Memoire en vue de l’obtention d’une habilitation a diriger des recherches





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Conclusion
Nous avons cherché une méthode simple permettant d’identifier le pouvoir de marché de Microsoft. Cette firme semble détenir un pouvoir de marché car elle retire de ses activités un profit supérieur au profit attendu, compte tenu des conditions structurelles d’activité de l’industrie des logiciels. Les résultats des régressions semblent solides car ils ne dépendent pas de manière fine des hypothèses concernant les économies d’échelle dans l’industrie. Cela est évidemment dû à l’énorme pouvoir de marché dont dispose Microsoft. La firme a-t-elle abusé ou abuse-t-elle encore de ce pouvoir de marché ? Cette question est hors du domaine de ce travail.

CONCLUSION GENERALE

Nous avons identifié le pouvoir de marché dans l’industrie du logiciel à partir d’un travail empirique sur des données industrielles. Nous avons essayé de montrer que ce pouvoir de marché est durable et nous nous sommes attaché à le mesurer. Pour reprendre les termes de Popper, nos arguments sont réfutables.
Le procès Microsoft et sa position monopolistique dans l’industrie du logiciel ont donné lieu à une très importante littérature aux Etats-Unis. Il faut en faire une synthèse pour confronter les arguments des nombreux défenseurs de Microsoft (rappelons que nous estimons que le procès a coûté à la firme environ 400 millions de dollars par an dont une partie pour des conseils de la part de nombreux économistes américains : Schmalensee n’est qu’un parmi les nombreux économistes et consultants qui ont bénéficié des largesses de Microsoft). Pour autant, leurs arguments méritent d’être discutés. Nous présenterons quatre articles (en fait, l’un est le livre de Liebowitz & Margolis, 2001) qui nous semblent représentatifs des positions en faveur de Microsoft. Nous terminerons bien évidemment par les conjectures de Schmalensee.
Les arguments de Liebowitz & Margolis tournent autour de deux thèmes. Le premier est que ce sont les meilleurs logiciels qui gagnent et les auteurs essaient de montrer que c’est le cas à partir des rating de certains journaux spécialisés américains. Il est difficile d’évaluer ces arguments car les auteurs changent les revues utilisées d’une part, et ne présentent pas les recettes de publicité de ces revues d’autre part - on sait que Microsoft est le plus gros annonceur des revues pour micro-informatique. Enfin, une manipulation concernant le graphique 9.11 page 215 nous incite à soupçonner les résultats présentés25. Le second argument est plus complexe car il nécessite un préréquisit un peu long : la critique radicale de la « dépendance du sentier » de P. David modélisée par B. Arthur (David, 1985; Arthur, 1989). La dépendance du sentier prend la forme de la compatibilité ascendante en informatique. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans ce débat ici mais on notera que dans le cas du logiciel, ce qui a été instauré par le Système 360 d’IBM au milieu des années 1960, c’est cette fameuse « backward compatibility » qui a permis au monde des mainframes d’élever à un tel point les barrières à l’entrée qu’aucune nouvelle firme n’est entrée sur ce marché depuis cette date jusqu’à aujourd’hui (Genthon, 1995, Genthon, 2004). La critique de la dépendance du sentier vise à montrer que Windows fait partie d’un autre paradigme que DOS et que dans les années 1990, quand le passage a eu lieu entre DOS et Windows, toutes les cartes ont été rebattues et que si Windows a gagné c’est qu’il était le meilleur des systèmes d’exploitation en concurrence. L’argument est difficile à accepter car comme chacun sait, Windows était, de loin et pour cause, le plus compatible des systèmes d’exploitation (compatible avec DOS, bien entendu, qui était déjà sur 90% des PC)26. Les auteurs sentent bien la faiblesse de leur point de vue à ce sujet quand ils écrivent « While backward compatibility does have its advantages, it can be outweigted by others benefits. One such benefit is taking advantage of a paradigm change » (op. cit. p. 143). L’argument vaudrait si Microsoft n’avait pas proposé lui-même une interface graphique (Windows) compatible avec DOS mais ce n’est pas le cas.
