Jeux traditionnels et jeux sportifs





télécharger 59.76 Kb.
titreJeux traditionnels et jeux sportifs
date de publication22.04.2017
taille59.76 Kb.
typeDocumentos
m.20-bal.com > documents > Documentos
Jeux traditionnels et jeux sportifs...

Présentation des jeux traditionnels
et sportifs

 

Cette partie doit permettre de comprendre l’essence et l’esprit de ces jeux. Après un rapide mais nécessaire détour historique, je proposerai une analyse didactique. Tout de suite, je tiens à préciser les difficultés d’une telle option. En effet, les jeux traditionnels et sportifs n’ont pas de support didactique clair et institutionnalisé comme peuvent l’être les activités physiques sportives et ou artistiques. De plus, vouloir ‘’didactiser’’ les jeux, c’est pour moi, jouer avec l’histoire. C’est risquer de contraindre dans un cadre formel un type d’activité dont les facettes sont multiples et complexes. La dissymétrie ne se prête pas facilement à une rationalisation de la pratique ! Enfin la dernière difficulté est tout simplement de franchir cette limite. Un fois, ces pré-requis cités, ai-je le droit de prétendre à formaliser une telle activité ? Non, je ne fais qu’une modeste proposition qui ne peut définir qu’une partie de ces jeux collectifs.

