Comité National pour la Bientraitance et les Droits des Personnes Agées et des Personnes Handicapées (cnbd)





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Actions d’information du grand public


Une opération de communication d’envergure permettrait à la fois d’agir sur la large information du public et sur la destigmatisation du tabou persistant autour du suicide en délivrant des messages positifs sur la prévention possible du suicide, sur l’existence de signes d’alerte repérables et de ressources d’aide.

Une communication à vocation nationale est d’ailleurs préconisée par le Conseil économique social et environnemental, dans son avis du 12 février 2012 intitulé « suicide : plaidoyer pour une prévention active ».
Le CESE recommande notamment :

  • l’attribution du label grande cause nationale à la prévention du suicide,

  • l’organisation d’une campagne nationale de prévention du suicide tout public relayée par les médias.

Par ailleurs, plusieurs évènements militent en faveur d’actions de sensibilisation du grand public sur la question du suicide:

  • Les préconisations du groupe de travail relatif à l’amélioration de la prévention du suicide sur Internet, mis en place dans le cadre du programme national d’actions contre le suicide. Lors de ces travaux, les participants ont singulièrement insisté sur la nécessité d’une communication institutionnelle dans le champ de la prévention du suicide.

  • L’étude réalisée par l’unité de recherche en économie de la santé (URC ECO), met en évidence la charge économique des suicides et tentatives de suicide et recommande in fine de mettre l’accent sur les mesures de prévention (étude en cours de publication).


Dans le cadre général de ces recommandations concernant l’information du grand public autour de la prévention du suicide un éclairage devra être apporté aux spécificités du suicide lors des différentes phases de la vie notamment au cours de l’avancée en âge.
Ce travail de communication pourra être décliné non seulement au niveau national par des campagnes de communication mais également au niveau local (par exemples par des brochures).

Il est enfin indispensable d’évoquer le rôle d’internet et des réseaux sociaux. Les personnes vieillissantes deviennent de manière de plus en plus fréquente des utilisateurs assidus et compétents des « nouveaux médias ». Certes, dans la population actuelle, c’est un phénomène encore marginal, mais significatif chez les plus de 80 ans.

Ces nouveaux outils de communication sont dès maintenant la pierre angulaire de la communication de groupes de vieux. Toute stratégie de communication doit donc intégrer non seulement le rôle que des sites et des échanges de mail jouent, mais aussi des médias comme Face Book et Twitter, adaptés aux Smart Phones et aux Tablettes.

Ces transformations ne seront probablement pas induites par les institutions, mais surgiront de communautés d’utilisateurs qui créeront en dehors de toute incitation et tout contrôle

Cette transformation culturelle aura deux conséquences prévisibles et contradictoires sur les systèmes de santé :

  • Un courant consumériste qui amplifiera la concurrence et la marchandisation des soins

  • Un courant communautariste qui revendiquera la prise en charge de la Santé par les citoyens ou avec les citoyens, comme partenaires responsables (Living Labs en Santé et Autonomie) 91.

La mise en œuvre des TIC deviendra très rapidement un complément indispensable de l’établissement de liens sociaux, particulièrement importants dans la prévention du suicide.



  • Traitement médiatique des cas de suicide


La littérature scientifique internationale s’est intéressée à l’impact du traitement médiatique des cas de suicide sur la mortalité, et notamment à l’effet « Werther » ou effet de contagion. Des travaux92 démontrent que les médias ont une influence significative : la médiatisation de cas de suicide peut entrainer un effet facilitateur pour des personnes en souffrance psychique et ainsi une augmentation de suicides a pu être observée à la suite de certaines publications.

La diffusion d’une information de qualité permettant une prise de conscience du phénomène est un des éléments essentiels pour assurer le succès des programmes de prévention du suicide. En effet, « un comportement responsable de la part des médias » est reconnu par l’organisation mondiale de la santé comme étant une action de prévention efficace. Ainsi l’OMS a publié des recommandations à l’intention des professionnels des médias93 et encourage les collaborations entre les médias et les experts en suicidologie.

