Gestion pauvrete hydrique au Maroc, l’irrigation localisée au Maroc, cas du Gharb
El Hasnaoui A, Hilali A, Raki M Résumé La fréquence de la sécheresse durant ces deux dernières décennies a poussé l’Etat à inciter les agriculteurs à mener une gestion plus rationnelle de l’eau en utilisant des techniques économes tel que le goutte à goutte. Le diagnostic du programme d’encouragement de l’irrigation localisée réalisé dans le périmètre irrigué du Gharb en 2003 a révélé que cette technique s’implante dans les zones où les cultures rentables (banane, fraise et maraîchage) se développent le plus. Cette technique est utilisée par une grande variété d’exploitations agricoles bien qu’elle concerne essentiellement les agriculteurs les plus aisés. Aussi, le développement de cette technique devra être conçu dans le cadre d’une politique agricole globale qui intègre la problématique d’une utilisation économe de l’eau dans celle du développement des filières qui valorisent le plus les ressources hydriques tout en profitant au plus grand nombre d’agriculteurs.
Introduction Depuis les années 60, l’agriculture marocaine a été fortement influencée par la politique de l’irrigation. Cette politique a été caractérisée par le développement des ressources en eau pour faire de l’irrigation un levier de développement économique et social et assurer par conséquent la sécurité alimentaire du pays. A partir de 1967, l’Etat a concentré ses efforts sur la construction des barrages et l’aménagement hydro agricole des grands périmètres irrigués. Au milieu des années 80 et dans cadre de la politique d’ajustement structurel, l’Etat décida de réorienter sa politique agricole afin de réduire les charges financières dues au remboursement de la dette extérieure dont une grande partie avait été affectée au financement de la politique de la grande hydraulique. De plus, le décalage persistant entre les superficies dominées par les barrages et celles effectivement irriguées a contribué à réduire la rentabilisation des capitaux investis. L’Etat a par conséquent décidé de désengager progressivement de ses domaines d’intervention notamment en associant davantage le secteur privé au développement de l’agriculture irriguée. Il a ainsi procédé à l’amélioration du Code des Investissements Agricoles et à la création en 1986 du Fonds du Développement Agricole qui est considéré comme le pivot de l’incitation de l’investissement privé dans l’agriculture.
La fréquence de la sécheresse durant ces deux dernières décennies a poussé l’Etat à inciter les agriculteurs à mener une gestion plus rationnelle de l’eau en utilisant des techniques économes tel que le goutte à goutte. C’est dans ce cadre, qu’un projet national a été adopté en l’an 2000 prévoyant d’équiper 114.500 hectares en irrigation localisée en cinq ans. Le coût global de ce projet s’élève à 3,8 milliards de dirhams. Il concerne principalement les plantations et les superficies cultivées en maraîchage. Cependant, malgré la subvention de l’Etat qui est 40% du coût des équipements, les réalisations restent timides puisque à titre d’exemple, la superficie équipée dans le Gharb n’est que de 3000 ha sur un total prévu de 14.000 ha. Ce retard est également observé dans le Haouz. Tableau 1: programme national pour la promotion de l’irrigation localisée
| Superficie à équiper (en Ha)
| Coût du programme (millions de DH)
| Economie de l’eau attendues M m3/an
| 1-Zones ORMVA
Moulouya
Loukkos
Tadla
Haouz
Souss -Massa
Gharb
Total ORMVA
|
18.000
9.500
5.000
20.000
23.000
14.000
89.500
|
900
290
150
600
690
420
3.050
|
60
30
20
60
70
40
280
| 2- Hors ORMVA
| 25.000
| 750
| 80
| Total général
| 114.500
| 3.800
| 360
| Source : Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, décembre 2003. D’autres mesures institutionnelles ont été prises tel que la promulgation de la loi n° 10-95 sur l’eau et la création des Associations des Usagers des Eaux Agricoles (AUEA). Dans le Gharb, le gaspillage de l’eau à la parcelle est important notamment dans les secteurs équipés anciennement et qui connaissent une forte dégradation. L’irrigation gravitaire représente 80% de la superficie équipée en grande hydraulique et 20% en système aspersif. La superficie équipée en irrigation localisée ne couvre que 3000 Ha, vers la fin 2003, soit 1,5% de la superficie totale irriguée. Trois séries de raisons majeures expliquent cette situation : l’inadaptation des aménagements hydro-agricoles étatiques aux exigences des cultures les plus rentables, le rôle du secteur privé dans la naissance de l’irrigation localisée et la faiblesse de la rentabilité de l’irrigation dans les exploitations familiales de la région.
