Ses granges





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Abbé Félix BERNARD

Membre de l’Académie de Savoie
et de l’Académie Delphinale


L’ABBAYE DE TAMIÉ

SES GRANGES

(1132-1793)

Ouvrage publié avec le concours
du Centre National de la Recherche Scientifique


IMPRIMERIE ALLIER - GRENOBLE

1967

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

HISTOIRE DU DÉCANAT DE LA ROCHETTE. 1931. In-8°, 236 p.
(Dans : Mém. Académie de Savoie; 5’ s., tome VII.)

PAROISSES DU DÉCANAT DE LA ROCHETTE. 1958. In-8°.
(Dans : Mém. Académie de Savoie; 6° série, t. III, p. 21 à 261.)

Au PAYS DE MONTMAYEUR. 1933. In-8° ; 128 p.

LES ORIGINES FÉODALES EN SAVOIE ET EN DAUPHINÉ. 1949. In-8°, 336 p.
Publié avec le concours du C.N.R.S. Grenoble, Guirimand.

LE VIEUX MONTMÉLIAN. 1952.
(Dans : Mém. Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie, tome LXXVI, avec illustrations.)

« HISTOIRE DE MONTMÉLIAN », PREMIÈRE CAPITALE DE LA SAVOIE. Chambéry, 1956, 430 p.

LES CONFRÉRIES COMMUNALES DU SAINT-ESPRIT. LEURS LIEUX DE RÉUNIONS ET LEURS ACTIVITÉS DU X° AU XX° SIÈCLE, RÉGION SAVOIE-DAUPHINÉ. (Dans : Mém. Acad. de Savoie, 1963)

HISTOIRE DE PONTCHARRA-SUR-BRÉDA ET DU MANDEMENT D’AVALON. PATRIE DE SAINT HUGUES ET DU CHEVALIER BAYARD. 1964. In-8° ; 224 p., 8 illustrations.

« TROIS CLOS, TROIS ENCEINTES PRÉCELTIQUES OU MEILLAN : D’ARBIN, DE CRUET, DE ST-PIERRE-D’ALBIGNY. » (Paru dans Soc. Ethnol. Arch. de Grenoble, 1962.)

PRÉFACE
L’importance des travaux, poursuivis avec bonheur et continuité depuis près d’un demi-siècle par M. l’abbé Félix Bernard sur le passé médiéval de la Savoie et du Grésivaudan, n’est plus à démontrer. Les érudits, qui étudient l’histoire des pays alpins, apprécient à leur valeur les oeuvres de ce prêtre savant et modeste et en tirent le plus grand profit pour leurs propres travaux. Les membres de l’Académie de Savoie, qui eurent maintes fois le privilège de recevoir les premières confidences de leur collègue médiéviste sur ses recherches et ses découvertes historiques, suivent avec admiration ce labeur probe, tenace et intelligent grâce auquel un passé lointain ressuscite dans son intimité journalière. Il n’est pas à la portée de tous les historiens de savoir interpréter les documents hérités des siècles du Moyen Age, d’être maître de ses sources au point d’en faire surgir la vie. Grâce à une longue familiarité avec les archives, avec les êtres et un pays, où son apostolat l’a mené de paroisse en paroisse, à Villard-d’Héry, La Table, Saint-Pierre-de-Soucy et enfin à Arbin aux portes de Montmélian, M. l’abbé Bernard a pénétré chaque jour davantage dans la connaissance de la mentalité de ses modernes compatriotes, comme de celle des lointaines générations qui ont vécu sur ce sol, dont il connaît le relief, les productions, les beautés et les rigueurs. La science de l’érudit s’est enrichie singulièrement d’une expérience humaine qui transparaît à chaque page de ses oeuvres. De là la perspicacité de l’historien, cette facilité à comprendre les peines et les travaux d’hommes, séparés de nous par tant de siècles, à sonder leurs intentions, à entrer dans leur intimité. Une parfaite compréhension de la vie rurale, de celle d’antan et de celle d’aujourd’hui, donne aux ouvrages de M. l’abbé Bernard une saveur particulière que seul peut faire sentir un auteur aux prises avec les problèmes concrets que requièrent la vie des champs et le voisinage des gens de la campagne.