1.Une rapide approche historique

La notion de jeu évolue tout au long de l’histoire de l’humanité. Le « jeu (païda) est pour les grecs un comportements enfantins, les Latins pensent qu’ils concernent aussi les adultes »(1). Dès la Rome antique, les jeux sont un divertissement public d’inspiration religieuse. Avec le Moyen Age et la puissance du christianisme, « le plaisir du jeu est assujetti au respect des règles morales. Moyennant quoi, le jeu s’insère dans tous les comportements sociaux »(2). Du cirque au château, les jeux de combat, de lutte, individuels et collectifs s’adaptent à leur époque. Bien que le jeu ne fasse pas partie de l’éducation à cette époque, certains auteurs tel que Rabelais vont introduire cette notion dans l’éducation des enfants(3).
La pratique sociale du jeu est liée en partie à la classe sociale d’origine. Des tournois, des rencontres de tir à l’arc, pratiqués par le milieu chevaleresque à la soule des milieux populaires, la violence physique est certes l’élément commun, cependant les activités participent au phénomène de distinction entre les différentes classes sociales.
Avec Locke, Kant, Rousseau, les jeux acquièrent progressivement un statut dans l’éducation des enfants. La nécessité d’une éducation physique débute lentement son long chemin. Les jeux s’ils sont recommandés avec une certaine surveillance de l’adulte, ne sont pas prioritaires. Ils participent à l’éducation corporelle et hygiénique.
Dans les milieux populaires des jeux de lutte sont présents dans les moments festifs et religieux. Si on connaît mieux aujourd’hui le phénomène de distinction sociale des pratiques physiques au XIXe siècle et leur progressive appropriation par les classes sociales modestes, ce même phénomène concernant les pratiques ludiques antérieures est moins connu. Pourtant, avec Norbert ELIAS et Eric DUNNING(4), il semble possible d’émettre une hypothèse similaire. Avec le développement très progressif du système scolaire et les campagnes hygiénistes, les jeux sportifs se développent lentement. La lutte contre la violence et la pacification des mœurs semble également jouer un rôle dans cet essor. Napoléon Bonaparte et Jacques Vingtras(5) jouaient à des époques différentes aux Barres(6).
Le XIXe siècle semble une charnière pour le développement des jeux traditionnels et du sport. Les premiers vont servir en théorie la méthode française, le second sera appliqué dans l’option anglaise. En effet, de nombreuses sources imprimées telles que les manuels publiés en 1891(7) et 1909(8) font référence aux jeux issus du patrimoine collectif. Les jeux récréatifs sont introduits comme « cache-tampon, palets, quilles, chat perché… » pour les garçons ; « pigeon vole, furet, main chaude… » pour les filles. Les jeux gymnastiques sont des jeux plus intensifs tels que « les quatre coins, les barres, la mère garuche… ». Enfin sont également officialisés les jeux gymnastiques de plein air : « la grande thèque, le mail, la barette, le ballon français… ». Cependant, les historiens ont peu d’éléments objectifs de leur utilisation. La frilosité française d’engager le jeune dans une activité physique intense apparaît comme un frein majeur à leur envol. Les faits historiques montrent que le sport se développe dès la fin du XIXe siècle. « Les jeux traditionnels particuliers, violents, subversifs, sont eux, en adéquation avec une société éclatée, rurale, artisanale et faisant travailler les enfants »(9). Dès lors, les jeux traditionnels acquièrent certes un statut mais évoluent différemment :
« 1- Une branche qui va mourir assez vite (la soule),
2- Une branche qui végète ou mourra très tard (certains jeux tiendront jusque dans les années 50 comme les quilles dans les Cominges, et même plus longtemps comme la boule de fort dans la région nantaise...)
3- une branche qui, après avoir végété, va renaître en s'appuyant à la fois sur un courant folklorique, sur les aspirations festives régionalistes et sur une certaine sportivisation (création de Clubs, de Fédérations, de championnats...):
Jeu de paume, longue paume, balle au poing, balle au tambourin, luttes bretonne, canarienne...
les joutes lyonnaises ou languedociennes...
les courses camarguaises, landaises
les jeux traditionnels bretons, celtiques, béarnais, basques... d'abord dans l'élan des lendemains des pardons ou des marchés ou des fêtes votives.
Certaines résistances à la sportivisation mettent bien en évidence les caractères particularistes des jeux traditionnels qui expriment l'affirmation identitaire de certaines communautés: par exemple la boule bretonne qui n'arrive pas à imposer un universalisme, chaque commune tenant à sa formule qui combine différemment les 4 variables: droit ou devoir de plomber, de se placer au départ, de mettre la main dessous, d'avoir les pieds joints. ST BRIEUC, TREGOR-ARGOAT, BREST, MORLAIX, l'ILE et VILAINE et le MORBIHAN... autant de formules.
4- Une branche très sportive mais numériquement minoritaire par rapport aux pratiquants sans licence:
sport- boule, pétanque, pelotes basques, tir à l'arc...
loisirs post-sportifs (ping-pong, tennis, golf, beach-ball...)
5- Une branche solide qui va se révéler très porteuse de structures originales: les jeux traditionnels des enfants.
Permis par l'accès de l'enfance à un statut propre, à la scolarisation, donc aux loisirs et au droit de jouer, enrichis par son extraordinaire double pouvoir d'assimilation du monde extérieur et d'invention les jeux des enfants vont hériter et faire fructifier cet héritage. Des observateurs vont commencer à recueillir ces jeux de BELEZE (Les jeux des adolescents 1854) à GALTIER (Trésor des Jeux provençaux 1950).
On peut diviser cette branche "enfants" en deux : les pratiques libres et les pratiques encadrées, avec des passages d'une à l'autre. »
(10)
Après la première guerre mondiale, les mouvements de jeunesse vont particulièrement s’emparer de ces jeux traditionnels, notamment ceux issus du scoutisme. Issus de cette voie, les Centres d’Entraînement aux Méthodes Actives (CEMEA) vont largement diffuser ces jeux par l’intermédiaire des stages de formation d’animateurs de centres de vacances, obligatoires jusqu’à la fin des années cinquante ? pour les instituteurs en formation. Le monde des colonies s’approprie complètement ces jeux comme l’une des activités principales.
En EPS, une lecture rapide des textes officiels nous renseigne sur la présence de ces jeux. En 1941, « les jeux (‘’Petits Jeux’’ et ‘’grands Jeux’’) constituent une activité d’éducation générale(11). » En 1945, les petits jeux sont préconisés pour les enfants de 6 à 10 ans. Pour la période pré-pubertaire, 10 à 16 ans, les grands jeux et jeux préparatoires aux sports collectifs sont recommandés(12). Il n’est pas mentionné d’exemples particuliers. En 1967, dans « L’analyse des intentions éducatives » le titre III nous renseigne sur la place à accorder aux « jeux pré sportifs. » Ceux-ci sont présents uniquement dans les classes de sixième et de cinquième. Leur enseignement doit, pour les garçons et les filles, correspondre à dix-sept heures du nombre total d’heures d’EPS, soit 10% sur l’ensemble de l’année scolaire(13). En 1985, un nouvel arrêté fixe les conditions d’enseignement de l’EPS au collège. Dans l’énonciation du programme, les activités collectives sont regroupées sous l’item « Sports collectifs » ne laissant en apparence pas la place aux jeux collectifs. Cependant le législateur laisse la porte ouverte : « La place des activités ludiques est importante(14)… »
Les derniers programmes du collège définissent deux objectifs généraux qui sont intéressants ici à noter. Concernant les « relations de coopération, de confrontation et de communication avec autrui, on privilégie les objectifs suivants : 1) résoudre et maîtriser les problèmes posés par l’opposition à autrui ; 2) résoudre et maîtriser les problèmes posés par la coopération en vue d’une action collective avec ou sans opposition(15)…  » Aussi la nouvelle formulation désignant les activités collectives me semble plus explicite qu’en 1985 : « Activités de coopération et d’opposition : sports collectifs(16) » Certes l’expression « sports collectifs » est citée clairement mais elle est intégrée dans un ensemble plus large que son les activités de coopération et d’opposition.
Dans les documents d’accompagnement des programmes de la classe de troisième, il est expliqué pourquoi le groupe technique disciplinaire ne souhaite pas donner d’autres exemples de compétences spécifiques. « On courait le risque, par le nombre d’exemples, de créer un ensemble d’activités de référence quasi incontournables, voire officielles, et de faire oublier que les exemples donnés ne l’ont été que pour initier une dynamique de production des contenus par les enseignants eux-mêmes. Ces derniers ont pour missions de formaliser, au sein du projet pédagogique d’EPS les contenus et tout particulièrement les compétences spécifiques, objets de leur enseignement, adaptées aux populations d’élèves et aux contingences locales, tout en se référant aux compétences générales inscrites dans les programmes(17) ».

