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L'alcoolisme : témoignages L'alcoolisme est une dépendance répandue dans la population générale mais au-delà des chiffres, au-delà des pourcentages, existent des humains qui le vivent tous les jours soit directement, soit indirectement parce qu'ils sont des proches. L'objet des témoignages qui vont suivre est de rendre justice à celles et ceux qui subissent dans leur chair et dans leur vie quotidienne ce fléau. Il suffit de leur donner et parfois de leur rendre la parole. Laurent a disparu en 2007 alors qu'il avait prouvé avoir maintenu à distance sa maladie, et son décès n'a rien à voir avec l'alcoolisme. Je lui avais demandé de me fournir un document pour que nous puissions au sein de Vétos-Entraide montrer combien nous respectons à la fois les personnes victimes de l'alcoolisme, mais aussi les personnes victimes physiquement et moralement de l'attitude des individus alcooliques. C'est sa compagne Véronique qui m'a fourni ce document que Laurent n'avait pas eu l'opportunité de m'envoyer. J'ai ensuite sollicité Véronique pour témoigner du combat de Laurent. Avec gentillesse et compréhension, elle y a vu l'opportunité de rendre hommage à Laurent et puis de pouvoir tendre la main à d'autres personnes en toute humanité. Ces témoignages sont des compléments vivants aux données que vous trouverez sur le site par ailleurs traitant des addictions. Ils sont aussi des mains tendues vers celles et ceux qui sont victimes de l'alcoolisme. Laurent m'avait dit : « quand je serai stable, je veux en tant que vétérinaire servir à d'autres vétérinaires ET à leurs proches, et je te propose mes services au cas où vous voudriez établir un contact confiant pour des situations que vous rencontrez à Vétos-Entraide ». Je regrette qu'il ne soit plus là parce que par ailleurs c'était un vétérinaire très doué, une personne de cœur et il aimait le travail d'équipe. Par ailleurs, il désirait réparer toutes ses erreurs étant conscient que cela ne pourrait être que partiel. Je pense aussi aux proches des personnes alcooliques qui ont été victimes parce qu'ils ont tout perdu, parce qu'ils ont été maltraités. C'est aussi pour eux qu'il est nécessaire d'agir, de tendre la main et d'aider la personne malade à redevenir la personne qu'ils aimaient. C'est eux qu'il faut aussi aider pour qu'ils se protègent, pour qu'ils préservent l'avenir, pour que des enfants notamment ne soient pas durablement touchés ou brisés, et qu'ils puissent reconstruire ou rétablir s'ils le veulent, s'ils le peuvent la liaison avec la personne malade ou abstinente. Thierry Jourdan, président honoraire de Vétos-Entraide. Document de Laurent sur l'alcool L'utilisation pour son goût et pour ses effets de l'alcool est ancestrale. L'alcoolisation peut être modérée ou massive, peu fréquente ou chronique (répétition, continuité). Dans le cas de l'alcoolisation massive, les effets secondaires physiques, psychiques ou sociaux, peuvent être sans importance (sommeil profond) ou très grave (violence envers les autres ou soi-même, conduites à risque telles que danger sur la route ou sexualité non protégée). L'alcoolisation chronique est plus pernicieuse car elle entraîne une quantité massive de personnes (4 à 6 millions de buveurs excessifs dont 1 à 2 millions d'alcooliques en France) vers des effets secondaires physiques, psychiques ou sociaux quasi systématiques. Le statut d'alcoolique est dénié car assimilé à une faiblesse que l'on préfère occulter ou justifier (le « bien vivre », la convivialité, l'alcoolisme mondain). L'apparition de la conduite alcoolique est poly factorielle (prédisposition génétique, mal-être psychique souvent d'origine infantile, événement de vie déclenchant). Les conséquences de l'alcoolisme sont :
Au plan purement technique, l'individu devenu alcoolique ne peut redevenir « non » alcoolique. Autrement dit, il ne pourra plus jamais être un consommateur « normal » c'est-à-dire modéré et peu fréquent, et ceci à de très rares exceptions près. NB : L'une des problématiques du malade alcoolique est de se sentir exclu de ce schéma par une attitude de déni et donc par définition d'être la « très rare exception près ». Le contact avec la molécule « alcool » provoque chez le malade alcoolique l'apparition dans le sang de tétra-hydro-papavéroline (T.H.P.) ; la biotransformation d'alcool en T.H.P. instaurée est définitive. Si l'on n'est pas alcoolique alors la consommation modérée d'alcool est possible; si on le devient, alors une consommation modérée sera impossible. Le traitement passe donc par l'arrêt de toute consommation d'alcool. La démarche de base passe par le dialogue auprès :