C’est donc à un curé de paroisse rurale, dont les années n’ont fait qu’accroître une ardeur toujours jeune et des dons d’enthousiasme pour le travail de l’esprit, que nous devons cette belle publication sur l’abbaye de Tamié, ses nombreuses granges et ses frères convers.

[6] Tamié, haut lieu de spiritualité, fondé par Cîteaux en 1132 et où, grâce aux religieux de la Trappe, s’est perpétuée la vie monastique, ne pouvait que susciter l’intérêt des historiens. Dès 1865 Eugène Burnier fut l’auteur d’une bonne monographie de l’abbaye. Cette étude, comme celles plus récentes de l’abbé Joseph Garin et d’un moine de Tamié, eurent pour objet de présenter au lecteur l’abbaye depuis ses origines avec ses abbés successifs, ses religieux et leur existence dans l’enceinte du monastère. La découverte d’un ancien inventaire des archives de Tamié, document inconnu de ses prédécesseurs, a permis à M. l’abbé Bernard de concevoir un singulier élargissement du sujet : présenter l’histoire de tout le patrimoine foncier d’une abbaye, amplement pourvue de biens par la libéralité des comtes de Savoie et de Genève et de nombreuses familles seigneuriales ; montrer l’action agricole, pastorale, parfois même industrielle, le rôle hospitalier des Frères convers dans cet important essaim de granges monastiques, fondées par Tamié en Savoie proprement dite, en Genevois, Bugey et Grésivaudan. C’est la première fois que pour la Savoie et les régions limitrophes le rayonnement social et économique d’une abbaye est étudié avec une telle ampleur, et il est à présumer que de semblables recherches manquent encore dans bien des provinces.

Vaste par l’aire géographique qu’elle embrasse, par les problèmes variés qu’elle soulève, la présente étude ne pouvait être menée à bien que par un érudit parfaitement averti par ses travaux antérieurs du passé régional et des sources imprimées et manuscrites. Il fallait être l’historien des Origines féodales en Savoie et en Dauphiné, du décanat de La Rochette, de Montmélian, de Pontcharra-sur-Bréda et l’auteur de tant de monographies, pour avoir été en mesure d’utiliser aussi savamment l’inventaire des archives de Tamié. Environ 500 documents s’y trouvent analysés, mais de nombreuses dates manquent, des noms de lieux ou de personnes sont souvent transcrits fautivement ou omis. M. l’abbé Bernard a dû faire appel à son érudition, à sa connaissance de la topographie locale et des familles seigneuriales pour rectifier les noms et préciser les dates. Ce serait mal connaître l’auteur que de penser qu’il a limité son horizon à sa table de travail et aux dépôts d’archives. Une fois les sources examinées avec toute l’attention qu’elles méritent, le curé d’Arbin achève sur le terrain le travail des identifications. Malgré l’inévitable fatigue des ans, malgré l’asthme, malencontreux souvenir des gaz toxiques de la Première Guerre mondiale, M. l’abbé Bernard ne craint pas de parcourir, la curiosité d’esprit toujours en éveil et avec une rajeunissante verdeur, sa Savoie natale au relief tourmenté. Sur les lieux, comme dans les documents, M. l’abbé Bernard sait voir et découvrir. La preuve en avait déjà été donnée par les trois clos, enceintes préhistoriques d’Arbin, de Cruet et de Saint-Pierre-d’Albigny, identifiés par lui au cours de fructueuses excursions

[7] dont le résultat a été publié, en 1962, par la Société d’Ethnologie et d’Archéologie de Grenoble. La méthode de vérification sur le terrain des renseignements puisés dans les archives a permis au curé d’Arbin de faire d’étonnantes découvertes. Sillonnant le pays à la recherche des granges cisterciennes, M. l’abbé Bernard en a reconnu les vestiges, a eu plusieurs fois la joie de retrouver, préservé malgré les siècles, le vaisseau harmonieusement équilibré de ces bâtiments d’exploitation rurale. Ces découvertes seront d’un grand prix pour les archéologues qui ne ménageront pas leur reconnaissance à M. l’abbé Bernard pour avoir pris la peine, en bravant la chaleur de l’été ou les intempéries de la saison mauvaise, de cheminer de grange en grange, comme le faisaient jadis les pèlerins du Moyen Age. Quant au lecteur, il prendra connaissance avec un intérêt particulier de l’ouvrage que nous avons l’honneur de préfacer et où les témoins du passé, réellement vus par l’auteur, donnent vie au texte.