En lien avec l’impact de l’information, et dans le respect de leurs missions, les journalistes peuvent faire passer des messages positifs de prévention du suicide, notamment en évoquant l’existence de signes d’alerte repérables ou les ressources d’aide existantes..

Des actions de sensibilisation auprès des journalistes ont été menées à l’étranger, principalement sous forme de guides de recommandations sur le traitement médiatique du suicide (aux Etats-Unis, Canada, Angleterre, Ecosse, Irlande, Allemagne, Norvège, Suisse, Belgique, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon, Hong Kong, Inde…). En Suisse, une directive du code de déontologie des journalistes concerne le traitement médiatique des suicides (directive 7.9 de la déclaration des devoirs et des droits du journaliste, Conseil Suisse de la presse).

Dans le cadre du programme national d’actions contre le suicide 2011-2014, la Direction générale de la santé et le Groupement d’études et de prévention du suicide, expérimentent des actions de sensibilisation au sein des écoles agrées de journalisme. L’objectif étant de proposer aux futurs journalistes des connaissances scientifiques permettant de mieux comprendre le phénomène du suicide, afin de le traiter de la manière la plus adaptée à une démarche de prévention.
Dans le cadre général de ces recommandations, une réflexion devra être menée sur le traitement médiatique des suicides lors des différentes phases de la vie notamment au cours de l’avancée en âge.

Témoignages et points de vue des différents membres du CNBD

Le comité de pilotage a souhaité faire figurer les contributions particulières de plusieurs membres du fait de leur approche et de leur point de vue spécifique concernant la prévention du suicide de la personne âgée.
>>> Le point de vue du Commandant de Police (Claude Michel SIRVENT)
La problématique du suicide chez les personnes âgées est appréhendée par la Police Nationale sous l’angle de l’expérience de terrain et du témoignage. Bien que le suicide ne soit pas une infraction pénale, il n’en reste pas moins une mort violente pour laquelle la liberté du sujet est altérée par plusieurs causes : abandon, désespoir, souffrance physique et psychique, manque de l’autre, l’inutilité… Ces causes se doublent fréquemment d’une précarité économique et relationnelle. Aussi, il n’existe aucune donnée chiffrée, nos outils statistiques ne discriminant uniquement la majorité ou la minorité de la victime et non la tranche d'âge (exemple : 60 ans et plus). Tous les appels téléphoniques émanant d'une personne âgée agression ou paraissant être victime d'une atteinte particulière sont pris en considération sans délai et donnent lieu systématiquement à l'engagement d'une patrouille dont la mission est de prendre contact physiquement avec la personne. Ces interventions ne donnent pas lieu à un chiffrage singulier.

Si la police nationale est en première ligne de ce constat sociologique et anthropologique, elle n’en reste pas moins sollicitée pour repérer les situations à risque, les vulnérabilités à travers le plan canicule, le plan sénior en partenariat avec la ville et les différents acteurs sociaux. Elles nécessitent la mobilisation des personnels de police ainsi que de tous les acteurs compétents et notamment, des organismes qui assurent différents services au bénéfice des personnes âgées (milieu associatif, services sociaux, organismes d’aide aux victimes, établissements publics, collectivités territoriales…).

Ces contacts sont réalisés non seulement par les fonctionnaires de police mais également par les bénévoles du service volontaire citoyen encadrés par des réservistes de la police nationale. Les services de police peuvent ainsi exploiter toute information portant sur des faits suspects, ou ayant trait à des situations d’isolement marqué, en vue de prendre toutes dispositions utiles, notamment en saisissant les brigades de protection de la famille.

>> >Le point de vue d’un citoyen (Daniel Carré)
Parallèlement à l’augmentation de l’espérance de vie, la morbidité n’est plus causée principalement par maladies contagieuses, mais par des maladies chroniques et dégénératives dont certaines sont à l’évidence une conséquence de nos modes de vie (pe diabète). Mieux vivre, c’est continuer à être actif sur tous les plans : physique, intellectuel, social, affectif, sexuel....Ceci implique de s’outiller pour faire face aux changements qu’entraînent le vieillissement. Facile à dire, possible à faire, quand on en a les moyens, les statistiques d’espérance de vie par niveau socio éducatif nous le montrent.