NB : certaines associations comme les A.A. offrent des réunions dites «ouvertes» (informations sur les horaires de ces réunions par simple appel téléphonique anonyme), au cours desquelles toutes personnes, qu'elles soient ou non alcooliques, peuvent assister à la réunion et rester muettes si elles le désirent). La démarche peut être associée à d'autres thérapies : du simple sevrage hospitalier de moins de 10 jours à la cure de durée variable (moins d'un mois à plus de 6 mois selon les centres et les individus) au C.A.L.M.E, à Malvau, au centre de la Membrolle sur Choisille... Au cours de ces cures un mélange d'activités est souvent réalisé : réflexions psychologiques sur soi, sur l'alcool, activités physiques, relaxation, sophrologie, acupuncture, traitement médical (oligoéléments, neuroleptiques, normothymiques, antidépresseurs), variables selon les personnes et qu'il faut bien se garder de s'auto prescrire. Conclusion L'acceptation de son problème avec l'alcool est fondamentale, plus la démarche est rapide, franche et directe, plus elle sera efficace, mais il n'est jamais trop tard pour se décider à essayer d'aller mieux. L'alcoolique pratiquant se ment et ment aux autres pour tenter de faire croire qu'il n'a pas de problème ; mais il en a un et c'est une réelle maladie qu'il peut accepter sans honte pour vivre une abstinence heureuse. Alcoolisme - témoignages d'un proche : Véronique Discussions avec Laurent « Voici une liste d'idées (non exhaustive, loin s'en faut !) qui m'est venue à l'esprit : elle est très incomplète et représente surtout ce dont nous parlions souvent Laurent et moi : - L'alcool peut être pris au départ pour désinhiber dans un contexte social - Pour éviter les symptômes de manque (par exemple le matin), on reprend de l'alcool et le cercle vicieux s'instaure. - Quand on est en manque, il y a une obsession telle que l'on peut perdre beaucoup de temps à rechercher des substances (alcool ou médicament produisant les mêmes effets ou même Kétamine qui permet de "s'anesthésier" pour ne plus penser) - Perte de la clarté des diagnostics, donc perte d'efficacité dans le milieu professionnel. - Peur des réunions ou des cocktails à cause des tentations: pour y remédier, au risque de paraître inconvenant, on peut prendre un verre de jus de fruits à la main: les mains ainsi "occupées", personne ne proposera autre chose ! - Risque de se faire retirer son permis de conduire: problème pour les déplacements (surtout pour la pratique rurale) à moins d'avoir un chauffeur à disposition!!! - Désocialisation : arrêt des activités de loisir mais aussi perte de confiance des clients vis-à-vis de leur vétérinaire ; les malades ont souvent l'impression que "ça ne se voit pas" mais leur réputation est vite dégradée. - La prise d'alcool peut donner l'impression (à une certaine dose) d'être un "Superman" capable de diriger beaucoup de personnes à la fois ou de faire plusieurs choses en même temps, d'être hyperactif : c'est illusoire et ne dure qu'un court instant, vite rattrapé par le manque ou l'ivresse plus accentuée." J'ai omis trois éléments dont Laurent me parlait très souvent: la faim, la solitude et la fatigue, trois situations où la prise d'alcool semble favorisée : La faim : essayer de n'être jamais dans cette sensation qui ressemble à un manque, et donc avoir toujours de quoi grignoter. Ne jamais arriver à un apéritif ou un cocktail sans avoir un peu mangé : ainsi, on ressentira moins le besoin de prendre de l'alcool. La solitude : je parlerais plutôt d'isolement car les moments de solitude peuvent être importants... et constructifs, sauf s'ils sont trop souvent répétés ! Tenter donc d'éviter cet isolement en se forçant par exemple à voir du monde, à sortir de chez soi, ne serait-ce que faire un tour en ville! La fatigue : c'est l'élément qui me semble le plus difficile à gérer chez les vétérinaires. En cas de garde, de nuit par exemple, le sommeil est si léger (et parfois inexistant) que la fatigue arrive très vite, et pour y remédier, la tentation est grande de prendre un « dopant ». » Le quotidien avec Laurent « Mon compagnon était malade alcoolique. Il est décédé alors qu'il était abstinent depuis plusieurs mois. Quand je l'ai rencontré, je ne connaissais rien de cette maladie, je ne savais même pas qu'il était malade : je m'en suis aperçue au bout de quelques mois, et je me dis souvent que j'aurais dû partir en courant ! Seulement voilà, j'avais eu le temps de l'aimer suffisamment fort pour avoir envie de rester et de l'aider. La première chose à faire était d'admettre la maladie : pour moi, il était déprimé, la suite d'un divorce difficile en était la cause. Je ne sais pas si je ne voyais pas ou si je ne voulais pas voir qu'il était dépendant de l'alcool: quand il allait se coucher dans la journée, je pensais que ses médicaments étaient trop forts ou bien qu'il voulait dormir pour oublier ses problèmes; je ne voyais pas la quantité d'alcool qu'il prenait. Il se cachait de moi, mais aussi j'en suis persuadée, de lui : c'était une façon de ne pas s'avouer son problème d'alcool. Seulement, il y avait sa clinique. Il appelait sa secrétaire en demandant d'annuler ses RV, il invoquait n'importe quelle raison. Mais à force de répéter trop souvent ses absences, et devant des diagnostics peu sûrs voire erronés, son associé, très complaisant jusque-là, lui