C’est dans cette perspective que je propose une tentative d’analyse didactique des jeux traditionnels sportifs pour l’instruction, l’éducation et la formation des élèves du niveau sixième.

2.Vers une analyse didactique

a.Logique interne et définition de l’activité

Je ne prétends pas ici définir et proposer une analyse didactique exhaustive tant la complexité des jeux et leurs différences est grande. Il s’agit encore une fois de proposer un cadre propice à la réflexion.
Jean-Claude MARCHAL nous explique que « les jeux sportifs se distinguent par deux critères : la motricité et le degré de codification. Ce sont donc les jeux à composante motrice importante, souplement codifiés. Cette définition élimine d’un côté les exercices, les quasi-jeux, les gigotages et de l’autre les sports codifiés et fédéralisés. »(18)
Ainsi les jeux que nous utiliserons au collège entrent dans la définition suivante : Jeux collectifs d’opposition, de coopération et de confrontation mettant en jeu l’imaginaire des joueurs. Ces jeux qualifiés parfois de traditionnels ou de pré-sportifs peuvent avoir assez souvent une structure asymétrique tant dans le but à atteindre pour les équipes que pour chacun des joueurs, que dans le nombre d’équipes. La notion de jeu paradoxal est particulièrement présente.
Une autre particularité concerne le terrain de jeu. En effet, en fonction des objectifs poursuivis, ces jeux peuvent se pratiquer sur un terrain plat et dégagé ou en bois avec une légère adaptation des règles.

