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Pratiques de diffusion d’information sociétale : Le cas Péchiney Frédérique Déjean Maître de conférences, IAE de Toulouse frederiquedejean@hotmail.com Bruno Oxibar Maître de conférences, Université Paris-Dauphine boxibar@hotmail.com Introduction La diffusion d’information sociétale est un thème rarement abordé dans le cadre français. Certaines études on pu se consacrer à des thématiques particulières, par exemple : l’environnement (Pellé-Culpin, 1998) ou s’interroger sur les motivations de l’émetteur de telles informations (Oxibar, 2003). Cette recherche consiste en une monographie des diffusions d’information sociétale de Péchiney au cours de la deuxième moitié du XXème siècle. Elle a le double objectif d’enrichir la connaissance des pratiques de diffusion d’information sociétale d’un point de vue longitudinal et de contribuer à la connaissance des motivations des entreprises dans la mise en œuvre de telles diffusions. Cette recherche fait principalement appel à la théorie de la légitimité et envisage la diffusion d’information sociétale comme participant d’un processus de légitimation de l’entreprise. Par ailleurs, nous nous appuyons sur la théorie du « media agenda setting » qui nous permet de proposer une mesure de la pression du public qui sera mise en relation avec les thèmes sociétaux abordés par Péchiney dans ses rapports annuels. Nous rappellerons dans un premier temps le cadre théorique dans lequel s’inscrit cette étude. Puis, nous indiquerons la méthodologie employée et terminerons par l’exposé des résultats qui ressortent de cette étude. Le cadre théorique Pour acquérir les ressources dont elle a besoin, une organisation doit interagir avec son environnement : parce qu’elle puise des ressources dans son environnement, elle dépend de celui-ci (Pfeffer et Salancik, 1978). La pérennité de l’organisation dépend de sa capacité à gérer les demandes de son environnement, en particulier celles formulées par les groupes qui détiennent les ressources indispensables à sa survie. Pfeffer et Salancik (1978) évoquent le « contrôle externe » de l’environnement. La légitimité va donc assurer à l’organisation l’approbation de la société et lui donner la possibilité d’obtenir les ressources dont elle a besoin pour survivre : « l’acceptabilité sociale qui résulte de la légitimité peut être plus importante que la performance économique » (Pfeffer et Salancik, 1978, p.194). A ce titre, la légitimité organisationnelle devient une ressource stratégique de laquelle dépend la survie de l’organisation. Les organisations interagissent avec leur environnement et doivent gérer les demandes des différentes parties prenantes. Or, ce sont ces parties prenantes qui vont juger de l’efficacité organisationnelle. Par conséquent, la légitimité organisationnelle dépend en partie des réponses apportées aux attentes de l’environnement. Dans ce cadre, l’organisation conserve la possibilité d’influencer l’acceptabilité de ses activités. La légitimité organisationnelle relèverait alors d’une question socio-politique. Les tenants de l’approche stratégique postulent que la légitimité organisationnelle repose sur la notion de contrat social, explicitée par Shocker et Sethi (1974) : « Toute institution sociale, et l’entreprise n’est pas une exception, agit dans la société via un contrat social, explicite ou implicite, selon lequel sa survie et son développement dépendent de la production de biens et de services désirés par la société et de la distribution de bénéfices économiques, sociaux ou politiques aux groupes qui lui confèrent son pouvoir ». Autrement dit, pour assurer leur survie, les organisations doivent se conformer aux valeurs de la société et répondre à ses attentes. Cette idée de l’adéquation entre les valeurs sociales et les actions organisationnelles est reprise par Dowling et Pfeffer (1975), dont les travaux constituent le véritable socle de l’approche stratégique de la légitimité. Ils indiquent que la légitimité organisationnelle n’est obtenue qu’à partir du moment où cette adéquation est établie. Les échanges entre l’organisation et la société ne peuvent être réalisés qu’à cette condition. Dowling et Pfeffer (1975) définissent la légitimité organisationnelle comme l’adéquation entre les valeurs sociales et les actions organisationnelles. La légitimité est déterminée par le mode de production, les produits, les buts et le domaine d’activité. Mais si la légitimité est une contrainte qui pèse sur les organisations, elle reste avant tout une contrainte dynamique qui se modifie avec l’évolution des organisations. La légitimité résulte donc avant tout d’un jugement social que les parties prenantes portent sur l’organisation. La légitimité est ainsi