Il était une fois la vie Comment la vie est-elle apparue sur Terre ? Et existe-t-elle ailleurs dans l'Univers ? Deux immenses questions qui sont étroitement liées... et qui sont surtout loin d'être résolues. Aujourd'hui, la quête des origines de la vie, objet d'une discipline baptisée exobiologie, mobilise autant les biologistes, paléontologues et chimistes, que les astronomes. Et pour tous, les questions se bousculent, que ce soit sur les débuts de la vie terrestre, les conditions qui ont permis son apparition, ou même sur les « briques élémentaires » qui ont servi de base à la vie. Concernant les dates tout d'abord. Sur notre planète, les paléontologues ont établi en étudiant des fossiles que le premier être vivant est apparu il y a au maximum 4 milliards d'années. Une datation très imprécise, car les indices disponibles ne sont pas vraiment légion… Peu à peu cependant, les scientifiques avancent : des chercheurs du laboratoire Bioemco (Laboratoire CNRS Université Paris 6 Inra Agroparistech jr étude pôle aliment École normale supérieure Paris), en collaboration avec trois autres unités, ont ainsi prouvé en juillet 2008 qu'il y avait déjà de la vie sur Terre il y a 3,5 milliards d'années grâce à l'analyse d'une roche de cette époque.
Conditions de vie
Autre question en suspens : quelles étaient les conditions exactes qui régnaient sur Terre à cette époque ? Aussi, tout un volet de l'exobiologie est-il aujourd'hui consacré aux moyens pour mieux exploiter les rares indices disponibles… et en trouver de nouveaux. L'identification de fossiles microscopiques et la recherche concernant les « biosignatures »occupent une partie des scientifiques. D'autres consacrent leurs efforts à déterminer si l'eau, élément indispensable à l'apparition de la vie et présent à la surface de notre planète, a été apportée depuis l'espace par des pluies de comètes. D'autres s'attachent à retrouver les caractéristiques physiques et chimiques de l'atmosphère et des océans dans ce passé lointain. Par exemple, l'équipe de Manolo Gouy, du laboratoire « Biométrie et biologie évolutive » (Laboratoire CNRS Université Lyon 1), à Villeurbanne, en collaboration avec les informaticiens du Laboratoire d'informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (Lirmm) (Laboratoire CNRS Université Montpellier 2), a démontré récemment que l'ancêtre commun à tous les organismes (Last Universal Common Ancestor, ou Luca) a vécu à des températures modérées, inférieures à 50 °C. Plus tard, la vie a dû résister à un milieu plus chaud (environ 70 °C) avant de s'adapter de nouveau à des températures décroissantes, jusqu'à aujourd'hui. Autre problème brûlant : les molécules organiques qui forment les nucléotides et les acides aminés de la machinerie du vivant. D'où proviennent-elles ? Si certaines théories postulent que leur synthèse a eu lieu au fond des mers à proximité des sources hydrothermales, près des volcans ou dans le sous-sol, une autre thèse indique qu'elles sont issues du milieu interstellaire. Alors, quelle hypothèse est la bonne ? « Probablement toutes, car ces molécules tantôt ont une origine terrestre, tantôt ont été apportées par des météorites carbonées, des micrométéorites et des comètes, explique Frances Westall, directrice de recherche CNRS au Centre de biophysique moléculaire (CBM) du CNRS (Elle est aussi directrice du Groupement de recherche « Exobio » qui cédera la place cette année, neuf ans après sa création, à une société savante d'« exobiologie »). Nous espérons bientôt disposer de quelques indications sur les processus chimiques qui aboutirent à la formation de ces molécules grâce aux données recueillies par la sonde Huygens de l'Agence spatiale européenne (ESA) lors de son atterrissage sur Titan en janvier 2005. Sur ce satellite de Jupiter, opère cette “chimie prébiotique” – ne faisant pas appel aux molécules biologiques. En modélisant les échanges entre l'atmosphère et le sol de ce satellite, nous pouvons donc espérer mieux comprendre à l'avenir ce qu'il s'est passé sur la Terre primitive. »
Être ou ne pas être