Dans ce contexte, la prévention de l’acte suicidaire s’intègre dans une conception de la prévention reposant sur l’ « empowerment » et le maintien, voire le développement, de l’utilité sociale de la personne vieillissante. La finalité est que tout le monde prenne au mieux soin de son état de santé physique et mentale.

La problématique du suicide de la personne âgée s’insère dans celle de la fin de vie, car vieillir, c’est se rapprocher tous les jours un peu plus près de la mort. L’attitude générale est aujourd’hui le déni de cette évolution, démontré par le peu de personnes qui écrivent des directives anticipées. Le taux de suicide des personnes âgées est le signe d’un désespoir très profond, difficile à prendre en charge à cause de l’insuffisance de l’offre géronto psychiatrique.

L’effort doit essentiellement porter sur deux points suivants qui sont liés :

L’information doit être centrée sur les problèmes spécifiques de la santé mentale des personnes âgée et les possibilités thérapeutiques concernant notamment la dépression.

L’information concerne l’incitation à réfléchir sur sa fin de vie et sur l’importance du dialogue concernant les conditions de la mort, tant avec ses soignants qu’avec ses proches.

Des multiples causes médicales, affectives et sociales ont des conséquences délétères sur les fins de vie, entraînant un certain nombre de souffrances et de mal être inacceptables. Cette situation appelle une profonde transformation des prises en charge, à domicile comme en établissement. Tout en gardant en vue que pour les personnes de grand âge, les troubles mentaux sont une pathologie de plus : la finalité n’est pas de guérir mais d’assurer les conditions les plus confortables pour que la fin de vie soit le plus agréable possible. La réduction du taux de suicide en résultera.
L'aide à mourir est l'ultime accompagnement du patient volontaire, conscient, entouré par ses proches et déterminé, qui anticipe et ne veut plus vivre les jours, mois ou années qui impliquent l’assistance permanente d'une médecine technicienne de plus en plus performante. Elle concerne de plus en plus de personnes âgées qui construisent une démarche réfléchie différente de l'acte désespéré de la personne âgée dépressive. La mort est inéluctable, la préparation à son arrivée est un excellent moyen pour demeurer lucide et pour espérer contrôler jusqu’au bout ses conditions de vie.

Je suis personnellement favorable à cette aide à mourir qui devrait  pouvoir être prodiguée de manière ouverte, contrôlée et sereine dans une société qui produit un allongement de la durée de la vie que l'humanité n'a jamais connue. Je témoigne que cette demande est relativement fréquente, même si le passage à l’acte ne concerne qu’une petite minorité de ceux qui expriment cette volonté.

Cette évolution n’entraîne pas une attitude résignée devant le suicide de la personne âgée, en face duquel il convient de renforcer les démarches de prévention. En effet, de multiples témoignages montrent que ceux qui font une demande d’aide à mourir sont fortement soulagés de l’angoisse de perdre le contrôle de leur propre vie.

La dimension culturelle et philosophique que soulève la fin de vie dans notre société actuelle est très importante. Les artistes et créatifs ont plus à dire sur ce sujet que les journalistes. Il faut ajouter aussi la dimension spirituelle, comme l’a fort justement fait ressortir Olivier de Ladoucette .

La mort de la personne âgée est considérée comme dans l’ordre courant de la vie. Plusieurs facteurs s’opposent à une prévention efficace du suicide.

L’évolution du regard de la société sur la question de l’euthanasie, qui s’appuie sur le mouvement fondé sur l’idée de « mourir dans la dignité », pourrait renforcer l’idée que le suicide de la personne âgée est acceptable, en lien avec la perspective du vieillissement de la population, de sa perte d’autonomie et des répercussions financières potentielles.

Enfin, notre société est marquée par le déni de la mort, qui fait du suicide de la personne de grand âge un tabou dont il ne faut pas parler. Le suicide est l’effet dramatique de causes multiples qui conduisent à l’ultime appel.