a demandé de vendre ses parts de la clinique. Nouvel échec ! Nouvelle raison de boire ! Il a fallu trouver des raisons suffisamment importantes à ses yeux pour qu'il admette de se soigner et de prendre les mains que les soignants lui tendaient. Un grand cap était franchi : admettre la maladie est déjà une étape très importante! Mais on ne voyait pas encore le bout du tunnel : le chemin est semé d'embûches. Surtout ne pas se décourager. J'ai frappé à beaucoup de portes: du service des urgences de l'hôpital à l'hôpital psychiatrique, des associations d'alcooliques aux centres de cures, des sites Internet aux diverses publications, nous avons cherché ce qui pouvait nous renseigner le mieux. Il fallait que je me renseigne pour moi et pour lui, mais il fallait surtout qu'il se prenne en charge sans le faire pour moi : je n'ai pas été son infirmière ni sa garde-malade : j'étais sa femme et seul mon amour pour lui pouvait l'aider. Je suis allée à un groupe de parole au CCAA (centre de cure ambulatoire en alcoologie) réservé aux proches : j'ai appris beaucoup de choses au contact des autres, et cela m'a permis de comprendre qu'il fallait que je le laisse faire, qu'il était le seul à décider de son avenir, que je pouvais simplement parler avec lui, lui montrer mon amour afin qu'il sache que je serai là quand il déciderait de se soigner. Ce que j'ai essayé de faire ! De son côté, il a décidé d'aller aux AA (Alcooliques Anonymes), formidable association très compréhensive composée de malades désireux d'arrêter de boire ou de malades abstinents. À force de parler, nous nous sommes mutuellement proposés d'aller rencontrer l'association de l'autre: de mon côté, il y avait un groupe de paroles pour les malades et l'entourage, de son côté il y avait une réunion par mois dite « ouverte » à qui est concerné de près ou de loin à un problème d'alcool. La confiance était gagnée. Tous les mois nous allions à cette réunion des AA où les malades peuvent s'exprimer sur un thème qui leur est proposé: je comprenais enfin que mon compagnon n'était pas seul, que ses réactions étaient « normales », que mes réactions étaient elles aussi normales ! Une cure de sevrage, puis le début d'une deuxième. A chaque fois, une nouvelle marche était gravie et il fallait garder confiance. Au sortir de la seconde cure (un mois sur trois prévus), il m'a dit : « ne t'inquiète pas, j'ai encore compris des choses, c'est une nouvelle étape », et j'ai répondu « j'ai confiance en toi » ! Alcool, médicaments, nous étions repartis, je crois encore plus bas. Et les soignants disaient : « il n'a pas touché son fond! ». Soit ! Attendons la prochaine étape. D'après lui, le « déclic » que tout le monde attendait a été un début de douleur dans les pieds (probablement une polynévrite) : il a eu peur et, seul, il a décidé de suivre une cure de sevrage à l'hôpital (10 jours). Comme l'hôpital ne pouvait le recevoir qu'une semaine après, il a décidé de s'arrêter seul, avant de se faire hospitaliser, si bien que l'hôpital ne fut là que pour l'entourer après le sevrage et lui donner les consignes pour poursuivre sa démarche. Et pendant tout ce temps, nous avons parlé, parlé, toujours dans la confiance, la tendresse et le partage. Mais tout n'a pas été rose : il y a eu des moments de doute, de colère, l'envie de capituler. Et un seul sourire suffisait à nous redonner du courage. Le jour de Noël, nous avons eu, ses parents et moi, une petite carte indiquant « ça fait 34 jours»! Quelle fierté, pour lui, et pour nous ! Nous avions raison d'avoir confiance en lui. L'alcool est sournois. Il ne laisse jamais tranquille ses victimes. Il faut continuellement s'en méfier, être vigilant à tout moment. Les seuls atouts dont il faut se munir sont la patience, la confiance, l'amour et la communication. » Véronique L'abstinence et ses pièges « Au cours des conversations que j'ai eues avec Laurent, il a particulièrement insisté sur tous les éléments auxquels un non-alcoolique ne peut comprendre grand chose. Ces éléments sont liés à une perception suraiguë de tout ce qui est alcool ou substitut d'alcool. Par exemple, les fêtes de fin d'année au-delà des boissons, toutes les sauces, les flambages, les chocolats parfumés sont à proscrire. Les baumes après rasage et parfums seront donnés ou jetés. Dans l'exercice quotidien professionnel, la présence de l'alcool en tant qu'antiseptique sera substituée. Toutes les molécules utiles ou indispensables à l'exercice et pouvant induire des tentations seront répertoriées, feront l'objet d'un inventaire et d'une traçabilité rigoureuse. Il s'agit donc d'une démarche prosaïque inventoriant dans le milieu privé et professionnel toutes traces d'alcool à l'instar des précautions que l'on prend pour les personnes allergiques alimentaires. La pression sociale est aussi un grand piège et Laurent insistait sur le fait qu'il ne faut pas hésiter à parler de l'abstinence et donc de sa maladie ». 30 Janvier 2008 |
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