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![]() www.comptoirlitteraire.com André Durand présente ‘’L’hiver de force’’ (1973) roman de Réjean DUCHARME (340 pages) pour lequel on trouve ici l’examen de : l’intérêt documentaire (page 2) l’intérêt psychologique (page 15) l’intérêt philosophique (page 39) la destinée de l’œuvre (page 43) (la pagination est celle de l’édition originale) Bonne lecture ! Intérêt documentaire ‘’L’hiver de force’’, roman réaliste sinon naturaliste, le banal ayant une emprise paradoxale sur l’écriture de Ducharme, s’emploie à rendre avec précision le bric-à-brac de la vie courante à Montréal, au Québec, au début des années 70, ce qui fait que nous sommes assaillis d’une pléthore d'informations. André et Nicole vivent à Montréal, avenue de l’Esplanade, en bordure du parc Jeanne-Mance (pages 34, 57, 130 [où est même mentionné, qui passait sous l’avenue du Parc, «le petit tunnel verdâtre où des paranoïaques ont dessiné des croix gammées, des bommes ont craché des morceaux de poumons, pissé, chié, des enfants (des stails, des flaux) ont lancé (pitché, garroché) des bouteilles qui ont volé en mille miettes»] 182 [où est mentionnée, située à l’angle de l’avenue du Parc et de la rue Mont-Royal, «la fontaine Rubenstein» (ainsi nommée en l’honneur de Louis Rubenstein, patineur artistique qui s’est illustré au XIXe siècle). André et Nicole font donc face au flanc est du mont Royal, qui n’est cependant guère mentionné qu’à quelques occasions : «Entre les rues Duluth et Mont-Royal, cinquante vieilles maisons s’épaulent pour endiguer le bassin de nature déversé par la montagne» (page 34) - «la montagne lisse et nue» (page 26) - «la croix luit sur la montagne» (page 118), car ces prétendus amants de la nature s’en détournent. Ils sont attirés par le quartier du Plateau (page 25), qui s’étend à l’est. Ils y parcourent la rue du Mont-Royal (page 20), où ils fréquentent des bars (le ‘’Café 79’’ [pages 19, 53] ou le ‘’Thalassa Bar’’ [page 25]), la ‘’pharmacie Labow’’ (page 40), la ‘’Tabagie Reynald-Perrreault’’ (page 142), le ‘’Whimpy’s’’, un casse-croûte (page 123), ce qui donne lieu à tout un paragraphe consacré aux propos qu’y tient un chauffeur de taxi. Il est question du restaurant ‘’Chez Rachel’’ qui livre des pizzas (page 82), du «Laval Bar-B-Q» (page 102) de la rue Laval, de l’hôpital qu’est l’Hôtel-Dieu (page 25), du parc Lafontaine (page 53), de la rue Rachel (page 53), du boulevard Saint-Laurent (page 53), de la rue Marianne (page 55), de la rue Berri (page 68), de «la caserne des Royal Grenadiers» (page 145), du boulevard Saint-Joseph. Est mentionnée la ‘’Plaza Saint-Hubert’’ (page 128), rue commerçante de l’Est de Montréal. Ils descendent parfois en ville. Ils prennent le métro (page 74), aboutissant ainsi au ‘’Honey Dew’’, un casse-croûte de la station Guy (page 30), passant par l’«United Cigare Store» (page 30), «la Quincaillerie Pascal» (page 34), «un étal de motos Honda» (page 35), allant jusqu’au ‘’Forum’’, où l’équipe de hockey ‘’Les Canadiens’’ connut ses grandes heures de gloire dans les années 1950 et 1960 (pages 35, 237). Ils se rendent aussi rue Craig et non «Graig» (pages 109, 158) où se trouvent des «voleurs sur gages» (en fait, des prêteurs sur gages), à ‘’la pharmacie Montréal’’ (page 226) rue Sainte-Catherie est, et même, partis à la recherche des pilules dont Catherine a besoin, jusque dans le quartier lointain du sud-ouest de la ville qu’est Saint-Henri (page 196). Situé au contraire au nord de la ville l’Institut Prévost, qui est évoqué page 152, est un établissement psychiatrique où pourraient aboutir les Ferron à force de sonner à la porte de Catherine comme