1-Inadaptation des aménagements hydro-agricoles étatiques aux exigences des cultures les plus rentables
La totalité de la superficie équipée en irrigation localisée est occupée par des cultures dont les besoins en eau ne peuvent pas être couverts d’une manière satisfaisante par les modes d’irrigation gravitaire ou aspersif. Il s’agit principalement des plantations de banane et de la culture de la fraise. Ces productions exigent une disponibilité permanente de l’eau en tête des parcelles. Les puits permettent de garantir cette possibilité lorsque la nappe phréatique n’est pas très profonde. L’irrigation localisée est quasiment absente dans les zones équipées en grande hydraulique par l’Etat. Elle est située dans les zones non équipées. Certes, sur le plan technique, il est possible d’installer des aménagements complémentaires dans les secteurs équipés par l’Etat afin de répondre aux exigences de l’irrigation localisée. Ces aménagements consistent à réaliser des ouvrages qui permettraient aux agriculteurs d’échapper à la discipline du tour d’eau et à celle du respect des assolements qui ont été libéralisés mais qui restent obligatoires dans les faits puisque les lâchers d’eau ne sont effectués que s’il y a une demande suffisante en eau.
Les aménagements qui ont été réalisés dans le cadre des équipements en grande hydraulique ont été conçus pour des assolements définis à l’avance et qui rendent les agriculteurs dépendants d’une seule borne d’irrigation ou d’un seul canal. Ce système est adapté aux grandes cultures. Le maraîchage demande un système d’approvisionnement qui garantit l’eau aux cultures à tout moment. Des expériences limitées ont été entreprises dans ce sens. A titre d’exemple, le maraîchage s’est développé grâce au pompage privé effectué sur le canal d’amenée de Boumaïz. Une coopérative dite de la réforme agraire a entamé un projet de reconversion du réseau d’irrigation aspersif en irrigation localisée. Dans le Loukkos, une expérience similaire est en cours de réalisation dans le secteur R’mel. Ce type de reconversion nécessite ,cependant, une concertation entre les usagers qui utilisent les mêmes dispositifs d’accès à l’eau d’irrigation. Les mécanismes institutionnels mis en place dans le cadre de la gestion participative visant à organiser les agriculteurs en associations d’usagers (les AUEA) n’ont pas encore donné leur fruit. Le nouveau programme étatique destiné à promouvoir l’irrigation localisée se limite à mettre en place des subventions destinées à couvrir une partie des équipements nécessaires à l’installation de l’irrigation localisée. Il prévoit la conversion en irrigation localisée de toutes les superficies plantées ainsi que celles occupées par le maraîchage, mais il ne prévoit aucune mesure institutionnelle pour résoudre les problèmes fonciers qui sont à l’origine de la faible progression des superficies équipées en irrigation localisée. En particulier il n’est pas prévu de mesures destinées à encourager le regroupement des petits paysans irrigants autour d’un bassin d’accumulation qui permettrait de stoker l’eau en attendant le prochain tour d’eau. Il s’agit par conséquent d’un projet de modernisation qui ignore le contexte socio-économique dans lequel il s’insère. La portée de ce programme est par conséquent limitée aux grandes exploitations et aux investisseurs susceptibles de rentabiliser ces installations. Ce constat sera largement confirmé à travers le déroulement du processus historique qui a vu naître le développement de l’irrigation localisée dans le Gharb 2- Rôle du secteur privé dans la naissance de l’irrigation localisée
C’est l’initiative privée qui a été à l’origine de l’introduction de cette technique à l’occasion du développement des plantations de banane (à la suite de la décision des pouvoirs publics d’interdire en 1985 l’importation de ce fruit) et par la suite de l’extension de la culture de la fraise dans la région notamment par des promoteurs espagnols. 2-1 Historique du développement des plantations de banane et des fraisiers
Ces cultures, pratiquées sous serres, ont été introduites par de grands agriculteurs et par des citadins aisés surtout dans la zone côtière située à proximité de la ville de Kénitra1. Sur un échantillon de 20 producteurs de banane, 25% sont des ingénieurs, 20% des techniciens, 10% des militaires, 25% des professions libérales et seulement 10% des agriculteurs de la zone2. Tous ces nouveaux venus ont bénéficié d’un financement auprès de la Caisse Nationale du Crédit Agricole. Cette belle occasion a été à l’origine d’une grande vague d’installation de bananeraie entre 1986 et 1992, époque d’or pour les producteurs sans concurrence, encouragée par la rentabilité élevée du bananier en comparaison avec les cultures des produits de base telles que les céréales, la betterave sucrière...