Grâce à la connaissance des lieux et à une utilisation sagace des sources, l’auteur nous fait voir ces granges avec leurs écuries, bergeries, leurs celliers, battoirs et moulins, leurs troupeaux, leurs étangs à poissons, leurs pâturages. C’est toute la vie agricole et pastorale du Moyen Age qui nous est montrée. Les Frères convers s’emploient à des travaux de défrichements ; ils assainissent les sols, endiguent les torrents dévastateurs, sans omettre pour autant de consacrer à la prière une part importante de leur vie. Une ample moisson de renseignements est donnée sur les ponts et les chemins, sur l’hospitalité offerte aux voyageurs, les aumônes aux indigents, sur les chapelles qui accompagnent les granges monastiques. L’auteur nous promène des bords du Bréda et de l’Isère à ceux du Guiers, à la limite du Viennois, des rives du Tier en Petit-Bugey aux abords du lac d’Annecy. Partout, dans un labeur humain impressionnant, Tamié et ses convers fondent des granges : la grange du Bréda sous Avallon, celles de Servette, Montmeillerat, Cruet, Tournon, Plancherine, Montailleur, Menthonnex-en-Bornes et tant d’autres. Jamais tour de propriétaire n’a été fait avec autant de soin, jamais nous n’avons été initiés de la sorte à la fondation et au développement d’un patrimoine monastique, n’avons mieux reconnu son importance sociale. M. l’abbé Bernard nous révèle que la petite ville de Pontcharra est née d’une grange de Tamié et pense que cette abbaye a apporté une contribution appréciable à la fondation d’Annecy et de Montmélian. Peut-être le dépouillement d’autres fonds d’archives ecclésiastiques ou civiles permettront un jour de déceler que d’autres initiatives ont pu concourir à la fondation de ces villes. Les vues neuves de M. l’abbé Bernard ne manqueront certainement pas d’éveiller l’intérêt des historiens, de susciter des recherches et d’en confronter les résultats. Tel est certainement le souhait de l’auteur.

[8] L’histoire des Frères convers de Tamié est aussi celle de leurs rapports avec les communautés rivales d’habitants et avec les seigneurs, dont les libéralités avaient permis au monastère de constituer ce dense essaim de granges Très averti par ses précédents travaux de la délicate question des généalogies seigneuriales, où pour les hautes époques la rareté des documents obscurcit le problème des origines, M. l’abbé Bernard, s’appuyant sur les textes conservés ou risquant parfois une hypothèse, s’est efforcé de clarifier le complexe écheveau des familles notables. Par une étude pertinente des sources, l’auteur nous montre dans toute leur variété et leur extension les fortunes domaniales qui permirent aux seigneurs locaux de faire les concessions territoriales nécessaires à la fondation des granges monastiques. Si des difficultés se sont élevées entre Tamié et les descendants de donateurs, d’autres conflits eurent lieu entre l’abbaye et les communautés d’habitants. Les défrichements et les méthodes de travail des Frères convers furent tout d’abord pour la population rurale un stimulant et un exemple. M. l’abbé Bernard ne nous cache cependant pas que par l’excellence de leur gestion, l’importance de leurs ressources, les progrès de l’outillage, la cohésion donnée aux convers par une autorité supérieure centralisée, les domaines du monastère apparurent à la longue aux paysans comme susceptibles de mettre en péril la rentabilité de leurs propres exploitations. Avec leurs possibilités réduites ils craignirent de ne pouvoir affronter cette concurrence. Ces difficultés et le déclin du recrutement des Frères convers obligèrent finalement Tamié à renoncer pour ses granges au faire-valoir direct.