des détraqués. Ils prennent aussi l’autobus : le «51» (page 123), et parfois des taxis, dont l’une de leurs réelles compagnies, ‘’Taxi Diamond’’, est même nommée (page 26). Ils se rendent ainsi à Dorval, c’est-à-dire l’aérodrome international de Montréal. Leurs employeurs les obligent à se rendre dans l’Est, les ‘’Petites Éditions’’ étant sises «à deux pâtés de maisons de la station Frontenac» (page 68), au coin de «Frontenac et Sainte-Catherine» (page 122), l'’’Imprimerie Mondiale’’ étant plus loin encore, «dans le bout de Ville d’Anjou» (page 60) où se trouve «la luncheonette du Dominion Supermarket des Galeries d’Anjou» (page 111). Leurs affections les tirent à l’Ouest. Pour aller chez Laïnou, il leur faut passer par Côte des Neiges, où ils vont même un jour vomir même «derrière le Christian Science Temple» (page 198), par le Boulevard, traverser «toute la cité de Westmount», atteindre enfin le quartier de Notre-Dame-de-Grâce dont sont mentionnés l’avenue Draper (où elle habite), la rue Marsil, la Côte Saint-Antoine, la rue Monkland (avec son «DELICATESSEN» [page 210]). Catherine habite le quartier huppé qu’est Outremont, où on trouve la Côte Sainte-Catherine, la rue Bernard («où que c’est juif et que ça bouge» [page 177], le quartier étant en effet habité par de nombreux hassidims), la «si chic» (page 178) rue Dunlop, le parc Lyndon-Johnson (en fait, le parc Pratt, tandis que le Cupidon, qu’y place Ducharme, orne le parc Outremont). L’Oratoire Saint-Joseph, lieu de pélerinage où Catherine s’est vue, dans un rêve, se marier «toute nue» (page 59), n’est pas loin. .Avec elle, ils s’aventurent dans des bars ou des restaurants en vogue dans l’élite intellectuelle : «Le Chat noir», «La Petite Hutte», «Chez son Père» (page 128), surtout «l’Accrochage», «l’Accroc (pour dire comme les habitués)» (page 46, 73, 186-188, 192 où tout un tableau est fait de cette «vitrine» pour artistes du boulevard Maisonneuve). Avec Laïnou, ils vont «chez Moishe», restaurant très cher du boulevard Saint-Laurent (page 209). Ayant pris, avec Catherine, l’autobus de Dorval à Montréal, ils aboutissent au Terminus de l’Est (page 226). Puis, un autre autobus les conduit à l’île Bizard (dont un tableau précis est donné [page 236 et suivantes]) qui, baignant dans le lac des Deux-Montagnes (page 237), est accolée à l’extrême ouest de l’île de Montréal, près de Sainte-Geneviève (page 238, village où on peut douter qu’il s’y trouve de «petites boîtes» [page 257]). Mais la paroisse Notre-Dame-du-Bord-du-Lac (page 262) est une fiction. Il apparaît bien que Montréal est une ville divisée entre une partie francophone et une partie anglophone. Les Ferron ont conscience de ces facteurs linguistiques et des disparités entre les deux groupes culturels, donnent un aperçu du conflit entre eux ; à propos du Boulevard, l’un dit : «Les Anglais disent ze Boulevarde, ces hosties-là», et l'autre répond : «Ils ont bien le droit, c'est à eux…» (page 131). La domination économique des anglophones est marquée par : - les noms anglais des entreprises («Arena Bakeries» [page 34] - «Extermination National Chemical» [page 34] - «TV Bargains» [page 163] - «Targa Used Stoves and Ice-Boxes» [pge 164] - «Simpson’s» [page 179]) - le «marché Steinberg du East Bizard Shopping Center» (page 232) - la «boutique Right-On» (page 263) - le restaurant «Surf’n Turf’» (page 265) ; - l’utilisation des mesures anglaises (le «pied» [pages 240, 273] - le «mille» [pages 60, 120, 203] - le «gallon» [pages 127, 244, 257] - l’«once» [page 225]) ; - l’envahissement de l’anglais, «la langue des hot dogs et des milk shakes» (page 192) dans la langue des francophones ; - le mécontentement devant