le résultat d’un processus de légitimation. L’approche stratégique des processus de légitimation est développée par Dowling et Pfeffer (1975), Ashforth et Gibbs (1990) et Lindblom (1994). Elle met en évidence les mécanismes plus ou moins formels dont disposent les organisations pour s’adapter à leur environnement. Dowling et Pfeffer (1975) identifient trois stratégies de légitimation permettant aux organisations d’assurer la continuité de leurs activités : - la cooptation, c’est-à-dire l’intégration d’hommes politiques et de chercheurs universitaires dans les conseils d’administration ; - la présentation d’objectifs en adéquation avec les attentes de l’environnement ; - l’identification des produits ou des systèmes de production à ceux d’organisations déjà reconnues par l’environnement. Selon Lindblom (1994), une organisation qui suit un processus de légitimation dispose de quatre stratégies : - informer l’environnement des changements dans ses performances et ses activités ; - changer les perceptions de l’environnement sans modifier le comportement de l’organisation - manipuler les perceptions de l’environnement en détournant l’attention de ce dernier par le recours à des symboles ; - changer les attentes de l’environnement quant aux performances de l’organisation. Ashforth et Gibbs (1990) affirment que pour acquérir une légitimité les organisations peuvent développer deux styles de management : un « management pragmatique » et un « management symbolique ». Dans le premier cas, les acteurs ont des attentes en termes de performance et accordent leur soutien en contrepartie de ces performances. Les organisations vont donc chercher à répondre à ces attentes. Dans le second cas, il n’est pas nécessaire pour l’organisation de modifier son système de production. Il lui suffit de le présenter de telle façon qu’il apparaisse conforme aux attentes et aux valeurs sociales. La diffusion d’information sociétale s’inscrit dans cette dernière configuration, à savoir que la diffusion volontaire de ce type d’information relève d’une stratégie de légitimation. Dans le cadre de cette recherche, au delà d’une étude des stratégies de légitimation, nous avons souhaité aborder la question de l’appréhension des attentes sociales et avons mobilisé la théorie du « media agenda setting ». Selon la théorie du media agenda setting, il existe une relation entre le degré de couverture d’un thème par les media et le degré de priorité accordé à ce thème par le grand public. S’agissant du lien de causalité entre ces deux dimensions, cette théorie précise que la couverture médiatique d’un sujet est à l’origine de l’intérêt manifesté par le public pour ce même sujet. Dès lors, les media sont supposés façonner l’opinion du grand public. En effet, Zucker (1978) indique que lorsque les individus ne sont pas directement confrontés à un thème et n’y sont donc pas familiers, ils se fient au média pour obtenir des informations Ainsi, Zucker prend-il l’exemple des questions environnementales qui, selon lui, constituent des thèmes pour lesquels le grand public ne dispose pas d’expérience concrète pour se forger une opinion. Ce n’est qu’en s’appuyant sur les informations diffusées par les media que le grand public peut s’approprier le thème de l’environnement. Ader (1995) souhaite mettre en évidence le lien de causalité entre media et intérêt du public ainsi que le sens de cette relation. D’une part, ce chercheur teste et établit une relation positive entre le degré de couverture par les media du thème de la pollution et l’intérêt du public pour ce thème. D’autre part, son étude conclut à l’absence de relation entre la réalité de la pollution et l’intérêt du public pour ce thème. Plusieurs travaux académiques ont tenté de valider l’hypothèse d’une diffusion d’information sociétale en réponse aux pressions du public. Des estimations différentes de cette dernière dimension sont proposées. Selon une approche historique, les principaux événements se rapportant à une entreprise ou à son secteur d’activité sont recensés, au sein d’études antérieures ou dans les media, pour évaluer l’intensité de la pression du public. La formalisation de la pression du public par le degré de visibilité de l’entreprise ou de son secteur d’activité constitue une seconde orientation. Guthrie et Parker (1989) réalisent une analyse longitudinale sur 100 ans des diffusions d’information sociétale d’une entreprise australienne du secteur minier et de transformation de l’acier, la Broken Hill Proprietary Company Ltd (BHP). Cette étude a pour objectif de démontrer que les diffusions d’information sociétale trouvent leur raison d’être dans la recherche de légitimité de l’entreprise. Ces chercheurs se fondent sur l’hypothèse d’une diffusion d’information