Le second type d’argument est celui proposé par Mckenzie & Lee (2002) à partir de l’idée de « radical scale economies » et de celle d’économies de réseaux. Ils précisent : « The marginal cost of production is virtually zero, if not zero, and is pratically constant for what is likely to be the full scope of the likely market (even if that market might be quite large). » (op. cit. p. 182). Ils en tirent l’argument qu’il suffit qu’existe un autre système d’exploitation (ils citent IBM et OS2) même avec des parts de marché marginales pour que ce dernier puisse instantanément remplacer Windows si ce dernier en venait à être moins vendu. Ils en concluent que, sur ce type de marché, une firme n’est jamais vraiment en situation de monopole : « Put another way, to achieve any given level of monopoly power, a dominant producer in digital markets would have to have a greater market share than a dominant producer in a non-digital market. » (op. cit. p. 184). Il y a tout simplement confusion entre dimension temporelle et dimension structurelle. Les auteurs nous disent que sur les marchés numériques, on peut gagner ou perdre des parts de marché plus vite que sur les autres marchés car toute perte d’un concurrent peut être instantanément comblée par un autre concurrent. Mais cela est vrai pour tous les marchés ou des stocks existent ou encore qui sont en sous-utilisation des capacités de production. Par exemple les pertes de parts de marché en Europe du groupe FIAT en 2003 ont été instantanément comblées par ses concurrents. Les autres arguments sont du même ordre d’idées et ne méritent pas commentaire. Enfin, l’idée d’économies d’échelle infinies repose sur la confusion entre les supposés coûts fixes de développement et les coûts globaux de la firme, coûts globaux qui sont eux à prendre en compte car ce sont ces coûts que subit la firme ou le secteur (Cf. infra chapitre 3).
Les deux autres articles suivants seront traités ensemble car ils sont vraiment très semblables mais un peu complémentaires. Ils ont un auteur commun (Teece) et représentent la vision « business » de ce dernier car ils sont réalisés avec deux collaborateurs de Teece dans la firme de conseil dont il est Director et Chairman (Teece & Coleman, 1998; Pleatsikas & Teece, 2001). Les deux articles se proposent de faire le point sur le thème de l’analyse anti-trust dans les industries de hautes technologies.
Les arguments du premier article reprennent en les adaptant les thèmes schumpétériens : « Competition in high-technology industries is fierce, frequently characterised by incremental innovations, punctuated by major paradigm shifts. These shift frequently cause incumbents’ positions to be completely overturned » (p. 805). Les auteurs citent l’exemple de l’industrie informatique qui aurait changé de paradigme technologique tous les dix ans. On remarquera en passant que le concept de paradigme technologique inventé par G. Dosi est d’une grande plasticité. Les conclusions sont que dans ces industries, on n’a plus besoin d’autorités anti-trust : « While each wave of creative destruction is by no means predictable as to timing and strength, antitrust authorities need to be cognizant of the self corrective nature of dominance engendered by regime shifts » (p. 808). Et les auteurs de préciser : « This is true even when there are significant network externalities and installed base effects » (p. 808), proposition qui n’est pas argumentée. De même, les auteurs expliquent que les mesures des acteurs en place ne peuvent rien contre un changement de paradigme et précisent : « In software, access to complementary assets and an installed base could not block the newcomer if the newcomer has a truly revolutionary product » (p. 813), proposition qui n’est toujours pas argumentée mais qui contient implicitement une critique de la dépendance du sentier (comme Liebowitz & Margolis). Dans la seconde partie, les auteurs critiquent les outils des autorités anti-trust à la lumière des hypothèses de la première partie. Tout d’abord, ils expliquent qu’il faut avoir une vision dynamique et non statique de la mesure du pouvoir de marché : « When the technological regime is in ferment, market power, even if it exists momentarily, is likely to be transient because of change in enabling technologies and in demand conditions ». Ils donnent l’exemple de l’industrie de l’imagerie médicale : « In the case of CT scanners, concentration fell from 10000 to 2200 within 5 years. Magnetic resonance fell from 10000 to 2489 in 5 years. Each had fallen below 1800 within a decade.  » (p. 834)27. Ce qui nous intéresse dans cet exemple, c’est bien entendu, l’espace de temps considéré soit 10 ans. Pour ces auteurs, cela doit correspondre au temps nécessaire pour récompenser le risque et les coûts de l’innovation.