les «étudiants de chez Sir George [l’université sir George-Williams], pour la plupart, des adolescents longs et pâles de Pointe-Claire et Baie-d'Urfé d’Urfé [municipalités du riche West Island] qui viennent sous nos nez apprendre à nous polytechniaiser, sciencessocialiéner, hautesétuliser, et marketyriser» (page 192). On constate que vivent à Montréal de nombreux immigrants, «Grecs, Italiens, Polonais, Lituaniens» [page 34]), comme le propriétaire de la maison qu’habitent les Ferron, qui est Lituanien, «le Grec de la rue Marianne qui fait crédit» [page 55]), «l’Italien de Chez Rachel» qui a offert des «bonbons creux au whisky» (page 116). Ils ne parlent évidemment pas «le bilingue» (page 34), mais uniquement l’anglais. Sont aussi évoquées des localités ou des régions du Québec plus ou moins éloignées de Montréal : - Beloeil, au sud-est de Montréal : «L'été qu'on a passé à Beloeil : on n'errait jamais dans les champs et ne suivait jamais les sentiers de la montagne sans notre ‘’Flore laurentienne’’.» (page 254). «La montagne» est le mont Saint-Hilaire. - «Le Nord» (page 191) qui, en réalité à l’ouest, est la région de montagnes et de lacs, à une cinquantaine de kilomètres, appelée les Laurentides (page 193), très développée en infrastructures touristiques et en résidences d’été, et dont une des principales localités est Sainte-Adèle (page 193). - La Mauricie, à l’est de Montréal, d’où viennent les Ferron («notre Mauricie natale» [page 254]), qui ont passé leur enfance dans le «rang [route à l’extérieur d’un village, et le long de laquelle s’alignent des fermes] Saint-Louis de la paroisse Saint-Joseph» (page 71), de Maskinongé (à une soixantaine de kilomètres à l’est de Montréal), le choix de ce nom pouvant être un hommage à l’écrivain québécois qui est né dans le comté du même nom, et l’a chanté : Jacques Ferron, dont le nom est justement donné aux «héros». - Le lac Saint-Jean (page 77), loin au nord-est du Québec, où se rend Catherine ; - La Beauce, l’Abitibi (page 127), les étapes des pérégrinations de Poulette : «Sorel, Beloeil, Saint-Hyacinthe, Saint-Gabriel-de-Brandon, Saint-Jean-de-Matha, Lanoraie, L’Assomption» (page 228) et Lavaltrie dont vient «Sex-Expel» (page 122). On apprend encore que le Québec est couvert par le «bouclier précambrien» (page 69), roche nue datant d’une période située entre 4,5 milliards et 540 millions d'années), qu’il est, en été, envahi par les «maringouins» (page 237), qu’au printemps ou en automne les «outardes» peuvent s’abattre sur un champ «pour picorer des restes d’avoine» (page 237). Du Canada sont évoqués les «Grands Lacs» (page 72), les «Télécommunications du Canadian Pacific» (page 85) qui deviennent curieusement les «CP-CN Télécommunications» page 115, «CP» étant les initiales de «Canadian Pacific» et «CN», celles de Canadian National, les deux compagnies de chemin de fer canadiennes. André et Nicole stagnent dans un minable mais typique appartement qui est décrit avec précision : la cuisine (avec indications nettes sur la table rouge et les chaises vertes, la «cuisinière électrique L’Islet Ultramatic» [page 164] à la «lunette Perma-View» [page 165]), le réfrigérateur (un «Kelvinator», page 164), et le «salon double (c’est ainsi qu’ils désignent une chambre à coucher convertible en vivoir, c’est-à-dire un living-room dont le divan cache un lit (hyde-a-bed)» (page 33), avec son «fauteuil rouge» (page 46). Il s’y trouve aussi : - «un pick-up Telefunken» (page 31) au sujet duquel André dit :«les Hollandais c’est les meilleurs pour le son» alors que Telefunken est une société allemande et non hollandaise, tourne-disques sur lequel ils écoutent le disque de Boris Vian