Enfin, dans le respect de la logique interne de chaque jeu, il apparaît important de proposer le jeu choisi sans variante. En effet, le jeu sans variante développe en son sein des libertés et des contraintes qui en font sa spécificité. Cela nécessite une analyse assez précise des conséquences des règles sur les comportements des joueurs à travers la structure de communication que le jeu propose.

b.Problèmes posés aux élèves

Pour réussir à s’engager sans risques, comprendre et utiliser l’ensemble ou partie des possibilités du réseau de communication, des buts de chaque jeu, les élèves sont confrontés, entre autres, à la résolution de problèmes liés à l’affectif, aux relations inter-individuelles et à la prise d’information :

    • utiliser son corps dans une perspective imaginaire et/ou paradoxale pour jouer un rôle ou un faux rôle, (tromper son adversaire, intention…) ;

    • investir un rôle imaginaire ;

    • corps caché, corps acteur…

    • arriver à gérer sa crise affective ;

    • organisation collective du groupe pour mener une stratégie ;

    • s’organiser individuellement dans le groupe ;

    • savoir passer alternativement d’un rôle de défenseur à celui d’attaquant ;

    • agir et prendre des décisions rapidement sous pression affective (imaginaire et/ou paradoxale), temporelle, de façon individuelle et collective en s’adaptant à l’évolution du jeu (modification des rapports de force) ;

    • observer et comprendre les choix stratégiques adverses.

c.Enjeux de formation : ce pourquoi l’activité est importante à programmer pour les élèves

    • adapter sa motricité aux règles énoncées, au terrain ;

    • développer l’imaginaire et la notion de jeu paradoxal ;

    • favoriser l’auto-organisation du groupe et la mise en place de stratégies individuelles et collectives ;

    • accepter les règles et participer à leur nécessaire évolution : élaboration par la discussion et la négociation ;

    • mesurer ses capacités par rapport à un adversaire : notion de prise de risque subjective importante ;

    • développer l’entraide et la communication verbale et non verbale.

d.Ressources sollicitées

    • plan moteur et bio-mécanique :

      • adapter sa course aux règles du jeu, au terrain,

      • sollicitation énergétique de type aérobie, temps de jeu longs et fractionnés ;

    • plan socio-affectif :

      • gérer la peur liée au milieu naturel et à l’imaginaire,

      • gérer son émotion liée à la surprise ou à un changement de situation impromptue ;

    • plan cognitif et bio-informationnel :

      • perception de l’évolution des rapports de force,

      • perception des placements des joueurs et de leurs rôles précis dans le jeu

      • comprendre les règles, participer à leur évolution, les respecter.

3.Un parti pris

a.Quelles transformations visées ?

Dans la partie précédente, j’ai précisé dans quel contexte les nouveaux élèves de 6e arrivent au collège. Dès lors les choix didactiques conditionnent certaines transformations envisagées, liées aux représentations, à la construction du projet collectif et à l’engagement moteur.

Vers une transformation des représentations des élèves et du projet de l’élève :

    • les élèves privilégient :

      • des actions individuelles dépourvues de concertation,

      • un engagement précipité,

      • un gain rapide de la partie et l’aspect compétitif ;

    • je fais le choix d’amener progressivement les élèves vers :

      • des actions coopératives et paradoxales,

      • une observation fine de la situation et un engagement plus réfléchi,

      • le plaisir de jouer tout en respectant ses partenaires et adversaires,

      • la construction d’un projet collectif

Vers une transformation de l’agir :

    • les élèves privilégient un jeu réactif et non construit :

      • des courses très rapides et vite fatigantes,

      • des touchers non réglementaires,

      • une précipitation constante ;

    • je fais le choix d’amener progressivement les élèves vers un jeu collectif intentionnel privilégiant :

      • les courses adaptées aux limites, à son rôle et au terrain,

      • des touchers corrects sans brutalité

      • une anticipation et un enchaînement des actions individuelles et collectives.

Suite à ces remarques, les élèves seront amenés à passer d’une pratique individuelle et compétitive de l’activité à une pratique collective et ludique du jeu. Aussi « ce qu’il y a à faire » peut se décliner en quatre compétences spécifiques, même si d’autres choix sont possibles :

1.Différencier le toucher, l’attraper et le coup (le tapé).
2.Savoir gérer son accélération ou décélération.
3.Lire les intentions et les déplacements.
4.Développer la notion de jeu paradoxal : c’est quand la souris se jette dans la gueule du chat ou quand un coéquipier change d’avis et élimine un partenaire.

