la nation y consacre. Il est ensuite nécessaire de soulager les souffrances les plus diverses, dont la démence des personnes âgées n’est que l’une des composantes, et de faire en sorte que l’appui apporté aux malades soit le même en tout point du territoire. Enfin, il est indispensable que l’attitude de la société française à l’égard de la dépendance et de la fin de vie en général évolue. J’ai donc décidé de lancer un Plan Alzheimer ambitieux pour mieux connaître, mieux diagnostiquer et mieux prendre en charge la maladie. Son élaboration sera réalisée sous l'égide d'une commission dont je vous confie la présidence. Le Plan Alzheimer que vous bâtirez aura une double priorité. En premier lieu, il devra permettre de fédérer les efforts de recherche pour favoriser la découverte en France d’un diagnostic validé et d’un traitement à l’efficacité indiscutable. En second lieu, ce Plan devra améliorer la qualité de la prise en charge des malades. Quand la maladie s’installe, chaque patient, chaque famille doit pouvoir trouver un mode de prise en charge adapté. Dans cette perspective, la commission que vous présiderez devra examiner les conditions dans lesquelles peuvent être optimisés les efforts de recherche français dans le contexte d’un système de recherche mondial qui a sa dynamique propre, à la fois prévisible par les techniques et les modes de raisonnement, et imprévisible par les découvertes. Vous réfléchirez à la meilleure manière de structurer des partenariats entre le public et le privé. Des coordinations nouvelles sont à établir, à faciliter et à évaluer. Vous veillerez à ce que les objectifs de recherche, de soins, et de prise en charge soient définis en parallèle. Des liens constants entre ces trois objectifs doivent être établis pour accélérer à la fois le transfert des progrès de la recherche vers le système de soins et le transfert des observations de terrain à la recherche technologique, biologique, psychologique et sociale. Dans l’élaboration du Plan, vous ferez par conséquent de la continuité de la recherche aux soins une priorité. L’accès aux soins doit être harmonieux et la recherche clinique soigneusement couplée aux soins dans des sites sélectionnés sur des critères de qualité et d’organisation. Vous prêterez également une attention vigilante à la continuité et à l’équité territoriale de la prise en charge des malades et de leur famille à toutes les étapes de l’altération des fonctions cognitives et des fonctions de relation. Le rôle essentiel des familles et des soignants qui assistent les personnes aux fonctions comportementales et cognitives altérées, par une aide discrète ou par la prise en charge d’une dépendance totale, doit être reconnu.
Dans les propositions que vous serez amené à formuler, je vous demande d’accorder une attention particulière à l’évaluation continue des résultats. Ce Plan n’aura un réel impact que si on évite certaines erreurs du passé. De grandes actions nationales ont pu parfois avoir des résultats positifs, mais avec une efficience mal mesurée. Je souhaite enfin que soient mobilisés sur cet enjeu national non seulement tous les acteurs déjà impliqués dans les différentes structures de recherche fondamentale et clinique, publiques et privées et dans les établissements et associations prenant en charge les malades, mais plus largement la société dans son ensemble. La commission sur laquelle vous vous appuierez fera appel notamment à des acteurs intervenant dans le secteur sanitaire et médico-social et à des responsables des administrations concernées. Elle s’entourera des groupes techniques appropriés pour faire un état des lieux sur la base des analyses déjà disponibles, proposer des objectifs, sélectionner des indicateurs et estimer les coûts. Les moyens appropriés seront mis à votre disposition pour que la qualité du travail de votre commission soit à la hauteur des attentes ainsi exprimées. Le Plan Alzheimer que je vous demande de présenter devra être prêt à la date du 1er novembre 2007, pour une mise en œuvre au début de l’année 2008. Les premières orientations du Plan devront avoir été dessinées dès le 21 septembre, date de la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer. Je vous prie de croire, Monsieur le Professeur, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.
Nicolas SARKOZY M. Jöel MENARD
Professeur de Santé Publique, spécialiste des maladies cardio-vasculaires, ancien Directeur général de la Santé
Plan Présidentiel Maladie d’Alzheimer
Ministère du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité,
Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche,
Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports,
Secrétariat d’Etat aux Solidarités,
Monsieur le Président de la République, Je n’étais pas et je ne suis pas un spécialiste de la Maladie d’Alzheimer. Je me suis donc demandé pourquoi vous m’aviez choisi et comment des amis avaient réussi à me convaincre de suivre votre demande d’une mission d’orientation de votre Plan. D’ailleurs, pourquoi cette maladie, alors qu’il y en a tant d’autres douloureuses et pourquoi ce calendrier ? Alors, je me suis entouré de bénévoles que je savais être compétents dans leurs domaines, pour organiser ce qui est le rapport que je vous remets aujourd’hui, autour de connaissances scientifiques, techniques et sociales solides. Je vous apporte ici ce que j’ai appris et en particulier que, oui, il était urgent de mieux faire pour combattre cette maladie chronique invalidante, fréquente et très particulière pour les familles, puisqu’elle touche à la perte du soi et de l’autonomie. D’abord, c’est difficile de n’être pas instrumentalisé, à l’intérieur d’un groupe, et tout autour du groupe. Il y a tellement de vrais besoins, qu’un signal présidentiel pousse chacun d’entre nous à espérer au-delà du raisonnable. La France s’est séparée de ses Rois, mais attend toujours Saint Louis ! J’espère que vous n’attendez pas mon rapport dans le même état d’esprit. A votre