qu’ils se sont procurés au terme d’une longue attente avant que son prix soit «coupé», et les disques des Beattles que Catherine leur a envoyés ; - surtout, l’appareil de télévision qui en serait un de qualité : un «Admiral Cascode [sic]» qui «a enterré la New Philco de Laïnou» (page 30) - «Les Admiral des années cinquante sont des pièces de collection ; c’est tellement bien fait, si soigné comme construction, que c’est considéré comme des chefs-d’œuvre par les passionnés de ces choses-là, qu’il n’y a rien qu’ils aiment comme passer leurs week-end et leurs vacances à en démonter une et à la remonter.» (page 163). Comme on le voit, leur intérêt se porte sur les biens de consommation. Et il est curieux de constater que ce contempteur de «notre société de consommation guettée par l’acculturation» (page 178, le rapport de cause à effet n’étant en fait pas évident car l’acculturation s’est produite à toutes les époques, les plus puissants imposant leur culture aux plus faibles) qu’est Ducharme se livre à ce qu’on pourrait considérer comme un véritable placement de produits. Ainsi, André, qui ne sait même pas conduire, est pourtant fasciné par les voitures puisque sa sœur et lui marchent «en criant comme à l’encan les noms des autos stationnées» (page 20). Il remarque : la «Corvette Trans-Am» (page 20), la «Camaro Super-Sport» (page 20), la «Chevrolet Biscayne 1969» (page 26), la «grande torpédo Hispano-Suiza» vue dans le film ‘’Le blé en herbe’’ (page 31), la «Ford Torino fast-back jaune moutarde» (pages 34, 48), les «Chevrolet à bande blanche de la police d’Outremont» (page 151), la «Corvette» (page 176), «la Citroën» de Roger (page 180) qui est la fameuse D.S. 19 (page 191), la «Chevrolet» de Groleau (page 220), «la limousine Murray Hill» (page 223) prise pour revenir de Dorval (page 223), la «Mustang» de Catherine (page 224), la «Triumph» de Poulette (page 250). On s’étonne aussi de voir des gens aussi désargentés qu’André et Nicole (qui mettent leurs espoirs dans «un billet de Mini-Loto» [page 17] tandis que leur père préfère la «Super-Loto») s’offrir des cigares («panatelas Garcia y Vega» [page 18] - «Columbia […] des cigares pas fumables» [page 30] - «House of Lords» [page 72]) - «coronella Muriel» [page 247]) et, surtout, différentes boissons alcoolisées : «Faisca» (page 132, vin rosé), «rhum White Sails» (pages 16, 66), «Bloody Mary» (page 74), bière importée («Heidelberg» [pages 31, 53, 177, 271]), tandis que Roger se contente de la bière locale (il parle d’«une grosse Mol» [page 127], c’est-à-dire d’une Molson), comme, à l’île Bizard, ils se rabattent sur la Labatt (page 254). Ils achètent ces alcools à «la Régie» (page 66, «la Régie des alcools», société d’État qui avait le monopole de la vente d’alcool, et l’a toujours sous le nom de Société des alcool du Québec), mais fréquentent surtout des bars où ils s’enivrent délibérément : «Le sens de la vie c’est d’être soûl» (page 118). Au chalet, Catherine les invite à «prendre un verre à sa santé» (page 224), mais André avoue : «Les quarante onces touchent à leur fin et on ne s’est aperçus de rien» (page 225). Or, par ailleurs, en matière de nourriture, ils doivent se contenter de «fromage Kraft» (page 28, «tranché» page 115), de «pain Weston infroissable» (page 55, «tranché», «enrichi de vitamines M, A, S, T, I et C», page 115), de boissons gazeuses («Seven-Up» [page 25] - «Coke» [page 61]), de «lait hypnotisé JJ Joubert» (page 115), de beurre salé «Lactantia» (page 115), de «café décaféiné Sanka» (page 115), de beurre de «peanuts», de «chips […] Laviolette» (page 254). Ils s’étonnent d’un original (« |
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