Dans cette perspective, sont à préciser la démarche d’enseignement ainsi que les modes de groupements.

b.La démarche d‘enseignement

La spécificité des jeux sportifs et jeux traditionnels fait qu’il ne peut y avoir de démarche unique. Cependant quelques pistes peuvent servir de repères qui suivent globalement le développement du niveau de jeu.

i.L’exploration et la confrontation à la logique du jeu

Au départ ces jeux perturbent les élèves. Leur comportement est très individualiste comme il peut l’être pour un débutant en basket cherchant à toucher la balle. Les joueurs partent en tous sens. La partie ne dure que quelques instants. Il est nécessaire de rejouer de manière globale plusieurs fois pour que chacun comprenne les buts à atteindre et comment le atteindre. Il est évident qu’après plusieurs séances, la présentation d’un nouveau jeu est plus rapidement assimilée par les élèves.

ii.L’arrêt sur image

Lorsqu’un même type de situation se reproduit il est possible d’émettre l’hypothèse que les élèves sont face à un niveau de jeu supérieur mais qu’ils ne peuvent complètement y accéder. Dés lors, l’arrêt sur image peut-être un moyen pédagogique de remédiations. Il consiste à bloquer le jeu pour permettre l’observation du placement des joueurs, de décoder leurs intentions, de discuter sur les solutions à apporter. Ensuite, il s’agit en partant de cette situation d’expérimenter les hypothèses émises.

iii.La confrontation à la règle et la nécessaire adaptation sur le moment d’un commun accord

La présentation des règles me semble très importante. En effet, en fonction de la classe et des objectifs suivis tout ou partie des règles peuvent être annoncées. Par exemple, lors du jeu intitulé ‘Le maître du souffle’, il est possible de laisser dans le flou la notion de limite corporelle entre les deux camps… Je m’explique. Il s’agit de déterminer à partir de quand un joueur est considéré comme entré dans le camp adverse. Est-ce quand il pose un bout de pied ? La moitié du corps ? Les deux pieds mais pas les fesses ? A un moment du jeu, des joueurs vont se poser la question ou s’interpeller pour dire que l’autre a triché. Dès lors pour la partie suivante, il est nécessaire de repréciser collectivement les règles à modifier. Ainsi, de nouveaux apprentissages moteurs sont à développer.

iv.La recherche de stratégies communes

L’observation est un atout précieux de ce type de jeu. Aussi, il me semble important de sensibiliser les élèves à cette pratique. A un moment donné, il est peut-être nécessaire d’obliger les élèves à créer une stratégie collective en définissant le rôle de chacun et en essayant d’anticiper la réaction des adversaires. Cependant, le nombre de joueurs donc d’intervenants est un facteur limitant car le risque de dispute ou de désaccord est grand, il me semble que l’enseignant doit jouer un rôle d’écoute active pour suggérer, faire remarquer, et éviter les conflits. Ainsi, dans le jeu de ‘la baguette’ la stratégie d’attaque consistera à définir qui a la baguette et comment le groupe s’organise pour essayer de faire passer cette baguette sans être trouvée par les défenseurs ? Va-t-on faire croire que c’est Pierre qui court vite qui la tient fermée dans ses mains ou Manon qui est déjà passé trois fois sans se faire toucher ? Va-t-il y avoir des protecteurs ?