sociétale, par l’entreprise, en réaction à des facteurs de son environnement (économiques, sociaux ou politiques) et dans la perspective d’une légitimation de ses actions. Les auteurs utilisent une méthode historique d’analyse de contenu afin de recenser, décrire et analyser les publications sociétales de la BHP au sein de ses rapports annuels, sur une période de 100 ans. Les catégories d’information sociétale analysées ont trait à l’environnement, l’énergie, les ressources humaines, les produits, l’implication dans la Société civile. Parallèlement, Guthrie et Parker établissent une banque de données des principaux événements et thèmes relatifs à la BHP. Ces données sont issues de différentes études historiques consacrées à l’entreprise ou au secteur minier en Australie. Les chercheurs comparent ensuite, pour chacune des catégories d’information, les périodes de pics de diffusion et les événements, concernant BHP ou son environnement socio-économique, survenus avant ou au cours de la période de pic de diffusion. Guthrie et Parker considèrent qu’une majorité de pics de diffusion associés à des événements marquants constituent la preuve de la poursuite d’une stratégie de légitimation des actions de l’entreprise au travers de ses diffusions d’information sociétale. Les chercheurs ne parviennent pas à établir de relation entre les pics de diffusion et les événements socio-économiques affectant l’entreprise au cours de son histoire. Ainsi, l’entreprise diffuse des informations alors qu’aucun événement socio-économique majeur n’est intervenu. A contrario, la survenue de tels événements n’est pas associée à une modification dans les diffusions d’information sociétale de la BHP. « La relation entre théorie de la légitimité et les diffusions n’a été établie que de façon marginale pour les informations environnementales, rejetée pour l’énergie et l’implication dans la Société civile, et contradictoire pour la catégorie des ressources humaines » (p. 351). Guthrie et Parker considèrent donc que la théorie de la légitimité ne permet pas d’expliquer les pratiques de diffusion de l’entreprise sur la période étudiée. Brown et Deegan (1998) proposent un test de la théorie de la légitimité et souhaitent établir un lien entre la couverture médiatique des effets environnementaux de l’activité des entreprises appartenant à diverses industries supposées avoir un impact environnemental significatif et le niveau de diffusion d’information environnementale au sein des rapports annuels d’un échantillon d’entreprises appartenant à ces secteurs. Brown et Deegan (1998), se fondent sur la théorie du « media agenda setting » pour poser l’existence d’une relation entre l’importance accordée à un thème dans les média et le degré de priorité du sujet pour le grand public. Les chercheurs effectuent une analyse longitudinale (5 années choisies au sein de la période 1981-1994) des diffusions médiatiques relatives au thème de l’environnement concernant les entreprises australiennes. Les sept media analysés appartiennent à la presse écrite et les articles relatifs à l’environnement sont classés par secteur d’activité et selon la nature (favorable/défavorable) de l’information diffusée. Les diffusions des entreprises via leurs rapports annuels sont également classées selon les mêmes critères (secteur, nature). Les hypothèses ne sont que partiellement validées et les auteurs soulignent les limites de leur étude dues, en particulier, au nombre relativement faible d’observations. Brown et Deegan suggèrent d’introduire une pondération des informations diffusées dans les media. Cette pondération dépendrait, d’une part, de l’audience du media, d’autre part, de la localisation de l’information au sein du media et de la forme adoptée pour sa présentation. Au delà de ces remarques méthodologiques, les chercheurs soulignent la contribution de leur étude à la connaissance de la relation entre les pratiques de diffusion d’information environnementale des entreprises appartenant à certains secteurs d’activité et l’importance de l’attention médiatique dont elles sont l’objet. Deegan, Rankin et Tobin (2002) se situent dans le prolongement des travaux antérieurs (Guthrie, Parker (1989) et Brown et Deegan (1998)). Leur analyse porte sur la même entreprise que celle observée par Guthrie et Parker (1989) et sur une période de 15 ans, postérieure à la période de la précédente (trois premières (dernières) années en commun). La méthodologie employée est très proche de celle proposée par Guthrie et Parker (1989) puisque les auteurs comparent les diffusions d’information sociétale de BHP et une mesure de l’intérêt du public matérialisée par l’attention médiatique accordée à l’entreprise au cours de la période. Deegan et al. (2002), à