Cette étude, qui commence avec la fondation de Tamié dans la première moitié du XIIe siècle et avec la création des exploitations rurales de ce monastère, nous renseigne sur les différentes phases de la gestion du patrimoine foncier. Nous sommes ainsi excellemment menés par l’auteur jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Les domaines monastiques nous sont donc connus dans leur évolution à travers les siècles comme dans leur extension géographique.

Tamié est un de ces sites privilégiés, riches d’histoire et du souvenir des religieux, auréolés de sainteté, fondateurs de l’abbaye. Les Savoyards, qui aiment se recueillir dans la paix et la beauté du lieu et contempler dans leur sobre ordonnance les bâtiments abbatiaux, sont fiers de posséder dans leur vieille province ce monastère toujours vivant dont le passé fut pendant tant de siècles si intimement mêlé à celui de leurs ancêtres. Tous auront une dette de gratitude envers l’érudit curé .d’Arbin pour nous avoir montré, sous ces principaux aspects, le rayonnement spirituel, économique et social de Tamié.

Préparé par de nombreuses communications faites à plusieurs sociétés savantes, cet ouvrage, où M. l’abbé Bernard a bien voulu, à la requête de

[9] l’Académie de Savoie, recueillir l’ensemble de ses recherches sur le rôle civilisateur de l’abbaye, a demandé à son auteur, outre une science étendue et des dons d’historien, un travail laborieux et prolongé. A l’âge où tant d’autres cherchent un repos mérité, M. le curé d’Arbin ne songe qu’à offrir aux autres le meilleur fruit de ses veilles. Devant cet exemple, tous ceux qui ont pour sa personne amitié respectueuse et pour son labeur fécond admiration lui expriment du fond du coeur leur reconnaissance.

André PERRET. Chambéry, Février 1965.

INTRODUCTION

Un jour de l’année 1113, trente gentilshommes bourguignons viennent frapper à la porte de l’abbaye de Cîteaux. Ils ont à leur tête celui qui va devenir l’illustre saint Bernard. Pourquoi ont-ils fait le choix de Cîteaux ? Parce que ce monastère était pauvre, composé de huttes primitives, établi dans un pays marécageux et désert et qu’on y pratiquait la règle de saint Benoît dans toute son austérité. L’entrée de Bernard décide un courant puissant en faveur de ce nouvel ordre. Jeunes fils de famille, chevaliers fourbus accourent à son école, viennent chercher la joie dans le sacrifice total, dans le travail, les jeûnes et les prières. Les savants sont également entraînés, comme les plus hauts personnages. En ce siècle de foi, mais de moeurs violentes, les prédicateurs doivent insister sur la crainte du jugement de Dieu plus que sur son infinie bonté, peut-être. Mais aussi, quelle puissance de la foi dans tout le peuple ! Quel élan général pour venir « chercher d’abord le Royaume de Dieu » dans ces minuscules « abbayes » de frères « barbati », voués au travail manuel, à la prière, à la méditation silencieuse !

En moins de trente ans, l’ordre austère et travailleur comprenait près de 500 abbayes, mais d’abbayes dont on n’a pas encore compté les « granges et celliers » remplis de convers parfois. La voix de Bernard, devenu abbé de Clairvaux, guidait les papes et les rois et ébranlait le monde pour une seconde croisade. Après le renouveau de foi et d’austérité de vie qu’ils provoquèrent, le grand service que les Cisterciens rendirent à la civilisation européenne, c’est l’exemple du travail manuel. Par là, ils opérèrent « la seule fusion possible du féodalisme et du servage », dans le respect de l’homme. D’où cette disparition, alors constatée, des termes de servi et d’ancillae et même l’éclipse remarquable des titres de noblesse, que nous constaterons. On ne voit pas qu’une classe cherchât à se hausser au-dessus de l’autre. A chacun sa vocation « partielle » oui, mais aussi utile que celle des autres. Si le moine était fait pour prier, le chevalier pour guerroyer, le terrien n’était pas humilié d’avoir à labourer.

