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LA FAMILLE PÈNE 1937 - 1952 MES SOURCES J’ai écrit ce texte en pensant que cette histoire intéresserait mes frères et sœurs, leurs enfants et les miens. Je me suis basée sur mes souvenirs, bien entendu, mais pas uniquement : J’ai vérifié sur « Google » (surtout sur « Wikipedia ») les événements historiques et leurs dates, les édits du gouvernement de Vichy contre les juifs, et les rations alimentaires du temps de guerre. Pratiquement tout ce qui est attribué à PIERRE est extrait des textes suivants, écrits par lui : « Mon arrestation – torture – incarcération », et « Mon évasion » (tous deux écrits vers 1945 pour être insérés dans le récit sur la guerre écrit par Françoise) ; « Récit après infarctus 1939-1946 », écrit en 1965 ; « Mobilisation – guerre 1939-40 jusqu’à la défaite », journal. « Arrivée en Allemagne – Avril 1946 – Septembre 1951, journal. FRANCOISE parlait beaucoup et se répétait souvent, donc ses récits étaient bien connus de nous ; mais elle a écrit : l’histoire de la famille pendant la guerre, sans titre ; « Journal d’une grand-mère ou mémoires en zig-zag ». Je me suis servie des deux, et en ai tiré des extraits. CLOTILDE a écrit, sans titre, ses souvenirs de prison, que j’ai cités intégralement. J’ai aussi passé avec elle de nombreux moments lorsque j’étais étudiante à Paris, et, chose rare, elle m’a parlé d’elle même. Ce que je raconte comme venant d’elle prend sa source là. J’ai utilisé les GRAND-MERES pour donner un peu de contexte familial à l’histoire. Mes souvenirs sont ma seule source pour elles. ANNETTE a lu plusieurs fois les mots que je lui ai attribués, et les a corrigés. Le seul document authentiquement d’elle est la lettre à Maïten du 9 août 1944 (elle l’a datée du 9 juillet, mais Françoise et Clotilde ayant été libérées le 22 juillet, je déduis qu’il y a eu une erreur de mois, car elle y parle de leur libération). FLORENCE et RIZOU : Françoise avait noté nos « mots d’enfants », dont j’ai cité certains. Florence : à part les mots d’enfants cités, j’ai travaillé de mémoire. Mon seul document authentique est la lettre à Rizou du 14/6/1944, que j’ai beaucoup écourtée, pour n’en garder que les éléments pertinents. Rizou ayant des souvenirs très nébuleux de cette période, nous nous sommes réunis un jour chez Annette avec Simone Roumens qui nous a un peu éclairés. Mireille Pinard a enregistré la conversation, dont je me suis servie. Le rapport fait sur lui par les dirigeants de sa « colonie de vacances » est authentique, extrait des mémoires de Françoise. Rizou, devenu DIDIER, a écrit : « Brins de ma vie ou à la recherche d’une jeunesse introuvable », dont j’ai cité bien des passages. OLIVIER a bien voulu m’écrire quelques souvenirs de sa vie à Umkirch, dont j’ai tiré des extraits. TABLE DES MATIÈRES Chapitre un : Avant la guerre Page 4 Chapitre deux : La « drôle de guerre » et la débâcle - 1939-1940 Page 22 Chapitre trois : Début d’occupation – 1940-41 Page 35 Chapitre quatre : Début de résistance – 1941-42 Page 42 Chapitre cinq : 1942-43 Page 53 Chapitre six : Le combat s’intensifie – 1943-44 65 Page 66 Chapitre sept : Arrestation de Pierre – 4 avril 1944 Page 73 Chapitre huit : Pierre s’évade – nuit du 9 au 10 juin 1944 Page 91 Chapitre neuf : Libération et vie à St Quentin – 1944-46 Page 117 Chapitre dix : Vie de château – 1946-1952 Page 128 Addendum : photos, Table des matières, sources. Chapitre un AVANT LA GUERRE PIERRE n’avait jamais eu besoin d’un réveil mais il en remontait un tous les matins pour plus de sécurité, faisant confiance à la machine plus qu’à soi-même. Dans l’aube naissante, il se glissa hors du lit silencieusement, satisfait de sa souplesse et de son agilité, qu’il entretenait avec soin. Il ne fallait pas réveiller Françoise de crainte de la mettre de mauvaise humeur. C’était dommage, car il aurait voulu partager avec elle son sentiment désagréable, anxieux même, causé par le livre qu’il avait