En complément, la sensibilisation des personnes âgées aux dispositifs qui permettent de maîtriser leur fin de vie doit être renforcée. Ces dispositifs prévus dans le code de Santé Publique (Directives anticipées et Personne de confiance) et dans le code de la famille (Mandat de Protection Future) permettent d’affirmer l’autonomie devant la grande inconnue qu’est, pour tous, la phase terminale de la vie. Ces dispositions pourraient être diffusées par les médecins généralistes, comme le prévoit le code d’éthique de l’association des médecins Suisse ;94 L’échange avec le médecin sur les directives anticipées est en effet un instant privilégié pour établir un bilan partagé et pour révéler un état dépressif éventuel qui pourrait entraîner une conduite suicidaire.

>>> Le point de vue d’un psychiatre (Philippe Guillaumot)

Je souhaiterais faire une réflexion épistémologique .Dans tout ce que j'ai lu, aucun des textes n'omet d'introduire le sujet sans en parler comme d'une complexité. (on peut peut-être laisser de côté l’état dépressif majeur qu'on appelait la mélancolie franche  qui correspond à un état dépressif intense avec des idées délirantes qui ne semble pas avoir beaucoup changé de forme au cours des siècles, puisqu'elle était décrite dans l'Antiquité et qui reste très suicidogène . Etonnamment,  souvent les idées délirantes congruentes à l’humeur, qui font partie du tableau clinique sont souvent mal repérées, quand  elles sont très centrées sur la réalité dans leur formulation : par exemple «  je ne peux rester à l’hôpital, car je n'ai plus mes droits sociaux et je suis ruinée » " mes intestins sont bloqués, je ne suis pas allée aux toilettes depuis 15 jours, donc je ne peux plus manger").

Et toute la méthodologie qui suit , me parait se décliner , me semble-t-il en partie , trop prioritairement dans  une logique linéaire , où le salut ne viendrait que de l'acquisition d' un  savoir  , si possible très prédictif , qui précèderait la rencontre ; toute rencontre avec un suicidant potentiel .Donc la solution passerait par le repérage de ces informations .Alors qu'en même temps pour une part des situations et sujet , on est en situation de crise et d'imprévisibilité potentielle , d'hypothèse d'un risque , où il va falloir accepter d'avancer à tâtons , en sachant que nos manières de faire , ou de ne pas faire , ou de ne pas savoir faire , peuvent influencer la suite , et nous rendent partie prenante de la construction de cette réalité .   .Il faut donc des équipes de crise, des équipes ressources, acceptant de partager cette vulnérabilité passagère où les interrogations l'emportent d'abord sur les certitudes, du côté soignant et aidant, avec le soutien dont nous avons besoin, nous aussi alors comme professionnels. Car ne nous apprend-t-on pas trop dans nos formations, à croire que nous posséderions des savoirs fiables, capables de résoudre les problèmes professionnels que nous rencontrons, et où l'incertitude n'aurait pas beaucoup de  place ? Peut-on travailler sans les autres dans ce domaine ? Regardons-nous travailler ou ne pas travailler en réseau ? Si nous faisions l'hypothèse que l'auxiliaire de vie qui passe plusieurs heures chez la personne âgée est porteuse d'un savoir, peut-être plus émotionnel que cognitif, sur le vécu dépressif de son client et de son intensité, donc du potentiel suicidaire ? Et si c'étaient ces agents, les moins qualifiés, dit-on, qui possédaient où recevraient les informations les plus utiles dans notre domaine ? Quelles conclusions faudrait-il en tirer, sur ce que l'on pourrait appeler un réseau sentinelle, qui prendrait en compte ce savoir ? Mais la confiance à créer dans le réseau, pour qu'on puisse s'écouter et s’entendre, se reconnaitre aussi, prend du temps, et du « labourage ». Ce n'est pas un système clef en main, qu'on s’échange d'un territoire à l’autre, après décision d'en haut.