Le choix de la zone côtière est dû au fait que le type de sol qui est sablonneux s’adapte bien au développement de ces cultures sans oublier la présence d’une nappe phréatique peu profonde qui mobilise une eau abondante et de bonne qualité particulièrement adaptée au matériel d’irrigation localisée sensible aux eaux chargées (bouchage des mini diffuseurs ou des goutteurs). Ainsi, le bananier et le fraisier constituent les principales cultures qui ont joué un rôle capital dans le développement de l’irrigation localisée au niveau du périmètre du Gharb. Les superficies équipées en irrigation localisée étaient faibles entre les années 1985 et 1990 et concernaient principalement le bananier mais à partir de 1992 cette technique d’irrigation a pris de l’ampleur avec une augmentation sensible des superficies de bananier et du fraisier. Actuellement le périmètre du Gharb compte une superficie d’environ 3000 Ha répartie de la manière suivante :
Tableau : Répartition des cultures dans les terres aménagées en irrigation localisée
Cultures
| Superficie (ha)
| Bananier
Fraisier
Maraîchage
Arboriculture
| 852
770
1200
224
| Total
|
| Si les premiers équipements en irrigation localisée ont été concentrés au niveau de la zone côtière, d’autres régions situées à l’intérieur de la plaine du Gharb (régions de Sidi Slimane, Sidi Kacem et Mechraâ Bel Ksiri) connaissent une extension de cette technique sous l’impulsion des grandes exploitations qui disposent de grandes parcelles plantées en agrume, en vigne ou en maraîchage d’exportation.
Cette extension sur d’autres territoires s’explique pour deux raisons :
- l’ouverture du marché intérieur aux importations de bananes provenant de pays qui produisent à moindre coût pour une meilleure qualité s’est traduite par une forte baisse des prix et a poussé une partie des producteurs de banane à se réorienter vers le maraîchage ou à cesser cette activité;
- l’augmentation des prix de location de la terre dans la zone côtière surtout avec la concurrence des investisseurs espagnols qui ont loué une superficie importante pour la production des fraises destinée à l’export a poussé les investisseurs à rechercher de nouvelles terres.