v.La notion de jeu paradoxal

Progressivement apparaît la fonction paradoxale de ces jeux. J’ai tendance à définir ce terme en disant que c’est la souris qui se jette dans la gueule du chat, mais pas seulement... Jean-Claude Marchal précise qu’ « un jeu sportif est paradoxal lorsque les règles ne permettent pas à un joueur de savoir si les actions d’un autre vont être vis à vis de lui de l’ordre de la coopération ou de l’opposition (…) Son contraire est le jeu exclusif où les règles indiquent clairement à chacun qui l’adversaire, qui est partenaire(19) ». Pour le joueur débutant, il y a un certain paradoxe a entendre que c’est en perdant individuellement que je peux faire gagner mon camp. Par exemple, dans le jeu Poules, Renards, Vipères ou parfois nommé jeu des trois camps, une poule est amenée à défendre sept Vipères prisonnières. Que faut-il faire lorsqu’une vipère vient pour délivrer ses partenaires ? Se jeter dans les bras de la vipère, être fait prisonnier mais avoir empêché les sept adversaires de partir ? Ou rentrer à l’abri ? Ceci est sans compter sur la notion de paradoxe définit par Jean-Claude Marchal. En effet, au même moment peut survenir un renard. Quelles intentions va-t-il avoir par rapport à la poule la manger ? Ou la protéger en passant alliance ? Le paradoxe sera à son comble quand l’alliance se renversera dans la seconde qui suit pour une raison plus ou moins rationnelle.
Vivre cette notion de paradoxe est un fondement des jeux traditionnels. Dans ma pratique j’essaye que cette compréhension vienne progressivement des élèves après qu’ils aient bien compris les règles de base.

c.Mode de groupement

La constitution des groupes ou des équipes se fait dans le respect du choix d’au moins un camarade. Ainsi, chaque équipe est constituée :

    • de binômes affinitaires d’élèves ;

    • de manière équilibrée :

      • entre les élèves qui ont des capacités physiques importantes,

      • entre les élèves qui ont compris les notions de paradoxe et d’imaginaire du jeu et pouvant impulser un fonctionnement collectif,

      • entre les élèves peu motivés ;

    • et mixte.

De nombreux jeux ne nécessitent pas un équilibre parfait du nombre de joueurs comme le drapeau, poules renards vipères, les barres, le maître du souffle... Certains jeux, par contre, doivent être constitués d’un nombre symétrique de participants comme la baguette.

d.Des pistes d’opérationnalisation des compétences générales

Que dit le programme ?
« L'engagement physique et la mise enjeu de la personne dans toute sa dimension, caractéristiques de l'EPS donnent un sens particulier aux rapports que l'élève établit avec la règle et qu'il vit concrètement au cœur même des apprentissages. La maîtrise des réactions émotionnelles, le dosage de l'effort et l'identification des facteurs des risques corporels aident l'élève à organiser ses apprentissages, seul ou avec d'autres. Des relations particulières se dégagent entre l'EPS et d'autres disciplines.
Ainsi, en sixième, est privilégié ce qui permet à l'élève
: (20) »

au plan individuel:

Des exemples d'opérationnalisation

- d'identifier le but, les résultats et les principaux critères de réussite de l'action motrice,

Je place les élèves en observation, puis, une phase de discussion a lieu. Ensuite, les élèves sont confrontés de manière factice à la même situation avec des consignes précises. Une phase de répétition est envisagée.

- de connaître les risques et respecter les règles liés aux activités physiques pratiquées et aux équipements utilisés,

Les élèves sont confrontés à la compréhension des règles. Certains jeux comme le drapeau, la baguette, le voleur de pierres nécessitent la délimitation précise du terrain. J'annonce dès le début que les limites latérales, comme au rugby, ne font pas partie du terrain, tout joueur qui pose le pied sur la ligne ou sort, est éliminé ou perd un point de vie.

Lors des jeux en pleine nature, une sensibilisation à l'orientation et au secourisme est prévue dès la première sortie. Les élèves, par deux, apprennent à porter un camarade qui s'est tordue la cheville. Les notions de protection, de signalisation et d'information sont abordées.

- d'être attentif et de maintenir une vigilance face aux événements,

- de maîtriser ses émotions.

Ces jeux privilégient l'observation. Après plusieurs séquences de jeu, je demande aux élèves, notamment pour le jeu 'la baguette', de ne s'engager que lorsqu'ils ont observé les stratégies adverses.

Pour les mêmes jeux réalisés en pleine nature, l'environnement, le milieu contraint les joueurs à une autre motricité. Les courses sont moins rapides. Etre attentif, est alors de s'avoir se cacher, d'observer, de tendre des pièges aux adversaires.