Je donnerais comme exemple aussi, à juste titre la nécessité de s'y repérer, de détecter  la fameuse crise suicidaire, comme processus en marche, qu'il faut arrêter  .Mais rien n'est dit de ce que cela peut faire vivre aux soignants de s'y confronter .Par expérience, je ressens à chaque fois cela comme une lourde responsabilité, y compris émotionnelle. Ce patient qui sort de ma consultation, où dont me parle en réunion de synthèse ou de régulation, ai-je bien évalué son risque suicidaire ? Ne peut-on imaginer que c'est dans ce savoir-faire et être là, qu'il y aurait des enjeux de progrès ? Car s'autoriser à questionner son patient sur ses pensées suicidaires et un éventuel scénario en marche, c'est s'engager profondément, et ne plus pouvoir lâcher, avant résolution. C'est  ne pas renvoyer à un autre, potentiellement ou fantastiquement plus capable, sans s'assurer d'assumer un relais très délicat etc. Quand j'ai fait  récemment, une réunion avec des professionnels sociaux et d’EHPAD, dans un contexte de post-vention après un suicide par défenestration, c'est un peu ce message qui revient. On ne sait pas " .J'entendais aussi "ça nous fait peur de nous engager, on ne sait pas comment faire et comment ça va tourner. Peut-être, se disait-il, on a besoin de soutien pour y aller. Il y avait eu un rapport de l'ARS et du Conseil Général, qui orientait un peu du style, vers "il faut trouver un psy, tout de suite " .Toujours un peu la même idée, le bon malade au bon guichet. Comme si les malades étaient forcément ordonnés et compliants, surtout dans ces circonstances ? Mais d'autres disent aussi que la prévention du suicide, c'est l'affaire de tous, mais aussi des autres professionnels proches, pas que le médecin généraliste, qui en a beaucoup sur le dos, à force d'être le pivot de tout. Il faut qu'on l’aide. De nombreux professionnels de l’aide, passent beaucoup de temps près des personnes âgées, et elles sentent avec leurs émotions, que quelque chose ne va pas. Mais  quel relais ? Quelle référence d'équipe ? Quel temps de régulation pour parler de ce que cela fait vivre et comment on peut partager ses interrogations ? Qu’elle organisation transversale visible et accessible de réseau ? (Les équipes mobiles, l'hospitalisation géronte-psychiatrique à créer ?) Et là, on est bien dans une méthodologie différente. On a moins besoins d'experts portant tout le savoir, que d'un partage d'expérience formative, où différents savoir peuvent peut-être devenir inter, sinon transdisciplinaires.

>>>Le point de vue d’une représentante d’une association d’usagers
L’histoire de Madame M et de Monsieur P par Hélène Chartier (Association d’usagers)
A l'âge de 83 ans, Madame M fut victime d’un infarctus médullaire lui causant brutalement une paralysie des membres inférieurs, une incontinence totale et un état de dépendance. Veuve et désespérée de l'être, elle n'en était pas moins hyper active, se déplaçant et voyageant beaucoup. Elle a été véritablement sidérée par sa perte d'autonomie et n'a pas trouvé les ressources mentales nécessaires pour s'adapter à ce nouvel état. Elle a baissé les bras.

Pendant deux ans, sa famille a pu la maintenir à son domicile avec l'aide d'une association prestataire qui prenait en charge les toilettes et un accompagnement dans l'après-midi jusqu'au repas du soir. Cependant, son moral a continué à se dégrader. Elle était paniquée lorsque les intervenants avaient du retard ou ne venaient pas et se plaignaient du trop grand nombre d’intervenants. Puis est venu le moment d'avoir une assistance 24h/24, particulièrement couteuse. Le montant de l'APA n'était pas suffisant, malgré une pension confortable laissée par le mari de Madame M. La famille a décidé de placer Madame M dans un EHPAD. Cette décision fut très difficile à prendre. Après de nombreuses visites d’établissements, la famille a retenu une maison de retraite privée, à proximité du domicile des proches. Le lieu était bien entretenu et joli et Madame M mère a donné son accord pour y entrer.