Le second article reprend souvent les arguments du premier. Il présente plus en détail le cas de l’industrie de l’imagerie médicale où l’on voit que l’index HHI diminue dans le temps avec une période de 5 à 10 ans selon les sous-technologies. Mais si l’on lit en détail le tableau 1 (p. 686) qui présente leur référence empirique, ce dernier indique en fin de période des remontées de l’indice HHI, en contradiction avec le discours des auteurs et en contradiction avec ce qui était écrit dans l’article précédent28. Ces derniers invoquent aussi l’industrie de l’alignement photolithographique qui aurait vu chaque nouvelle génération de produit dominée par une firme nouvelle. Ils invoquent encore les systèmes de protection contre les sur-courants (overcurrent protection devices). Mais dans les deux cas, ils ne donnent aucune information quantitative. Ils précisent que des changement de parts de marché indiquent un marché concurrentiel : « another indicator of a broad competitive market in high end technology markets would be substantial shifts in share over time - e.g., at least 4-5 years. » (p. 689). Ils expliquent que les indicateurs utilisés par les autorités anti-trust ont tendance à minimiser le relevant market (index SSNIP variant de 5% sur 1 ou 2 ans)29. Ils proposent un indice calculé sur un horizon temporel de quatre ans avec un seuil de 25% pour avoir une meilleure assurance de la prise en compte des concurrences quand un marché est émergeant et que l’on ne connaît pas les élasticités de substitution.
En synthèse, les deux articles de Teece & alii contiennent quatre exemples : un exemple fondé empiriquement mais qui, de notre point de vue ne valide pas les hypothèses des auteurs, deux exemples non argumentés empiriquement et ce que nous appellerons un contre-exemple, celui de l’industrie informatique, car quel que soit le nombre de changements de paradigmes qu’a connus cette industrie, IBM est toujours resté le numéro 1 depuis 1955, soit 50 ans. La conclusion que nous tirons d’une lecture critique de ces deux articles est que les industries de hautes technologies ne sont peut-être pas si différentes que les autres … et que les méthodes traditionnelles peuvent bien s’appliquer. En ce qui concerne l’index SSNIP, le seuil de 25% est fatalement arbitraire alors que l’allongement de l’horizon temporel est souhaitable bien qu’il induise un trade off non négligeable en terme de réactivité des autorités anti-trust. Les textes présentés souffrent d’une confusion assez lourde en ce qui concerne la notion du temps et de la phase dans laquelle se situe un secteur nouveau. En fin de compte, la typologie d’Abernaty & Utterback peut servir à dénouer ces confusions. Avant que ne se stabilise un dominant design, les positions sont réellement éphémères, que le secteur soit de haute, moyenne ou basse technologie. Une fois ce dominant design instauré, les positions sont plus stables, ce qui n’implique pas l’absence de rebondissements et de changement de parts de marché, et cela quel que soit le type de secteur ou de sous-secteur. Au moment de la naissance même d’un secteur, on comprend que les méthodes traditionnelles de mesure de pouvoir de marché soient inadéquates. Mais ce moment dure peu et avant dix ans en général, un dominant design se met en place. On peut alors utiliser les outils de l’analyse économique pour tenter de mesurer des pouvoirs de marché. Il faut alors, cela est entendu, que l’on mesure sur moyen terme ce pouvoir de marché, entre 5 et 10 ans, comme le préconisent les deux articles de Teece & alii.
Si l’on utilise ce schéma pour l’industrie du logiciel pour micro-ordinateurs, on peut donner la dimension temporelle suivante concernant les systèmes d’exploitation :