la suite de Brown et Deegan (1998), considèrent que l’attention médiatique est une bonne approximation des préoccupations de la Société en général. Leur étude a pour objectif d’observer les changements dans les diffusions d’information sociétale de l’entreprise et, en application de la théorie de la légitimité, de tester la relation entre ces changements et des préoccupations spécifiques de la Société civile. Les chercheurs procèdent à une analyse de contenu des rapports annuels de BHP et d’une sélection de journaux nationaux et régionaux australiens. Les auteurs proposent de tester deux hypothèses. Selon la première hypothèse, des niveaux plus élevés (plus faibles) de couverture par les media de sujets portant sur la performance sociale et environnementale de l’entreprise sont associés à des niveaux plus forts (plus faibles) de diffusion sociétale par l’entreprise dans ses rapports annuels. Selon la seconde hypothèse, des niveaux plus élevés (plus faibles) de couverture médiatique défavorable sur la performance sociale et environnementale de l’entreprise sont associés à des niveaux plus élevés (plus faibles) de diffusion d’information sociétale positive par l’entreprise au sein de ses rapports annuels. Ces hypothèses sont vérifiées pour les informations relatives à l’environnement et les ressources humaines ce qui conduit Deegan, Rankin et Tobin à soutenir l’hypothèse générale d’une diffusion d’information sociétale par les entreprises, justifiée par une stratégie de légitimation. Patten (1991) étudie les diffusions d’information sociétale de 128 entreprises et tente de déterminer si ces diffusions sont liées à la pression du public ou à la profitabilité de l’entreprise. Patten (1991) argue que « les diffusions sociétales constituent la réponse des entreprises sujettes à une forte visibilité dans leur environnement social » et ajoute que « la légitimité sociale des entreprises est gérée au niveau de la sphère publique plutôt qu’au niveau du marché » (p. 297). L’échantillon est constitué de façon à inclure des entreprises appartenant à des secteurs d’activité présentant une forte, une moyenne ou une faible visibilité sociétale. L’auteur procède à une analyse de contenu des rapports annuels des entreprises afin de déterminer le volume d’information sociétale diffusée. Patten évalue la pression du public grâce à deux variables : la taille de l’entreprise et le secteur d’activité. Il justifie le choix de la variable taille en reprenant l’argument de Cowen, Ferreri et Parker (1987) pour qui « les entreprises les plus grandes font l’objet d’une plus grande attention de la part du public et connaissent une pression plus importante à démontrer leur responsabilité sociale » (p. 113). S’agissant du secteur, Patten propose de distinguer les entreprises appartenant à des secteurs d’activité présentant une forte exposition (high profile) et celles appartenant à des secteurs de faible exposition (low profile). Plusieurs mesures de profitabilité sont également proposées (ROA, ROE) et l’hypothèse d’une relation non significative entre ces variables et le niveau de diffusion d’information sociétale des entreprises est formulée. Les mises en relation du niveau de diffusion d’information sociétale des entreprises et de variables représentatives de la pression du public, d’une part, du niveau de profitabilité, d’autre part, confirment l’hypothèse d’une diffusion d’information liée à la pression du public plutôt qu’à la performance financière de l’entreprise. Patten (1991) note, cependant, que « l’interprétation des résultats suppose que les variables retenues pour représenter la pression du public constituent des indicateurs fiables » (p. 305) Ces études, qui visent à mettre en relation la pression du public et le niveau de diffusion d’information sociétale des entreprises, produisent des résultats contrastés. Face à ce constat, les chercheurs remettent en cause beaucoup plus le mode d’évaluation des pressions du public que l’hypothèse selon laquelle il existe une relation entre la diffusion d’information sociétale et la pression du public. Nos travaux se situent dans le prolongement de l’étude originelle de Guthrie et Parker (1989) et empruntent une méthodologie proche de celle proposée par Brown et Deegan (1998) et adoptée par Deegan, Rankin et Tobin (2002). Nous proposons d’étudier les diffusions d’informations sociétales de Péchiney au cours de la deuxième moitié du XXème siècle. Nous avons choisi cette entreprise d’une part, car elle opère dans un secteur d’activité proche de celui étudié par Guthrie et Parker (1989). D’autre part, et d’un point de vue plus pratique, cette entreprise a développé un important centre d’archives, favorisant ainsi l’accès aux documents source de notre étude. A