Madame M s’est alors installée dans un espace extrêmement confiné et petit, devant s'habituer à vivre en fauteuil roulant le long de son lit… Elle ne peut se lever ni marcher, elle est de forte corpulence et nécessite un lève-malade nécessitant deux personnes. Son rythme de vie a changé avec la nécessité de s’accoutumer à des horaires très contraignants. En effet, Madame M se couchait très tard, lisait fort tard dans la nuit et avait pour habitude de se lever vers 9h30 . Or, dans cet établissement, on réveille les résidents entre 4 et 6 heures du matin afin de procéder au change des protections. Puis interviennent le petit déjeuner, les toilettes, (10 à 12 minutes en moyenne)... Le soir, on descend les résidents à 18 heures pour un dîner à 18h30. Ceci permet d'avoir le temps de remonter les résidents dans leurs chambres et de les coucher, le personnel repartant à 20h... Madame M qui est mise au lit à 19h15 supporte mal ces contraintes. Pour elle, ils représentent une forme de violation et sont facteurs d'insatisfaction : ils génèrent soit une soumission passive, soit une révolte et un désir d'en finir. Son ressenti exprimé est celui d'être "chosifié", lié au sentiment d'inutilité et de dépendance, elle se sent obligée de se soumettre pour ne pas gêner.

Par ailleurs, Madame M a été placée à une table pour prendre des repas avec des personnes qu'elle n'a pas choisies et dont elle ignore le nom. La proposition de la famille de mettre de petits chevalets avec les noms près des assiettes n’a pas été suivie. Le moment du repas qui devrait être un moment de plaisir partagé devient ainsi une véritable corvée. Enfin, on propose à Madame M des distractions qui ne sont pas du tout adaptées à ses attentes, par exemple des activités de karaoké.

Tout cela a participé à son désir d'en finir avec la vie. Très cultivée et au courant des pratiques concernant l'euthanasie assistée à l'étranger, Madame M a supplié son entourage de l'emmener en Belgique afin d'y mourir dans la dignité. Son entourage n’a pas accéder à sa demande. 

Ne se sentant pas comprise Madame M a tenté de mettre fin à ses jours en se faisant tomber de son lit, emmenant dans sa chute un cadre contenant une photo de son mari. La partie en verre s'étant brisée, elle a pris les bouts de verre et s'est tailladée les jambes, les bras, le visage et en était au cou lorsqu'une aide-soignante est passée dans sa chambre. Les pompiers l'ont conduite à l'hôpital afin de lui faire des points de suture. Madame M était désespérée de n'avoir pas pu mourir. Depuis, elle est surveillée, on a mis des barrières à son lit ce qui augmente son angoisse et son sentiment d'enfermement. Elle a essayé de mettre de côté les médicaments si bien que maintenant on s'assure de la prise. Elle a essayé de ne plus manger et de ne plus dormir, de ne plus boire. Elle trouve inadmissible la discrimination qui existe entre elle, privée de moyens, et les personnes valides qui ont le choix des moyens. Elle étouffe littéralement devant cette privation de la liberté de mettre fin à ses jours.

La psychologue de l'établissement est complètement débordée. Or, la demande est simple, chez la plupart des résidents : c'est l'écoute. Ils aimeraient que l'on vienne parler avec eux, qu'on leur consacre un peu plus de temps, qu'on les écoute.
Monsieur P (le frère de Madame M) vivait à son domicile avec sa femme. Il était malade depuis de nombreuses années et devait se rendre 3 fois par semaine à l'hôpital pour y subir des dialyses. Ces déplacements le fatiguaient de plus en plus d'autant qu'un cancer du pancréas, se généralisant, est venu aggraver son état physique. Il a tenu bon pendant longtemps jusqu'à ce que son corps commence à se détériorer, ses souffrances à augmenter. Il a réuni un jour sa femme et ses enfants et leur a fait part de son désir d'en finir avec son existence. Il savait qu'en supprimant ses séances de dialyse il ne survivrait pas plus de huit jours. Il a donc choisi de les supprimer, en accord avec ses médecins qui ont respecté son choix à condition qu'il se fasse accompagner. Une équipe mobile de soins palliatifs est donc venue estimer la situation. La famille de Monsieur P a constaté le grand professionnalisme de cette équipe. Voici leur témoignage : «  Ils ont été remarquables dans leurs conseils, la prise en charge de l’épouse de Monsieur P et de ses enfants, leur écoute, leur grande empathie à l'égard de Monsieur P et leur disponibilité 24/24h ». C'est ainsi, très entouré et respecté dans son choix, que Monsieur P s'est éteint avec sérénité et dans la paix, huit jours après l'arrêt de ses dialyses. 
Il ressort de mes constats d’accompagnements (en tant que famille d’une part et bénévole d’autre part, et sur les deux terrains que sont le domicile et l’institution) que le manque d’écoute lié au manque de temps des divers intervenants auprès des PA est un facteur aggravant qui contribue à un sentiment d’abandon et à un état dépressif. Seuls les bénévoles et les familles ne sont pas liés à des contraintes horaires. Je continue donc de penser que l’un des éléments indispensables concernant la prévention du suicide chez la PA réside dans le TEMPS que l’on devrait pouvoir lui consacrer.