[12] A côté de ces résultats moraux et sociaux, il y eut d’autres résultats plus tangibles : plaines assainies, rivières assagies comme la Saône. Voilà des faits reconnus par les historiens. Chez nous, les moines de Tamié, qui avaient pour mission essentielle de faciliter voyages et transports sur la route Paris-Rome, s’attelèrent à la besogne matérielle avec un grand courage. Deux monographies ont essayé déjà de donner l’histoire de Tamié. Mais sur le point qui nous intéresse, elles n’ont rien dit que de vague. Aussi nous permettra-t-on de discuter et d’établir au préalable les origines de l’abbaye de Tamié. Nous comprendrons mieux pourquoi l’histoire de Pontcharra-sur-Bréda, de même que celle du Pont-de-Beauvoisin, rencontrera à chaque pas, pendant six siècles, les moines de Tamié sur les bords du Bréda et de l’Isère, comme ils furent présents sur ceux du Cernon à Chapareillan, sur ceux du Guiers au Pont-de-Beauvoisin, sur les rives industrielles du Tier, émissaire du lac d’Aiguebellette, et surtout sur les rivages enchanteurs du lac d’Annecy.

L’étude présente prolongera peut-être celle si vaste et si approfondie de Thérèse Sclafert sur « Le haut Dauphiné au Moyen Age », parue en 1926, ses aperçus économiques sur les quelques granges de la Grande-Chartreuse, celles des Chartreux de Saint-Hugon et sur les granges longtemps prospères des Cisterciens de Léoncel, qui se conformèrent comme ceux de Tamié aux Statuts de Cîteaux. La description des objectifs, travaux et méthodes agricoles et pastorales des convers, de leur genre de vivre et de se vêtir selon les occupations et les saisons, de leurs relations avec l’abbaye-mère a déjà été minutieusement menée par l’auteur. Cela excusera notre brièveté autant que le défaut presque total des chartes et documents, n’ayant guère à notre disposition comme matière première qu’un inventaire trop bref, souvent sans date et sans nom de personnages, d’environ cinq mille titres de notre vieille abbaye savoyarde. Ce qui obligera parfois à recréer les circonstances de temps et de lieux et à proposer des raisons et des conclusions pour le moins plausibles.

Nous n’avons pas de statistique totale des granges de Tamié qui puisse répondre à notre légitime curiosité. On dispose cependant d’environ la moitié d’un précieux document : l’« Inventaire général de tous les anciens titres et documents de la dévote abbaye de Notre-Dame miraculeuse de Thamié ». D’après les titres que l’on possède, on peut énumérer au moins 53 granges occupées primitivement par des convers. Il y faudrait ajouter un bon nombre des possessions portées à l’encre rouge dans la Carte des biens de Tamié qui date de 1706, et heureusement conservée à l’abbaye.

L’abbé François-Nicolas de la Forest Somont fit procéder à cet inventaire des titres et à leur classement par caisses suivant leur objet, vers 1650. Son neveu Jean-Antoine de la Forest Somont, qui fut abbé de 1665

[13] à 1701, s’occupa ensuite personnellement du classement des archives, surtout pendant une longue maladie qui le retenait au monastère, dit Burnier (Histoire de Tamié, p. 124). C’est lui sans doute qui compléta, et d’une manière très intelligente, l’inventaire primitif dû au notaire Me Roget. L’écriture (courante) est d’un religieux plutôt que d’un notaire. C’était l’avis déjà de l’abbé L. Joly, aumônier de la Providence de Bourg et archiviste de la Société Gorini.

Le chanoine Alloing, président de cette société et chancelier de l’évêché de Belley, lui avait remis en mai 1936 une liasse de 15 cahiers, de 30 à 40 pages en moyenne chacun, concernant l’abbaye de Tamié et trouvés dans les archives de l’évêché de Belley. Avec la même bienveillance, l’abbé Joly en avertit par lettre du 29 juin 1936 l’abbé de Tamié dom Alexis Presse, qui s’empressa de se rendre à Belley, puis de faire la demande de ces cahiers qui n’intéressaient que de très loin l’évêché de Belley. L’évêque d’alors n’y fit aucune opposition. Et c’est ainsi que l’abbaye de Tamié rentra en possession de cette source de son histoire citant 1 850 titres environ.