la suite de Guthrie et Parker, nous souhaitons montrer de quelle manière Péchiney a poursuivi une stratégie de légitimation en développant un discours relatif à la mise en œuvre de sa responsabilité sociale, en réponse aux attentes du grand public. La méthodologie 1. Mesure de la diffusion d’information sociétale Le rapport annuel comme support d’analyse de la diffusion d’information sociétale La plupart des études des pratiques de diffusion d’information sociétale ont fondé leur analyse sur le rapport annuel. Les arguments que font habituellement valoir ces études pour justifier ce choix sont, d’une part, le degré de crédibilité de ce support. Pour Neu, Warsame et Pedwell (1998, p. 269) « le rapport annuel possède un degré de crédibilité que l’on ne rencontre dans aucun autre type de publication ». D’autre part, la large diffusion de ce media constitue une justification supplémentaire de ce choix. Ainsi l’étude de Ernst et Ernst (1978, p. 5) souligne que « la large distribution du rapport annuel fait de celui-ci un forum particulièrement adapté à la diffusion [d’information sociétale] ». Enfin, la régularité de la production du rapport annuel est un autre critère mis en avant pour légitimer le choix de ce support dans l’analyse de la diffusion d’information sociétale. En effet, le chercheur (ou toute autre partie intéressée) peut être assuré que pour chaque année et chaque entreprise étudiée, un rapport annuel sera produit et accessible, garantissant une certaine exhaustivité des données. Gray, Kouhy, Lavers (1995b, p. 82) indiquent que « le rapport annuel est considéré comme principal vecteur de diffusion [de l’information sociétale] dans la majorité de la littérature [portant sur la diffusion d’information sociétale] ». Pour ces auteurs, le choix du rapport annuel comme support d’étude de la diffusion d’information sociétale dans la plupart des recherches se justifie par le fait « [qu’]il s’agit non seulement d’un document réglementaire, diffusé avec régularité mais qui constitue ce que l’on peut considérer comme le document le plus important en terme de construction par l’organisation de sa propre représentation sociale ». Ainsi, le rapport annuel des entreprises est le support d’information majoritairement utilisé pour étudier les pratiques de diffusion d’information sociétale des entreprises (Ernst et Ernst, 1978 ; Trotman et Bradley, 1981 ; Cowen, Ferreri et Parker, 1987 ; Guthrie et Parker, 1989, 1990 ; Roberts, 1991 ; Gray, Kouhy, Lavers, 1995 a-b ; Deegan et Gordon, 1996 ; Deegan et Rankin, 1996 ; Hackston et Milne, 1996 ; Neu, Warsame et Pedwell, 1998). Dans le cadre de cette étude, et à l’appui de cet ensemble d’arguments, nous choisissons de nous fonder sur les rapports annuels de Péchiney pour mesurer la diffusion d’information sociétale de cette entreprise. Nous nous sommes adressés à L’Institut de L’Histoire de L’Aluminium 1 et avons recensé les rapports annuels de Péchiney disponibles sur la période (1945 – 2001). La promulgation de la loi NRE a permis de déterminer la borne supérieure de cette période. Nous considérons, en effet, qu’au-delà de l’exercice 2001, les diffusions résultent à la fois d’une démarche volontaire de la part de l’entreprise et du respect de la réglementation. Dès lors, il apparaît nécessaire de distinguer parmi les diffusions celles à la discrétion de l’entreprise et celles qui répondent aux exigences légales. Au-delà de cette date, le cadre théorique explicatif de la légitimité n’apparaît plus pertinent. S’agissant de la borne inférieure de la période, celle-ci correspond à l’année de la fondation du journal Le Monde, support de diffusion que nous avons utilisé pour formaliser la pression du public (Voir infra). Une fois déterminé le support d’analyse des diffusions d’information sociétale, la méthode d’analyse de ces diffusions doit être précisée. Méthode d’analyse des diffusions. Nous proposons de procéder à l’analyse de contenu des diffusions d’information sociétale de Péchiney. A cette fin, nous utilisons la grille d’analyse des diffusions d’information sociétale mise en place par Oxibar (2003). Cette grille présente en colonnes les catégories d’information qui relèvent de l’information sociétale (Environnement, Ressources humaines, Produits, Société Civile, relations d’affaires Ethique, Autres) Les lignes de la grille correspondent à trois critères qualitatifs (forme, nature, profondeur de l’information) et aux différentes modalités de chacun des critères. A l’intersection des lignes et colonnes est consigné le volume correspondant d’information sociétale en proportion de page A4. Si nous conservons les critères qualitatifs de forme (monétaire, numérique, littérale), nature (bonne, neutre ou mauvaise) et profondeur (1 à 4et+) de