Au début de l’installation du bananier, les rendements étaient faibles ( 36 tonnes en moyenne par Ha) en raison d’une maîtrise insuffisante des techniques culturales par ces nouveaux agriculteurs. Cette faible productivité était cependant compensée par des prix rémunérateurs. L’ouverture de ce marché aux importations s’est d’abord traduite par une chute des superficies plantées en bananier (diminution de 100 ha entre 1993-94 et 1994-95) et l’abandon de cette culture par les producteurs les moins compétitifs. A partir de 1995, les superficies ont progressé mais le nombre de producteurs a baissé. Après les accords de l’OMC, des licences d'importation de banane ont été à nouveau accordées, on a assisté à l’introduction de la banane à Casablanca en provenance du Costa Rica. Ce produit a été bien accueilli par les consommateurs qui trouvèrent à leur goût ces longues bananes claires, étiquetées et mûries à point. La culture de la fraise a également joué un rôle moteur dans l’ extension de l’irrigation localisée. Elle s’est développée au nord ouest de la plaine du Gharb dans la région de Sidi Mohammed Lahmer et de Moulay Bousselham. En 1993 la superficie cultivée couvrait 93 Ha. Elle a atteint 1134 Ha en 2001/2002, pour redescendre à 770 ha en 2002/2003 au profit des cultures maraîchères. Cette culture devait approvisionner une usine de conditionnement et d’emballage des fraises construite par des promoteurs espagnols. La société produisait des fraises elle même en louant les terres voisines et en concluant des contrats avec les agriculteurs de la zone.
Les investisseurs espagnols ont joué un rôle important dans la vulgarisation des techniques d’irrigation localisée auprès des agriculteurs originaires de la zone. Ils louaient des terrains et recrutaient ces mêmes locataires en tant qu’ouvriers agricoles qui ont eu ainsi l’occasion de s’initier à cette culture. Plusieurs d’investisseurs, une fois leur projets rentabilisés, ont vendu leurs équipements à des prix abordables aux agriculteurs de la région. Ces derniers sont devenus actuellement des agriculteurs performants. Ces techniques sont devenues par conséquent à la portée des agriculteurs qui n’ont pas de gros moyens financiers. De plus, une technologie locale de fabrication d’une partie des équipements en irrigation localisée a vu le jour à des prix abordables. Cette culture a également permis de créer des emplois surtout pour la main d’œuvre féminine (cueillette de la récolte et les travaux d’emballage au niveau des usines).
Les bénéficiaires des subventions accordées à l’irrigation localisée
A quels types d’agriculteurs les subventions accordées à l’irrigation localisée ont t-il profité le plus ? Cette question sera examinée d’une part à travers l’analyse de la répartition du montant global des subventions distribuées et la présentation d’un échantillon d’exploitations agricoles qui ont bénéficié de ces subventions.
2 .2.1 Répartition des subventions par taille d’exploitation et par zone
Entre 1986 et 2003, la subvention accordée à l’irrigation localisée au niveau du périmètre du Gharb a profité à 291 agriculteurs avec un montant d’environ 21 millions de Dirhams. La lecture du tableau relatif à la répartition des subventions par taille d’exploitation et par zone permet d’étayer les observations relevées dans la première partie de cet article tout en apportant quelques nuances à cette analyse.
Les agriculteurs bénéficiaires de la zone côtière qui représentent 81 % de l’ensemble du périmètre n’ont bénéficié que de 41% du montant total de la subvention. Les agriculteurs de la zone interne qui ne représentent que 19 % ont bénéficié de 59 % du montant total de la subvention.
Ces subventions ont largement profité aux exploitations de petite dimension dans la zone côtière contrairement à la zone intérieure. En effet, plus de la moitié des exploitations bénéficiaires de la subvention dans la zone littorale ont une superficie inférieure à 10 hectares. Ces exploitations n’ont cependant reçu que 32% de la subvention allouée dans la zone côtière. Dans la zone intérieure, les petites exploitations ont été quasiment écartées de la subvention. Tableau n° : Répartition des subventions par taille d’exploitation
| Ensemble du périmètre du Gharb
| Zone côtière
| Zone intérieure
| Taille exp
| Nbre d'agri
| %
| Montant des subv.
| %
| Nbre d'agri
| %
| Montant des subv.
| %
| Nbre d'agri
| %
| Montant des subv.