- période pré dominant design : 1975 – 1983 (DOS est majoritaire dans le champ des systèmes d’exploitation).

- période post dominant design : 1984 – aujourd’hui.

Cela fait 20 ans que Microsoft domine le champ des logiciels systèmes pour micro-ordinateurs.

Si l’on utilise encore ce même schéma, on peut donner la dimension temporelle suivante concernant les logiciels de bureautique :

- période pré dominant design : 1978 – 1991 (La suite de Microsoft devient majoritaire dans le champ des systèmes bureautiques).

- période post dominant design : 1991 – aujourd’hui.

Microsoft domine le champ des logiciels bureautiques pour micro-ordinateurs depuis 15 ans.
On peut évaluer le pouvoir de marché de Microsoft sans risquer d’être dans la mauvaise fenêtre depuis le début des années 1990. Une marge nous a fait choisir de commencer notre étude en 1994. De 1994 à 2003, on a 10 ans de mesures, ce qui correspond au seuil haut de Teece.
Nous pouvons maintenant évaluer les conjectures de Schmalensee. La discussion des conducts est toujours qualitative et sujette à caution. Par contre, l’économiste peut émettre un certain nombre de conjectures mesurables, quatre ans après les plaidoiries du procès anti-trust. La concurrence potentielle des systèmes d’exploitations non Windows ne s’est pas manifestée. La concurrence potentielle des plate-formes – Java est resté un langage – ne s’est pas manifestée. Netscape est devenu un acteur très mineur de l’accès Internet. La position de Microsoft n’est pas fragile. Son monopole n’a pas été remis en cause. Il apparaît donc que la plupart des conjectures de Schmalensee ont été démenties par les faits.
En fin de compte, nous avons terminé ce mémoire sur l’évaluation des politiques de la concurrence, en continuité avec la pratique de Bain et Mason.

Nous pensons avoir montré que la méthode d’analyse sectorielle apporte des réponses non triviales à un certain nombre de problèmes d’économie industrielle.
Nous pensons avoir initié un itinéraire de recherche centré sur :

- une problématique soit le régime de concurrence différencié des secteurs ;

- un questionnement sur la mesure du pouvoir de marché à partir de cette problématique ;

- une hypothèse sur le lien entre économies d’échelle et pouvoir de marché ;

- un objet empirique, l’industrie du logiciel, objet qui présuppose l’étape analytique de sa construction.
ANNEXE



  1. Présentation de la base de données


Notre base de données est constituée des 70 premières sociétés des secteurs des logiciels et des services informatiques (mesurées par leur chiffre d’affaires). La différenciation logiciel/services est réalisée ex ante en fonction d’un double critère : le classement de la SEC pour les entreprises cotées à New York (soit la grande majorité de notre échantillon) et les représentations des entreprises elles-même (rapports annuels). On prend plus précisément les trente cinq premières firmes de chaque secteur (classées par chiffre d’affaires).
La base correspond donc aux 35 premières firmes de chaque secteur pour les 8 années de 1995 à 2002. Elle n’est par définition pas cylindrée pour maintenir la représentativité de chaque secteur. En effet, un des défauts principaux des données de panel (Dormont, 1987) est qu’elles deviennent de moins en moins représentatives à mesure qu’augmente le nombre d’années considérées car il faut que chaque individu (ici une firme) appartienne à l’échantillon sur toute la période considérée. En analyse sectorielle, cela n’a de sens que pour des secteurs publics ou para-publics comme dans les transports par exemple si l’on veut évidemment bénéficier de la dimension temporelle. Pour autant, les bases sont assez stables parce que la structure d’une industrie se déforme lentement dans le temps. On bénéficie des avantages des données de panel soit la quantité d’informations disponibles (précision des estimateurs) et la possibilité d’estimations en coupe et en série.
La base de données comprend les variables suivantes par entreprise-année : emploi, résultat net, résultat d’exploitation, chiffre d’affaires, dépenses d’exploitation (Dex), marge brute (Mbt), dépenses de R&D, capitaux propres (Cp), total du bilan (Tb), CA à l’étranger (Cai).
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