fini hier soir : « Mein Kampf », par Adolf Hitler. Tant pis. Ils en parleraient plus tard ; il faudrait qu’elle le lise de toutes façons Il aimait lui faire plaisir. Il l’aimait réellement. Sa nature passionnée et entière la rendait parfois difficile, mais accentuait son côté honnête et intègre. Elle ferait aussi plus tard montre d’un courage rare. Il prenait plaisir également à discuter avec elle de presque tout ce qui l’intéressait car elle avait l’esprit ouvert et curieux, contrairement à la plupart des mères de famille bourgeoises de l’époque. Pierre fit alors sa gymnastique pour s’assouplir et combattre les rhumatismes, mais aussi des pompes et des flexions du genou pour la musculation. Il trouvait important de se maintenir en forme, de contrôler son corps – un peu par vanité, il est vrai – et de savoir en jouir. Il se féliciterait plus tard d’être resté souple. Il souleva son côté du matelas juste assez pour en retirer le pantalon qu’il y avait placé la veille au soir pour en maintenir le pli. De la salle de bains, il pouvait entendre le babillage des filles, pas encore parties pour l’école. Annette, très protectrice de sa sœur, ne semblait pas jalouse des succès scolaires de cette dernière. Ceux-ci étaient d’ailleurs son œuvre, car, en jouant à la maîtresse, elle avait appris à Florence à lire, écrire et compter quand celle-ci n’avait que trois ans. Mais pourquoi la petite était-elle si peureuse en l’absence de sa sœur, rentrant la tête dans les épaules à l’approche de l’école, quand elle devait y aller seule ? Il aimerait bien comprendre ces choses. De toutes façons, quelle joie c’était, d’être père ! Et après l’avoir désiré pendant dix années de vie mariée, ils avaient enfin un garçon, un bébé blond et bouclé, si souriant qu’on l’appelait Rizou. Ayant rapidement bu le bol de café au lait qu’avait préparé Henriette (hélas ni jolie ni très futée) Pierre prit sa voiture. Il aurait marché, pour l’exercice, si le bureau avait été plus près. Mais s’il faisait beau et si la santé de Louis n’empirait pas, ils avaient prévu de pique-niquer ce dimanche dans la forêt de Compiègne avec les Girard. Ils pourraient aussi aller samedi à la piscine qui venait d’ouvrir pour la saison. Les filles y suivaient un entraînement avec monsieur Nibourel. Pierre arriva au bureau avant tout le monde. Il aimait y être avant ses subordonnés, pensant que cela les stimulait ; non qu’ils soient paresseux ; c’était de bons ingénieurs, sortis des meilleures écoles. FLORENCE contemplait les cercles dorés qui dansaient sur la surface de son café au lait, maintenant qu’elle en avait retiré la dégoûtante peau du dessus. Elle y avait mis dix morceaux de sucre, et y plongeait la moitié d’une baguette de pain coupée en deux dans sa longueur, bien croustillante à l’extérieur, blanche et moelleuse à l’intérieur, et généreusement beurrée. C’était bien bon. Elle s’était lavée et habillée rapidement pour pouvoir en jouir pleinement. Bien sûr, Annette était encore en train de brosser sa splendide crinière auburn, ou dieu sait quoi, pour s’assurer que, comme d’habitude, elles arriveraient à l’école en retard. L’école était tout près, et Florence aurait bien pu y aller seule, mais aimait se sentir sous la protection de sa grande sœur. Les plans pour le week-end avaient changé, dieu merci. L’eau de la piscine serait bien froide. Un pique-nique en forêt ne serait pas amusant non plus, les fourmis y étant des envahisseurs désagréables. La traditionnelle cueillette de champignons la couvrirait encore une fois de ridicule, puisqu’elle n’y trouvait jamais rien, contrairement à maman et Annette qui remplissaient des paniers pleins de cèpes et chanterelles. Le programme avait changé parce qu’on allait à Paris où grand-père Louis allait très mal. L’autel que les sœurs avaient construit de brindilles dans le jardin et où elles avaient prié pour la guérison de leur grand-père n’avait donc servi à rien. Dieu n’était peut-être pas tout-puissant, ou