D’ailleurs, l’attention de dom Alexis était déjà mise en éveil sur ce genre de document L’abbé Gabriel Loridon, alors vicaire à la Métropole, avait trouvé à Chambéry et offert au même R. P. Abbé et à Tamié, dès le 5 juillet 1929, le premier cahier du même Inventaire général.

Ce cahier contient (moins un, feuillet 18) les feuillets qui précèdent le cahier n° 1 de Belley. « Il mentionne 148 titres, en comptant ceux raturés par le second archiviste. Celui-ci l’a fait précéder de 5 pages et suivre de 3 », mais d’une écriture très serrée; c’est l’analyse de la partie primitive du Cartulaire de Tamié et de plusieurs lettres apostoliques, dont l’une est adressée au prieur d’Arbin. « Tous ces titres additionnés, concluait l’abbé Joly, vont au nombre de 2 000 et quelques. Le dernier mentionné, f° 445, porte le n° 4848. Il s’en faut donc de beaucoup que nous les connaissions tous. Il manque 240 feuillets à l’Inventaire, ce qui supposerait 15 cahiers de plus. »

Dans le présent travail qui visait surtout les « granges » et leurs habitants les frères convers, nous n’avons pas insisté sur les acquisitions de biens faites tardivement, aux XVIIe et XVIIIe siècles. Ces acquisitions entraînaient cependant la transmission de plus anciens titres de possession, qui enrichiront notre histoire du Moyen Age.

Selon la règle cistercienne, les possessions d’une abbaye devaient être proportionnées aux besoins de la communauté. Ainsi, dom Anselme Dimier, dans sa vie de « Saint Hugues de Bonnevaux », compte environ 20 granges pour l’abbaye de Léoncel-La Part Dieu ; pour l’abbaye-mère de Bonnevaux, 44 granges qu’il appelle des possessions.

[14] Quant à l’abbaye de Tamié, qui avait à remplir une fonction hospitalière publique dans la traversée des Alpes, on est sûr qu’elle posséda au moins 53 « granges » monastiques. Et, on le verra, on en soupçonne encore au moins autant.

Il restera à insister, à la suite de M. le Professeur Bernard Bligny dans son ouvrage L’Église et les ordres religieux dans le royaume de Bourgogne aux XIIe et XIIe siècles, sur le bienfaisant contact des frères convers de Tamié avec le monde rural de leur temps. Le nombre inattendu de leurs « granges » dans notre région oblige à se demander si ces groupes de moines ouvriers ne furent pas, malgré leur existence retirée aux extrémités de nos paroisses, de puissants foyers de religion comme de progrès agricole.

Ce travail a été entrepris et poursuivi avec les encouragements du Rme Père Abbé Dom François de Sales et des Religieux de Tamié. Il a bénéficié des conseils autorisés de Dom Louis, archiviste de la communauté, et des notes puisées par lui aux archives de Turin et à celles du Sénat de Savoie. L’appui de l’Académie de Savoie, de son président M. André Tercinet et de M. Henri Ménabréa, vice-président, en particulier, n’a pas manqué à l’auteur. Il leur doit et leur exprime volontiers ses bien respectueux remerciements, ainsi qu’à M. André Perret, archiviste de la Savoie, à M. Robert Avezou, archiviste du département de l’Isère, et à M. Robert Gabion, des Archives de la Haute-Savoie.

CHAPITRE PREMIER

Fondation simultanée de l’abbaye
et de plusieurs granges en 1132.


Pontcharra et environs

SOMMAIRE : § I. La fondation de l’abbaye de Tamié et ses grands fondateurs - § II. - Motifs des libéralités comtales. Le pape et les moulins et artifices d’Arbin. Adduction d’eau pour le futur Montmélian. - § III. Autre motif des privilèges : assainissement et, conquête du sol. Vue générale des Granges monastiques. - § IV. - Région de Pontcharra-sur-Bréda,

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