Il a été évoqué la possibilité pour la PA de se déplacer vers un CMP afin d’y bénéficier d’une visite qui serait prise en charge financièrement, auprès d’un psy. Il a également été question de séjours possibles en hôpital de jour.

C’est une proposition tout à fait intéressante à la condition toutefois que la PA soit assez valide pour s’y rendre. En effet, le recours aux transports spécialisés présente des difficultés génératrices d’angoisse : prise de rendez-vous, organisation du déplacement, attente… véhicule en retard et embouteillages pouvant faire rater le rendez-vous…

Et pour ce qui est de l’hôpital de jour, encore faut-il qu’il soit équipé en local spécifique et en aides-soignants pour assurer les changes et toilettes des personnes handicapées incontinentes (matériel, lève-malade etc..). La contrainte n’est pas négligeable.

En institution, le temps consacré aux interventions des psychologues est extrêmement faible et par conséquent l’efficacité est très limitée, voire nulle. Au domicile, il est très rare qu’un psychologue veuille bien se déplacer et par ailleurs, l’absence de prise en charge par la sécurité sociale représente un frein considérable. Ne serait-il pas possible d’envisager que des psychologues soient rémunérés pour se déplacer auprès des personnes âgées quel que soit leur lieu de résidence ?

En ce qui concerne le recours à des appels téléphoniques du style « suicide-écoute », il apparaît que cette offre, bien qu’indispensable, soit bien difficile à utiliser.La PA peut ne pas être informée de l’existence de ce numéro d’appel et d’autre part, étant bien souvent mal-entendante, elle risque de s’abstenir d’appeler ou surtout de ne même pas penser à ce recours, le téléphone n’étant, bien souvent, déjà plus un outil de communication pour elle.

Pour que le suicide ne soit pas un ultime recours, il semblerait indispensable de sensibiliser tous les acteurs de santé, les familles, les voisins et tous les citoyens à être vigilants.

Ne peut-on envisager une campagne d’affichage avec un slogan très court et très clair du style « vigie-grand âge » où il ressortirait que les personnes âgées ont besoin de nous et que nous avons besoin d’elles, qu’il nous faut ouvrir l’œil, tendre la main et l’oreille ?

>>> Le point de vue d’un psychologue (Louis Ploton)
La vulnérabilité psychologique de la personne âgée