leurs prières n’avaient pas été assez ferventes ? C’est dommage ; grand-père était très gentil, et Florence l’aimait bien. Maman, avant le départ, avait fait un sermon bizarre, disant à Florence de ne pas répondre ou de mentir si Louis posait des questions sur son pronostique. Le mensonge avait toujours été un péché capital à la maison, même si maman prétendait croire Flo quand celle-ci mentait presque tous les soirs en répondant à la question : « A-tu étudié ton piano ? ». Mais cette fois-ci il était permis, même recommandé, de mentir ! Il s’agissait de ne pas alarmer grand-père. La seule chose ennuyeuse était qu’avant d’aller à Paris, maman voudrait couper les cheveux des enfants. Les boucles d’Annette et Rizou tomberaient toujours joliment, mais la tignasse raide et couleur caca de Florence montrerait tous les coups de ciseaux malencontreux, et finirait trop courte, et en dents de scie. Le plus sympathique, à Paris, serait de voir les cousins Lévy-Picard. Claudie avait des choses merveilleuses : un réveil avec un Mickey qui bougeait pour maLA_FAMILLE_doctravail2.docrquer les secondes, des socquettes avec des fleurs roses, et un bracelet montre qui avait l’air de marcher, on aurait dit un vrai. En plus, de leur quatrième étage, c’était très amusant de regarder les minuscules personnes et autos dans la rue. FRANCOISE, qui lisait toujours tard le soir, aurait aimé traîner au lit. Mais Pierre était parti au bureau, les filles à l’école, et il y avait à faire. Il fallait vérifier ce qu’Henriette aurait déjà accompli. La pauvre fille n’était pas très douée. Après avoir ciré les chaussures, acheté le pain du petit déjeuner, lavé, habillé, et nourri le bébé, elle devait faire un ménage rapide dans toute la maison, et une pièce à fond, pour être prête à préparer le déjeuner de midi quand Françoise rentrerait avec les vivres. Celle-ci devait donc maintenant prendre son petit déjeuner et s’habiller ; puis, ayant mis ses gants et un chapeau dont la voilette couvrait son fin visage discrètement fardé, elle enfourcherait son vélo pour faire les courses quotidiennes. Il commençait à faire chaud et les mets ne se gardaient pas longtemps. Le week-end s’était bien passé. Les enfants n’avaient rien dit d’inquiétant à leur grand-père. Elle les avait bien préparés. Ils avaient passé la nuit chez sa cousine Denise Lévy et elle les y avaient laissés pour retourner rue le Marois voir ses beaux-parents. Le malade était encore plus pâle et émacié que la veille. Françoise fut très choquée quand Alice envoya Clotilde chercher un prêtre pour lui donner l’extrême onction. Louis se saurait donc condamné ! Il n’était pas croyant et ne pénétrait dans une église que pour un baptême, un mariage, ou un enterrement. Pourquoi ce rite barbare ? Alice, c’est vrai, croyait dur en Dieu, la vie éternelle et toutes ces fariboles, mais pas lui. Pourquoi lui imposer cette épreuve ? Le prêtre vint et passa un bout de temps seul avec Louis, derrière la porte close. Françoise fut bien surprise de voir combien, après sa visite, Louis semblait calmé, apaisé, prêt pour la mort qui l’attendait. Qu’adviendrait-il maintenant d’Alice et de Clotilde ? Quel dommage que celle-ci ne soit pas mariée. Si seulement elle avait été plus coquette ! Elle n’était pas vilaine, et une meilleure coupe de cheveux, un peu de fard, auraient suffi. Le pire était que quand Françoise l’invitait à dîner avec un célibataire, elle ne faisait pas d’effort pour être charmante, ni même simplement agréable. Elle semblait toujours vouloir affirmer son pouvoir, son intelligence, son égalité avec tout homme éduqué, en tant qu’ingénieur dans une usine d’électronique. Les hommes avaient besoin qu’on les flatte ; ne le savait-elle pas, ou cela lui était-il indifférent ? Elle aimait dire que la présence d’un homme lui manquait seulement quand elle ne pouvait pas ouvrir un pot de confiture ! Pour ce qui était de la pauvre Alice, presque paralysée depuis sa dernière attaque