Même si l'aire de jeu est restreinte, je demande aux élèves de rester par deux, du moins dans un premier temps.

au plan des relations à autrui :

Des exemples d'opérationnalisation

- d'éprouver sa volonté de vaincre dans le respect de l'adversaire,

 

- d'accepter la décision d'un arbitre ou l'appréciation d'un juge,

Dans ces jeux, le rôle de l'arbitre n'existe pas. Le rôle de l'enseignant est important. Les élèves sont confrontés aux règles. Ils expérimentent. Lors d'un éventuel conflit, je demande aux élèves d'expliquer de nouveau la règle. Progressivement, j'interviens de moins en moins pour laisser le jeu s'autoréguler. Les élèves deviennent autonomes et les difficultés s'atténuent.

- de savoir perdre et gagner loyalement.
L'accès concret à ces valeurs participe de l'éducation du futur citoyen (développement d'une attitude active et critique vis-à-vis des spectacles et des pratiques sportifs).


 

en relation avec d'autres disciplines :

Des exemples d'opérationnalisation

- d'identifier les effets de la motricité et de l'effort physique sur le corps (en relation avec les sciences de la vie ...),

Prise de pouls en début de leçon et lors d'un jeu.
Consignes :
1) s'asseoir, et fermer les yeux, compter le nombre de pulsations en 15 secondes.
2) Lorsque les élèves ont perçu la relation entre l'effort et l'augmentation du rythme cardiaque, je leur demande après un effort de s'asseoir et se concentrer sur les sensations internes produites.

- d'identifier les caractéristiques et les contraintes de l'environnement (en relation avec les sciences de la terre...),

Une partie du programme des Sciences de la Vie et de la Terre étudie « les caractéristiques de notre l'environnement (21)» et notamment « les composantes minérales », « les êtres vivants en relation les uns avec les autres et avec leur support » et les « manifestation de l'activité humaine ». Ces notions peuvent être abordées sur le terrain de manière pragmatique.

Lors de l'échauffement des sens, demander aux élèves d'observer les couleurs environnantes, d'écouter les bruits, de rechercher différentes feuilles d'arbres ou arbustes, de sentir l'odeur de feuilles, de la terre, de mélanges d'herbes, de trouver éventuellement différentes roches, de rechercher des traces de l'activités humaines (agriculture, lignes électriques, pollutions...). Ces situations peuvent se faire également lors du retour au calme. Cette observation est utile pour les jeux.

Une autre partie concerne « le peuplement du milieu humain(30) ». Un des contenus à aborder s'intitule : « Animaux et végétaux chlorophylliens ont des besoins nutritifs différents(31)  ». Dans cette perspective, je demande aux élèves d'observer d'éventuelles traces d'animaux et d'émettre des hypothèses sur l'identité de celui-ci. Concernant les végétaux, je leur fais prendre conscience de la disparité de densité de l'habitat de la flore en liaison avec les besoins de lumière de chaque plante.

- de savoir s'exprimer, à propos des apprentissages moteurs, en utilisant les termes appropriés.

En relation avec les autres disciplines (notamment, le français...), l'enrichissement du vocabulaire et la maîtrise de la langue passent, en sixième, par la capacité à décrire ce que l'on fait et ce que font les autres.

Le programme de français prévoît « l'enrichissement du vocabulaire : en particulier du temps, de l'espace, des sensations(32) ». La description des règles du jeu par écrit ou à l'oral apparaît un moyen intéressant non seulement pour vérifier l'utilisation appropriée du vocabulaire mais aussi afin de cerner ce que les élèves retiennent du jeu et l'interprétation qu'ils en font. Ainsi, par exemple les termes de toucher, attrapé et taper sont utilisés régulièrement à contre sens. Peut-être est-ce pour cette raison que certains élèves agissent en tapant pensant qu'ils touchent un joueur.