Le vieillard peut être comparé à un immigré dans le temps, c'est-à-dire à quelqu’un vivant dans un pays très différent de celui dans lequel il est né et a été élevé, du fait de sa confrontation à d’autres rapports : à la loi, au travail, à l’argent, à la rue, à l’autre sexe etc (Ploton ref). Et cela dans un contexte de vulnérabilité corporelle et des atteinte narcissiques qui le vulnérabilisent, dans le cadre d’une crise d’identité comparable à la crise d’adolescence (avec les mêmes fragilités). De plus, l’avancée en âge conduit à risquer de devenir spectateur de l’histoire. Une histoire vécue par procuration, en étant passé du statut de membre actif, exerçant des responsabilités, à celui de membre honoraire. Car il s’agit bon gré mal gré de laisser la place, toujours plus de place à d’autres, de faire le deuil de positions que l’on n’a plus les moyens de « tenir », puis à un degré de plus, deuil après deuils, de devoir se faire protéger en renonçant encore un peu plus à l’exercice du pouvoir (donc de l’autonomie). Or qui dit deuils dit risque dépressif. Il suffit alors d’un moment de solitude de trop ou d’une humiliation de trop pour qu’un projet (voire un raptus) suicidaire survienne. C’est sans doute là, avant qu’il soit trop tard, que le rôle des professionnels peut être déterminant en passant d’un mode d’intervention impersonnel (purement technique, mécanique) à des interventions qui signifient au bénéficiaire qu’il compte pour eux, qu’il est investi par eux, c'est-à-dire en créant et en entretenant de vrais liens affectifs (qu’il faudra gérer par ailleurs). Cela passe, par exemple, par la limitation du nombre des intervenants auprès d’une même personne : en finir avec les rotations d’intervenants, « pour ne pas avoir de liens affectifs ! ». Car précisément tout est dans l’affect, c’est lui qui est déterminant de vie ou de mort ! Mais, à la base, cela exige une meilleure formation à la psychologie du grand âge, en direction des intervenants de terrain, du médecin à l’auxiliaire de vie, sans omettre, aussi et surtout, les responsables de services d’aide et de soins. Et, dans ce registre, un rôle plus important doit être dévolu aux psychologues cliniciens, tant dans la formation des intervenants que dans l’accompagnement théorique et clinique de ceux-ci, à tous les niveaux.

La discrimination négative à l’égard des personnes âgées et de la vieillesse (Anne-Laure Fombaron)
Dans son rapport remis en mars 2013 suite aux travaux du Comité Avancée en âge, le Docteur Aquino présente la représentation de la vieillesse dans notre société comme l’un des facteurs expliquant les discriminations quotidiennes que peuvent connaître les personnes âgées.

Cette vision négative de la vieillesse fonderait un ensemble de comportements collectifs tendant à minorer la place des personnes âgées dans notre société. N’étant plus insérés dans le marché du travail, perdant leur utilité dans la sphère productive ou ne correspondant aux critères esthétiques communs, les personnes âgées perdraient leur statut de citoyen à part entière. Dans cette optique, le vieillissement  engendre un terreau propice à la perte des liens sociaux, qui peut dès lors produire une base pour l’isolement social. Ce même isolement social constitue un facteur décisif dans la perte d’autonomie des personnes âgées et peut alimenter des situations dépressives, pouvant évoluer en situations à risque suicidaire.

Cette représentation de la personne âgée dans la société explique le manque d’investissement dans la lutte contre les discriminations liées à l’âgée jusqu’à aujourd’hui, mais aussi dans la prévention du suicide contre les personnes âgées.

Le rapport appelle au contraire à lutter contre les idées préconçues et à faire pleinement une place aux personnes âgées dans la société française, sans opposer les générations entre elles. Une valorisation de la vieillesse apparait urgente dans notre société, afin d’initier un changement de mentalité à l’égard de nos aînés.

Le rapport Aquino propose en ce sens une fiche action proposant des pistes d’actions pour lutter contre l’isolement et le risque suicidaire chez la personne âgée. La fiche action n°15 sur la dépression et la prévention du risque suicidaire chez la personne âgée préconise d’améliorer la prévention du suicide chez la personne âgée, en renforçant l’identification et la prise en soins de la dépression et de souffrance psychique chez la personne âgée. La sensibilisation et la formation des acteurs de la prise en charge, au domicile ou en établissement, ainsi que des familles aux risques de dépression est une piste de réflexion pour améliorer le repérage et la prise en charge des situations de risque suicidaire.


Propositions du Comité
Cette partie est dédiée aux propositions du comité en vue de l’amélioration des actions et des pratiques professionnelles de prévention du suicide des personnes âgées
Objectifs

  1. Promouvoir le Bien Vieillir et prévenir l’isolement des personnes âgées dès 65 ans

  2. Structurer le parcours de soins et organiser l’interface entre la psychiatrie, la gérontologie et la médecine générale

  3. Sensibiliser et former tous les acteurs à la prévention du suicide

  4. Mettre en œuvre une politique active de programmes de recherche





Propositions
Mesure 1:
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