cérébrale, informe, lourde, malodorante, toujours vêtue de noir, cheveux rares et gras tenus dans une résille, que ferait-elle pendant la journée de travail de Clo, seule avec la simple Léonie pour compagnie ? Elle était intelligente et bonne, et avait été vivante et drôle dans sa jeunesse. Elle avait toujours été bienveillante envers sa bru Françoise, mais celle-ci ne pouvait pas aller tout le temps à Paris pour s’occuper d’elle ! Elle avait assez à faire à la maison. Paris, à leur retour d’Afrique, avait offert trop de tentations à leur jeune couple assoiffé de spectacles et dancings parisiens. Leurs économies fondant trop vite, Pierre avait demandé et obtenu une mutation en province. La famille habitait donc maintenant à Soissons, à trois bonnes heures au nord de la capitale. ANNETTE : Henriette a été repêchée de l’Aisne hier par des soldats qui passaient. Avait-elle fait exprès de se jeter à l’eau quand elle les avait vus ? Je suis mauvaise d’avoir de telles pensées. Pauvre Henriette ! On l’a rendue à ses parents. Mais maintenant, ça va barder à la maison. Jusqu’à ce qu’elle trouve une nouvelle bonne, maman va encore tout astiquer avec rage, et être d’humeur massacrante. Les parents sont déjà assez tendus ces temps-ci. Flo a été renvoyée de table pour se laver les mains deux fois hier soir pendant le dîner, qu’elle a fini avec un manche à balai derrière les coudes pour qu’elle se tienne droite. Quant à moi, comme je me fais gronder tout le temps, rien n’a changé ; et au moins, ici, les parents n’utilisent plus le fouet avec lequel ils me frappaient en Abyssinie ! En temps normal, quand l’un d’eux est de mauvaise humeur, l’autre est extra gentil ; mais cet été, à part peut-être quand nous étions à la Foire Internationale à Paris, ils sont tous les deux nerveux et désagréables. Cette foire était très intéressante mais je ne savais pas où me cacher quand maman a rincé la couche sale de Rizou dans le grand bassin, devant tout le monde. C’était bien mignon quand le même Rizou, indigné, montra tante Clo du doigt en s’esclaffant « Clo, clèpe » car elle avait mangé le reste de la crêpe qu’il n’avait pas finie. La mauvaise humeur générale est sans doute due à ce qui se passe dans le monde. Il n’y a pas si longtemps, les choses étaient plus calmes et si, pendant le dîner, il y avait un bon tango par exemple à la radio, les parents se levaient et dansaient, tout attendris. Maintenant, on entend les nouvelles plus souvent que de la musique, et les parents parlent sans cesse de la Pologne, des Sudètes, Hitler, l’Espagne (où on ne nous a pas laissés entrer l’année dernière, alors que nous voulions juste acheter du touron au magasin d’en face la frontière), Daladier, Chamberlain. Je ne comprends pas bien ce qui se passe, mais on sent comme un gros nuage noir qui s’approche. Je me sauve de la maison dès que je peux, et aime grimper partout. De mur en clôture, René Roy et moi vadrouillons dans toute la ville, touchant le sol le moins possible. L’autre jour, dans un terrain vague, il se passait quelque chose d’intéressant : un couple à moitié déshabillé se tenait fort, sans nous voir, en se contorsionnant et poussant de gros soupirs. Je pense que c’est comme cela qu’on fait les enfants. Du coup, René m’a demandé s’il pouvait m’embrasser. Je lui ai permis d’embrasser le bout de mes nattes. Au lycée, certaines filles de ma classe ont déjà des petites poitrines qui pointent, alors que je reste plate comme une planche à pain. Y a-t-il des remèdes ? des pommades peut-être ? J’attends aussi mes règles, comme maman m’a expliqué. J’ai parfois des crampes, et maman me donne une bouillotte chaude, mais rien n’arrive. Zut, et zut ! Flo est trop petite, trop bête, et surtout trop peureuse, elle n’ose rien faire ! Et Rizou, encore plus petit, est mignon, mais maman s’intéresse trop à lui. Je me demande si les mères préfèrent toujours leurs bébés, surtout s’ils sont des garçons. |
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