Enfin, comment ces molécules, une fois créées, se sont-elles assemblées entre elles pour donner du vivant ? À quoi ressemblait l'ancêtre commun à tous les organismes actuels ? Si bien des scénarios complexes ont été proposés, une hypothèse récente veut que l'acide ribonucléique ou ARN ait constitué le premier de tous les métabolismes, c'est-à-dire la première des machines où s'opéraient spontanément les transformations chimiques et énergétiques propres à la vie. La raison de cette idée bizarre ? « La découverte, voici une quinzaine d'années, que l'ARN est en mesure d'assurer les fonctions essentielles du vivant, explique Marie-Christine Maurel, de l'Institut Jacques Monod (Institut CNRS Universités Paris 6 et 7), et présidente du Conseil scientifique du programme interdisciplinaire du CNRS « Origine des planètes et de la vie », créé en 2006. Cette molécule peut porter l'information génétique tout en réalisant des actes catalytiques à la manière des protéines. D'où l'idée d'un monde originel constitué d'être primitifs ressemblant un peu aux “viroïdes”. Ces agents pathogènes des plantes sont en effet, à la différence des virus, faits d'ARN libres, c'est-à-dire d'ARN sans membrane associée. Ce qui en fait des candidats idéaux pour avoir été à l'origine de la vie. » Seconde interrogation majeure de l'exobiologie : où et comment trouver des traces de vie extraterrestre ? On peut espérer que des programmes comme « Search for Extra-Terrestrial Intelligence » (Seti) finiront un jour par repérer une intelligence du troisième type en détectant les émissions électromagnétiques produites par cette civilisation, ou que celle-ci prenne l'initiative de se manifester à nous. Mais les scientifiques en seront sans doute réduits pour longtemps encore à tenter de répondre à cette question par la recherche de traces d'activité biologique, ou, dans le meilleur des cas, de petits organismes du type bactérie. Près de nous, la planète Mars, et Europe, cette lune de Jupiter probablement dotée sous la glace qui la recouvre d'un océan interne, figurent au rang des premiers candidats. La planète rouge continue à mobiliser les exobiologistes, avec notamment le lancement de la sonde Exo-Mars de l'ESA qui s'efforcera à partir de 2016 de déterminer si une forme de vie rudimentaire a pu l'habiter ou l'habite toujours. Quant aux exoplanètes, le projet de mission Darwin, qui consisterait à envoyer dans l'espace des télescopes mis en réseau, pourrait permettre au-delà de 2020 de détecter une signature de vie. Les astronomes travaillent donc à des méthodes qui leur permettront de révéler la présence d'une vie en détectant dans son atmosphère des composés gazeux d'origine biologique. Ils planchent aussi, dans le cadre d'un projet de l'ESA baptisé « Bluedot », à des techniques de repérage de « planètes-océans », des objets célestes encore théoriques mais qui auraient, s'ils existent, la particularité d'être totalement recouverts par les eaux.
Les astres à l'honneur
L'année 2009 a été déclarée Année mondiale de l'astronomie par l'Unesco et les Nations Unies, sur l'initiative de l'Union astronomique internationale. Son objectif ? Permettre aux citoyens de redécouvrir leur place dans l'Univers et stimuler l'intérêt du public et particulièrement des jeunes pour l'astronomie et la science. Environ cent vingt pays y participent. En France, près de 300 projets – expositions, séances d'observation du ciel de jour comme de nuit, rencontres avec les astronomes, animations, jeux ou pièces de théâtre… – ont été labellisés. Le CNRS, avec l'Institut national des sciences de l'Univers et l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules, y est très impliqué.
GLOSSAIRE
Biosignatures : Ce sont des traces chimiques, isotopiques et morphologiques laissées par l'activité biologique.
Acide ribonucléique ou ARN : Molécule similaire à l'ADN mais dont la composition chimique et la structure varient légèrement. Elle a de nombreuses fonctions dans l'organisme : transport de l'information génétique, réactions enzymatiques, etc.
Vahé Ter Minassian
Contact
Frances Westall, frances.westall@cnrs-orleans.fr
Marie-Christine Maurel, maurel@ijm.jussieu.fr
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