I.« L’enronite » : le nouveau fléau financier Au cours de l’année 2002, le monde financier a rencontré une phase critique importante. De nombreuses sociétés, principalement américaines, se sont placées sous la loi sur les faillites afin de pallier à une situation financière déficitaire. En effet, des entreprises, telles que Enron, Worldcom, Time Warner, … ont été (ou sont) suspectées de pratiques comptables frauduleuses. Elles auraient profité des failles du système comptable américain, notamment en terme de consolidation, pour camoufler, voire détourner, des montants importants de leur cadre légal. L’affaire la plus retentissante en ce domaine ayant été « le dossier Enron ». Elles auraient également abusé des failles juridiques avec le Chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, donnant aux sociétés une chance de s’en sortir, peut-être un peu trop facilement. En France, la faillite d’une entreprise signe quasi-systématiquement son « arrêt de mort » ; le Tribunal d’instance se charge du dossier, envoie des administrateurs enquêter sur les raisons qui ont poussé la dite entreprise à déposer le bilan pendant que le groupe « met la clé sous la porte ». Dans le monde des affaires américaines, le Chapitre 11 est devenu une formalité administrative qui donne aux faillites d’entreprises un air de routine et la porte ouverte à une prise de risques inconsidérés. Une étude menée par l’école de commerce de Harvard met en avant le recours répétitif au Chapitre 11. Certaines entreprises américaines semblent y prendre goût et multiplient les pourvois devant le Tribunal des faillites, où elles ont la garantie du gel de leurs créances antérieures, doublée d’une chance d’en sortir grandies. Les exemples de recouvrement spectaculaire après le recours à cette procédure alimentent le mythe ; Continental Airlines, Macy’s, le géant du pétrole Texaco ou plus récemment Enron, y ont eu recours et nombreux ont été ceux qui enregistraient ensuite des résultats largement supérieurs.
A.Quelques exemples 1.Enron La société Enron, localisée à Houston au Texas, est née en 1985 de la fusion de 2 entreprises de transport de gaz : Houston Natural Gas et Internorth. Gérée à l’époque par Kenneth Lay, cette firme a rapidement étendu ses activités aux Etats-Unis puis dans le monde. Elle s’est ensuite diversifiée en organisant du trading (notamment dans le domaine de l’électricité et du gaz permettant le développement du courtage de ces énergies). On estimait que Enron était la 7ème plus grosse compagnie des Etats-Unis. En 2000, Wall Street qualifiait cette société de n° 1 mondial du trading sur le marché de l’énergie, du fait d’une hausse spectaculaire de l’action de 90 % avec un CA de plus de 100 Mrd 1 $. Mais la croissance d’Enron fut brève. En effet, la Californie est plongée depuis environ 2 ans dans une crise énergétique et le trading est devenu une activité extrêmement risquée sur le plan financier.
C’est le 16 octobre 2001 que la défaillance d’Enron s’est révélée. Cette chute est principalement due à l’annonce d’une provision de 1 Mrd $, mise en place suite à la baisse de la valeur des investissements d’Enron. De plus, environ 15 Mrd $ de dettes, ayant servi à financer l’activité de l’entreprise, semblent avoir été omis de la comptabilité de l’entreprise. Près de 1,2 Mrd $ du capital de la société aurait disparu du bilan du fait d’une mauvaise gestion et de nombreuses transactions frauduleuses. De nombreuses règles comptables semblent ne pas avoir été respectées, sans que le cabinet d’audit Andersen s’en aperçoive. Pour Carl Levin 2, les principaux établissements bancaires en relation avec Enron étaient parfaitement au courant des subterfuges utilisés pour masquer les pertes. JP Morgan-Chase et Citigroup, les deux banques les plus exposées, ont fait à la fois office de conseils et de prêteurs pour le groupe.
Le principe, complexe, consistait à faire apparaître des prêts comme des opérations de courtage de matières premières. Cela aurait été le cas en 1999, J.P Morgan Chase aurait alors permis à Enron de masquer une perte de 125 M $ 3. Citigroup, dont les responsables continuent à affirmer que les montages d'Enron étaient légaux, a perdu plus de 45 Mrd $ de capitalisation boursière en moins de deux jours. De son côté, J.P. Morgan est suspecté d'avoir contribué à la dissémination du montage auprès d'autres sociétés, ce qui a coûté la chute de son cours en bourse. Au total, cette "créativité comptable" aurait permis à Enron d'obtenir, sur six ans, 4,8 Mrd $ de Citigroup et 3,7 Mrd $ de J.P. Morgan. La défaillance d’Enron est considérée comme la plus retentissante de l’histoire des Etats-Unis. C’est en décembre 2001 que Enron s’est placé sous la protection de la loi sur les faillites afin de préserver son capital et d’essayer de rétablir la confiance de ses partenaires pour rembourser ses créanciers.
2.Worldcom Worldcom est un fournisseur mondial de services Internet et télécoms pour les entreprises. Cette société implantée dans 65 pays propose aux PME comme aux multinationales, des services (téléphone, télécopie, réseaux privés virtuels (VPP), IP et l'hébergement de sites Web) leur permettant d’accroître leur efficacité. Spécialiste de la communication numérique, il est un acteur mondial majeur sur ce marché. Les services de télécommunications fournis représentent les trois quarts du marché mondial, de l’ordre de 800 Mrd $. WorldCom a été le premier opérateur à créer un réseau de communications à hauts-débits dans toute l’Europe, combinant des réseaux locaux et internationaux. La stratégie commerciale de la société couvre 70% du marché professionnel européen. Le marché des télécommunications de la région Asie-Pacifique est évalué à 152 Mrd $ et la société dispose de la couverture la plus importante de cette région. Le marché des communications en Amérique du Sud représente 63 Mrd $, avec une croissance annuelle que l’on estime à approximativement 12 %. Il est le premier fournisseur d’accès Internet en Amérique.
Malgré sa présence mondiale, Worldcom a lui aussi été touché par le fléau. Le géant américain des télécommunications, est considéré comme la plus grosse faillite de tous les temps, sur le plan financier, avec 100 Mrd $ d’actifs et 30 Mrd $ de dettes. Sa chute a suivi celle d’Enron mais le montant de la fraude déclarée est beaucoup plus important puisque l’on parle de 9 Mrd $. Cependant, l’affaire a été moins éclatante qu’Enron du fait qu’elle n’occupait pas la même place dans le monde de la finance et du management. De plus, la fraude a été qualifiée de plus classique. En effet, cette dernière a consisté d’une part à comptabiliser des coûts de lignes téléphoniques, non en dépenses courantes mais en investissements et d’autre part à gonfler artificiellement les réserves et ainsi les résultats. Afin de se protéger, Worldcom s’est également placé sous la loi sur les faillites.
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