Notes
(1) Jacques Ulmann, Corps et civilisation, Education physique, médecine, sport, Paris, Vrin, 1993, p.161
(2) ibidem, p. 163
(3) Rabelais, Gargantua, Paris, Librairie Générale Française, 1972, chapitre XXII, pp 185-194
(4) Norbert ELIAS et Eric DUNNING, Sport et civilisation
(5) Jules Valles, Le Bachelier
(6) Les règles du jeu des barres sont décrites dans la dernière partie
(7) Manuel d’exercices gymnastiques et de jeux scolaires, 1891
(8) Manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires, Paris, Hachette, 1909, p. 232
(9) Jean-Claude Marchal, Plaidoyer pour une nouvelle intégration à l’éducation physique des collèges et lycées de l’activité ludique en général et de certains jeux sportifs traditionnels en particulier, Groupe de recherche des CEMEA ‘Jeux et pratiques ludiques’, 1997
(10) Jean-Claude Marchal, ibidem
(11) Instructions du 1er juin 1941, Tome premier, Les activités d’éducation générale, Ed. Larchat, Paris, 1941, p. 37
(12) Instructions ministérielles du 1er octobre 1945 à l’usage des professeurs et maîtres d’Education physique et sportive, RLR, volume IX, titre 81, chapitre 811, article 810-0, pp. 102-103
(13) Instructions officielles du ministre aux professeurs et maîtres d’Education physique et sportive du 19 octobre 1967, RLR, volume IX, titre 81, chapitre 811, article 810-0, 810-1 et 812-0, pp.
(14) Arrêté du 14 novembre 1985 fixant les programme des classes des collèges, supplément au BO n°44 du 12/12/1985
(15) op. cit, p. 1964
(16) ibidem, p. 1967
(17) Accompagnement des programmes de 3e, chapitre Education physique, Jouve, Paris, 1999, p. 63
(18) Jean-Claude Marchal, Jeux traditionnels et jeux sportifs, Bases symboliques et traitement didactique, Paris, Vigot, 1990, p 11
(19) Jean-Claude Marchal, op. cit., 1997
(20) op. cit., Programme d’EPS de la classe de sixième des collèges pp. 1967-1968
(21) Programmes de SVT, B.O. hors série, CNDP, 1996, p. 73
(22) ibidem, p. 77
(23) ibidem, p. 78
(24) Programmes de Français, B.O. hors série, CNDP, 1996, p. 22

similaire:

Jeux traditionnels et jeux sportifs iconProgramme Classe première stmg sciences de gestion
«production de jeux de plein air». Ces jeux de jardin en plastique (bac à sable, toboggans, cabanes diverses, mini piscine…) complètent...

Jeux traditionnels et jeux sportifs iconJeux et cyberdépendances, aspects psychologiques

Jeux traditionnels et jeux sportifs iconJeux et enjeux des représentations du féminin et du masculin dans...

Jeux traditionnels et jeux sportifs iconVersion courte
«fan» ou les jeux vidéos, dispensés par une équipe d’enseignants que coordonnaient Melanie Bourdaa

Jeux traditionnels et jeux sportifs iconProfessionnels Santé-Beauté-Nature Famille Maison Informatique Internet...

Jeux traditionnels et jeux sportifs iconPrésentation du projet Par Pierrick Organigramme
«informations facultatives» est optionnelle mais permet de participer directement à tous les jeux et concours de Pepsi Town sans...

Jeux traditionnels et jeux sportifs iconAvant propos du Président de l’odj
«ses annexes». L’Observatoire des jeux lui doit beaucoup. Je lui adresse ici toute mon admiration et ma reconnaissance

Jeux traditionnels et jeux sportifs iconStage mafpen eps l’enseignement des activites physiques artistiques
Enceinte où les romains célébraient les jeux publics (courses de chars, combats de gladiateurs, naumachies)

Jeux traditionnels et jeux sportifs iconRéunion du Conseil d’Ecole. Chapitre 1
«Vivre ensemble» et la sécurité interdisent : les gros mots, les insultes, les discriminations, les violences physiques et les jeux...

Jeux traditionnels et jeux sportifs iconCours de Taekwondo technique et combat, passage de grade en fin de...





Tous droits réservés. Copyright © 2016
contacts
m.20-bal.com