| %
| 0 à 5 Ha
| 93
| 32
| 1359997
| 6
| 90
| 38
| 1334860
| 16
| 3
| 5
| 25137
| 0.2
| 5 à 10 Ha
| 54
| 19
| 1480694
| 7
| 52
| 22
| 1375732
| 16
| 2
| 4
| 104962
| 0.8
| 10 à 20 Ha
| 51
| 18
| 1970598
| 9
| 41
| 17
| 1707946
| 20
| 10
| 18
| 262652
| 2.1
| 20 à 60 Ha
| 47
| 16
| 4081309
| 19
| 33
| 14
| 2544425
| 30
| 14
| 25
| 1536884
| 12.3
| > 60 ha
| 46
| 16
| 12158419
| 58
| 19
| 8
| 1574481
| 18
| 27
| 48
| 10583938
| 84.6
| Total
| 291
| 100
| 21051017
| 100
| 235
| 100
| 8537444
| 100
| 56
| 100
| 12513573
| 100
|
Source: ORMVAG 2003
Graphique n° : Evolution de la subvention accordée à l’IL au niveau du
Périmètre

Source: ORMVAG 2003 La procédure du montage du dossier de la subvention est relativement lourde. Un peu plus de la moitié d’un échantillon d’exploitations enquétées (voir paragraphe suivant) aura bénéficié de la subvention, 13% ont abandonné cette procédure et 33% les dossiers sont en cours de traitement au moment de l’enquête. 87% des agriculteurs enquétés déclarent cependant que si la procédure est difficile pour obtenir la subvention, ceci n’influencera pas le développement de cette technique d’irrigation. La preuve en est que la plupart des petits projets en cours d’installation au moment de l’enquête n’avaient pas obtenu d’autorisation pour le creusement des puits ni été précédé par une étude technique pour leur réalisation. La subvention ne constitue pas le facteur principal de la prise de décision pour adopter le système de l’irrigation localisée. C’est la rentabilité des cultures qui justifie ou non l’utilisation de cette technique.
2.2.2 Typologie des exploitations équipées en irrigation localisée L’enquête a porté sur un échantillon composé de 15 exploitations agricoles dont 10 sont situées dans la zone côtière et 5 aux alentours des villes de Sidi Slimane et de Sidi Kaacem (l’intérieur de la plaine du Gharb). L’échantillon retenu représente 5% de l’ensemble des exploitations en irrigation localisée et couvre toutes les tailles de superficie.
Du point de vue des caractéristiques des exploitants, cette enquête a montré qu’il s’agit d’une population relativement jeune puisque 60% ces agriculteurs sont âgés de moins de 50 ans. Leur niveau d’instruction est élevé : 47% ont suivi l’enseignement du supérieur, 40% le secondaire et 13% le primaire. C’est ce qui explique que 60% d’entr’eux continuent à habiter en ville.
Du point de vue des caractéristiques de ces exploitations, il est à souligner que près de la moitié utilisent de la main d’œuvre familiale et que les trois quarts font appel aux travailleurs salariés. Ces exploitations sont gérées directement par leur propriétaire à raison des deux tiers de l’échantillon. Le reste est géré par des techniciens et parfois par des ingénieurs.
Ces exploitations sont spécialisées où l’élevage est quasiment absent. Ce sont les producteurs de fraise qui gagnent le plus d’argent. La marge nette par hectare peut atteindre jusqu’à 350 milliers de dirhams (voir tableau en annexe : répartition des exploitations de l’échantillon par niveau de marge nette). Les producteurs de banane viennent en deuxième position, le profit par hectare peut varier entre 119 et 170 milliers de dirhams. Les cultures maraîchères arrivent en dernier avec une marge nette qui n’est plus que de l’ordre de 3 à 21 milliers de dh par ha. Ces cultures sont d’ailleurs pratiquées surtout par des exploitations familiales dont certaines disposent de terres dont la nature de leur statut foncier est de collectif, ce qui montre que ce statut foncier ne s’oppose pas toujours aux projets de modernisation .
3- La faiblesse de la rentabilité de l’irrigation dans les exploitations familiales La faiblesse de la rentabilité de l’irrigation s’explique par les caractéristiques propres aux exploitations familiales ainsi que par les problèmes spécifiques liés à chacune des cultures rencontrées dans la région.