demande, j’ai étudié, écouté et arbitré. L’objectif est la découverte, même minime, et même apparemment inutile dans l’immédiat. Il est rare de pouvoir découvrir sans expérimenter ou sans partager ses idées : la publication scientifique est une transparence donnée à son travail, qui ne devient respectable que parce que des pairs en reconnaissent la qualité et, bien sûr, l’authenticité. La recherche française produit mais a été mal dirigée. Peut-être l’équilibre entre liberté et pilotage est-il difficile à trouver ? Ceux qui voulaient structurer la recherche avaient oublié la Maladie d’Alzheimer. Là, on va pouvoir faire mieux, en faisant des choix scientifiques clairs, qui soient compris des choix citoyens, et qui s’intègrent dans les choix et les besoins du monde. Canadiens et allemands m’ont aidé, même en trois mois, pour proposer ce Réseau National d’Excellence qui en rapprochant les uns vers les autres pour toutes les composantes de notre recherche nationale, vise à potentialiser nos qualités, la créativité surtout, et atténuer nos défauts, la dispersion entre autres. Bien sûr, il faudra que vous pesiez le support financier nécessaire, au sein d’autres possibilités d’investissements de recherche mais un euro par Français pour la Maladie d’Alzheimer, c’est me semble-t-il raisonnable, sans oublier qu’une recherche ciblée ne peut naître que fondée sur un large, long et durable investissement d’éducation et de recherche. La médecine française s’efforce de s’organiser. Les médecins veulent changer de vie, et essaient de faire face à la double difficulté d’être des scientifiques et des humanistes. Sans doute, n’osent-ils pas le dire franchement, mais c’est quand même pénible de demander un euro de plus par consultation à chaque changement de ministre. Des médecins de plus en plus nombreux pensent que les malades et leurs familles seraient mieux suivis par un forfait pour la prise en charge des maladies chroniques invalidantes. Je vous propose de les encourager à faire des tentatives avec la Maladie d’Alzheimer, chaque médecin traitant suivant autour de dix personnes actuellement. Les petites cartes de France jointes au rapport montrent bien aussi pourquoi, après la forte contribution collective des français à la formation de chaque médecin, il vaut mieux pour un médecin aller là où l’on a besoin de lui ou d’elle, et plus chez les défavorisés, personnes ou départements, mais il vaut mieux le savoir avant de commencer sa médecine plutôt qu’à sa fin. Il faut aussi pouvoir convaincre que l’on apprend beaucoup de la mobilité et donc il faut trouver les ressorts qui la favorisent. La prévention ? Il n’y a malheureusement pas de prévention spécifique de la maladie d’Alzheimer, mais il y a une politique de santé publique à renforcer. Elle peut donner à tous un environnement favorable à l’exercice physique et intellectuel, à une alimentation conforme à ce que recommande le Plan Nutrition-Santé, et retarder l’incidence de la maladie, en visant en particulier à protéger le cerveau des accidents vasculaires, grâce aussi aux traitements appropriés. Enfin, le point majeur, Monsieur le Président, c’est la forte demande médico-sociale. Deux messages. Je me suis joint à ceux qui veulent faire reconnaître vite un droit universel d’aide à l’autonomie. Pourquoi, quand on a la simplicité d’esprit de trouver qu’il y a vraiment beaucoup de lois ? Parce qu’il faut aider collectivement chaque personne à être elle-même dans son environnement, et que cela nécessite une approche personnalisée où la compensation apportée varie d’une personne à l’autre, d’une période de la vie à l’autre, quel que soit l’âge, du très jeune autiste à la très vieille grand-mère. Mais la perspective d’un droit nouveau pour faire face à la perte d’autonomie, n’apporte rien d’immédiat à ceux qui souffrent aujourd’hui de la maladie d’Alzheimer. Il faut donc là aussi engager sans tarder des expérimentations dans les départements, permettant de coordonner le travail de plusieurs acteurs, pour préparer ainsi ce que la loi fera demain après le temps de la concertation. Je trouve que ceux et celles qui sont en contact direct, très longtemps dans la journée ou la nuit, au contact des personnes ayant une maladie d’Alzheimer dont les comportements nous déroutent, ne sont pas suffisamment rémunérés ni suffisamment nombreux, et n’ont pas assez de perspectives professionnelles d’évolution. D’un travail où près de cent personnes ont donné leur avis, sort un très grand besoin de formations spécifiques, pour savoir s’adapter aux troubles des comportements. Les expériences acquises, en particulier par les aidants familiaux, sont également à valider. Il faut plus de « places » pour accueillir mais que l’on n’oublie pas, dans les choix budgétaires, la formation et la rémunération des professionnels au contact direct des malades. C’est aussi pour mieux appréhender les enjeux financiers que mon rapport demande partout que moins d’informations soient enfouies, que des synthèses courtes et intelligentes soient rendues publiques périodiquement, que l’Etat soit réellement un stratège et qu’on n’appelle plus des « missionnaires » au secours. Le mot générosité était au début de mon rapport. On m’a déconseillé de l’utiliser car il ne répondait pas à l’attente des gens. Je le maintiens parce que sans générosité familiale, la première, et sans générosité collective, la seconde, on ne pourra pas faire face. C’est le choix de leur importance relative qu’il faut politiquement faire et expliquer. Plus il sera fait à partir du contenu de ce rapport, plus mes collègues et moi serons heureux, dans les années à venir, non pas avec la suffisance facile des intellectuels, mais avec l’espoir d’être utiles à toutes les familles qui souffrent et que chacun d’entre nous pourra un jour rejoindre. Professeur Joël MENARD
Lettre de mission 2
I. En préambule 7
Propositions de recommandations pour un Plan Alzheimer. 24
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