l’information, nous proposons de faire figurer des sous-catégories d’information supplémentaires afin d’améliorer le caractère inter temporel de la grille d’analyse. En effet, Gray et al. (1995b) font remarquer qu’il peut apparaître nécessaire de détailler certaines catégories en sous-catégories et précisent que ces sous catégories sont susceptibles de varier selon les pays ou les époques. L’étude Ernst et Ernst (1978) faisait déjà le constat de variations des diffusions d’information sociétale d’une année sur l’autre et envisageait un raffinement continu des catégories de diffusion d’information sociétale des entreprises. La grille d’analyse originale correspondait à la période étudiée (année 2000) et répondait au critère d’exhaustivité2 de l’information. Si cette grille remplissait les critères d’exhaustivité et d’exclusivité3 pour les années les plus récentes de notre étude, il est apparu nécessaire, au fur et à mesure de la progression chronologique de la lecture des rapports annuels, de faire évoluer la grille et de créer de nouvelles sous-catégories afin de respecter au mieux ces critères. Grille d’analyse
2. Mesure de la pression du public Afin de mesurer la pression du public, nous avons procédé à une analyse de contenu du quotidien Le Monde sur la période d’étude. Ce journal existe sous forme numérique pour la période 1987 à nos jours. Les éditions des années antérieures sont accessibles sous forme de microfilms. En raison de l’important volume de données à coder, nous avons été conduits à effectuer un certain nombre de choix méthodologiques pour procéder à l’analyse de contenu de ce journal. Tout d’abord, nous avons dû mettre en place un protocole différent selon que nous avions affaire à l’édition sur microfilm ou à l’édition numérique du quotidien. S’agissant de la version microfilm du journal, nous avons choisi de ne coder que les Unes afin de faciliter la constitution de la base de données. Outre les raisons tenant aux contraintes matérielles de cette recherche, ce choix peut être justifié par le critère de profondeur de l’information selon lequel plus une information est située en profondeur dans un support de diffusion, moins l’émetteur est supposé lui accorder d’importance. Une fois opéré ce choix, nous avons balayé de façon systématique l’ensemble des Unes du quotidien au cours de la période (1971 – 1986). Le codage a consisté à distinguer les informations concernant, d’une part l’entreprise Péchiney ou le secteur Aluminium, Acier, Sidérurgie, d’autre part les informations relevant du champ du sociétal telles que définies dans la grille d’analyse présentée ci-dessus (Environnement, Ressources Humaines, Produit, Société Civile, Relations d’affaires). Cette phase de codage nous a permis de préciser à nouveau certaines catégories de la grille d’analyse. En particulier, nous avons complété la catégorie Ressources Humaines avec deux sous-catégories : « Syndicats » et « Organisation du travail » ? De même, le thème « Certification » a été ajouté à la catégorie « Environnement ». Une fois opérée cette distinction selon la nature des informations, nous avons effectué une mesure quantitative et qualitative des informations. Pour la mesure quantitative de l’information pertinente, nous avons retenu le volume d’information, soit en proportion de Une lorsque l’information était développée dès la première page, soit en profondeur (évaluée par le numéro de page) lorsque l’information se trouvait sous forme de manchette dans la Une. L‘évaluation qualitative de l’information a consisté à catégoriser l’information considérée et à indiquer sa nature (bonne, neutre ou mauvaise). En raison du volume d’information à coder et des contraintes matérielles de cette recherche, nous avons été conduits à modifier la période d’observation et avons procédé au codage des Unes de la période (1983-1986) et des années 1978 et 1974. Pour ce qui est de la version numérique du journal, nous avons mis en place un protocole de codage différent. La base de données EUROPRESSE permet d’accéder à la version numérique du journal Le Monde depuis 1987 jusqu’à nos jours. Si, à la différence du support microfilm, le support numérique permet un traitement très aisé de l’intégralité du journal, dans un objectif de traitement homogène avec celui opéré pour la période antérieure sur microfilm, nous avons limité notre traitement aux seules Unes. A la différence de la version sur microfilm, la base de données ne permet pas d’opérer un balayage chronologique systématique de l’ensemble des Unes de la période. L’accès à la version numérique se fait à partir de mots-clés. Aussi, avons-nous mis en place une liste de mots-clés présentés dans le tableau ci-dessous.
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