3-1 Caractéristiques des exploitations familiales dans le Gharb
Les petites exploitations familiales représentent 69 % des exploitations irriguées du périmètre du Gharb et détiennent 20% des superficies cultivées. Elles se caractérisent par l’importance du poids démographique qui pèse sur elles (8 à 10 par foyer), de fortes disponibilités en travail familial, la complexité des statuts fonciers (la propriété individuelle de la terre est rare), un endettement excessif, une épargne investie dans l’habitat et le bétail, un système de cultures diversifié (blé, canne et betterave à sucre, tournesol, maïs…) où les cultures fourragères et en particulier le bersim constitue le pilier du système de production de ces exploitations. D’où l’importance du rôle de l’élevage qui s’explique par le fait qu’il représente une valeur refuge plus sûre que le réinvestissement dans d’autres activités agricoles. L’élevage laitier bovin (1 à 3 têtes) est commun à presque toutes ces exploitations ainsi que celui des ovins (7 à 15 têtes). Ces deux élevages sont souvent associés. Cependant, les possibilités d’augmentation du cheptel sont faibles, en raison du manque d’espace et des superficies qui peuvent être consacrées aux cultures fourragères. Enfin, en dehors du petit équipement, ces exploitations dépendent de la location du matériel agricole. 3-2 Problèmes spécifiques des cultures dans la région. D’une manière générale, le coût de l’irrigation représente entre 8 à 25% des charges opérationnelles alors que les cultures sont peu voire non irriguées
3-2-1 Le blé
Les agriculteurs continuent à ne pas irriguer le blé, probablement, par ce que c’est l’activité qui valorise à leurs yeux le moins l’eau d’irrigation en raison de la surfacturation due aux pertes d’eau qui interviennent le long du réseau d’irrigation. Cependant, ceux parmi eux qui apportent une seule irrigation au milieu du cycle du blé (stade montaison), à l’aide du pompage privé soit directement de l’oued soit à partir du canal principal, sont satisfaits du gain de productivité occasionné par cet apport hydrique. Les céréales d’automne sont également pratiquées pour échapper aux contraintes du système des cultures sous-contrat. Ainsi, ils peuvent décider librement du sort des grains et des bottes de paille. L e coût de production moyen (CPM) du blé est estimé à 2520 Dhs/ha. La mécanisation (prestations de labour, moisson, bottelage) représente 42%, les semences sélectionnées 24%, les engrais de couverture 14%, le travail salarial 10% (7 à 10 jours par ha) et les produits phytosanitaires 3%. Un seul traitement herbicide est utilisé. Le blé ne bénéficie pas d’engrais de fond après un précédant cultural : bersim, betterave ou une culture maraîchère.
Figure 3.1. Structure du coût de production moyen d’un hectare de blé (cas d’une coopérative de la réforme agraire à Sidi Allal Tazi) 3-2-2 La betterave à sucre Les agriculteurs sont conscients de l’opportunité de la valorisation de l’eau par la betterave. Cependant, comme les sols sont généralement lourds, les plantes risquent d’être asphyxiées si la pluie survient juste après l’irrigation. Dans ces conditions, ils cherchent à minimiser les risques en irrigant le moins possible afin d’obtenir un rendement moyen de 45 tonnes à l’hectare au lieu d’espérer plus (70 tonnes) avec une probabilité de tout perdre. La culture de la betterave est très exigeante en main d’œuvre (138 jours de travail par hectare). Elle peut entrer en compétition avec les autres activités en particulier l’élevage. Lorsque la superficie allouée à cette culture dépasse un ha, la main d’œuvre familiale s’avère insuffisante mais le recours à la main d’œuvre salariale est tributaire de l’état de la trésorerie de l’exploitation. Le CPM/ha de la betterave à sucre est estimé à 9870 DH/ha. Les engrais représentent 70% de ce coût et la main-d’œuvre 30%. La qualité et le prix des intrants font souvent l’objet de contestations des agriculteurs aussi bien pour la betterave que pour la canne à sucre.

Figure 3.2. Structure du coût de production moyen d’un hectare de betterave sucrière (cas d’une coopérative de la RA Sidi allal Tazi).
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