La Recherche floue GALLEZOT, Gabriel, Université de Nice Sophia Antipolis, URFIST, I3M, gallezot@unice.fr
ROLAND, Michel, Université de Nice Sophia Antipolis, URFIST, roland@unice.fr
ARASZKIEWIEZ, Jacques, Université de Nice Sophia Antipolis, IUT Nice Côte d’Azur, Département Information-Communication, I3M, araszkie@iutsoph.unice.fr
Contexte / Introduction Dans le domaine universitaire dont on a pu croire dans un premier temps qu’il profiterait de la « révolution numérique » (bouquets numériques, open access) sans que soient remis en cause ses équilibres fondamentaux, force est de constater que la situation est plus complexe et plus contrastée[1]. Dans les outils de la recherche scientifique sont peu à peu importés des techniques, des manières et des pratiques originaires du monde spontané et foisonnant du web 2.0. Si cette importation se fait de façon désordonnée, de récents articles américains ont pointé que l’utilisation majoritaire de Google comme outil premier d’accès à l’information numérique par les étudiants n’était pas exclusive de l’utilisation d’autres outils [2]. S’il existe ainsi d’autres patterns d’organisation des procédures de recherche, encore faut-il les recenser et en évaluer l’importance et l’effectivité [3].
En conséquence, plutôt que de se focaliser sur la crise de la « littératie » qui ferait des experts en recherche d’information des sortes de gardiens du temple[4], il nous a semblé utile de reprendre le terme de « recherche floue » plus descriptif des actions des usagers et susceptible de permettre une analyse plus fine des nouvelles relations entre les outils de la recherche documentaire et leur apprentissage.
Par cette expression, nous souhaitons donc rendre compte des pratiques de recherche d’information en ligne. D’une part, des usagers désorientés par la déconstruction/reconstruction de leur univers documentaire, phénomène lié à la versatilité des services, des sources, des interfaces d’interrogation, rythmée par les rachats et les fusions d’entreprises, ainsi qu’à l’évolution des techniques. D’autre part, des usagers dont la méconnaissance des outils de recherche tend à objectiver également n’importe quel résultat : un phénomène lié à l’intelligibilité imparfaite des typologies documentaires, des techniques stochastiques et à la surcharge informationnelle. Enfin des formateurs confrontés à l’excès de netteté apparente des résultats fournis par les moteurs de recherches et à la complexité de l’apprentissage de moyens de recherches plus performants. Ainsi nous devons considérer un changement de repères ou flou sémiotique[5], une modification de l’intelligibilité ou flou cognitif et les éventuelles remédiations à un effet de « flouté » des résultats.
L’expression « recherche floue » est généralement employée pour désigner un « mode de recherche d’information tolérante vis-à-vis d’approximations ou d’erreurs (fautes d’orthographe par exemple) sur les termes de la question et/ou des documents, utilisant des techniques statistiques, phonétiques ou de reconnaissance de forme » [6]. Cette expression est la traduction de fuzzy search (ou fuzzy matching). Elle fait référence à la fuzzy logic (la logique floue) où, à la différence de la logique booléenne qui ne connaît d’autres états que vrai ou faux, la « recherche floue » traite les états avec une précision relative. Nous élargissons donc cette définition de « recherche floue » en considérant des pratiques informationnelles comprises dans une palette très large de situations de flou, entre une vision amoindrie de la réalité documentaire et une recherche aléatoire contrôlée et en y associant la notion et la fonction heuristique de la sérendipité qui nous permettra d’esquisser un nouveau paradigme.
Une étude sur les pratiques informationnelles des étudiants avancés et des enseignants chercheurs des pôles universitaires de la région Paca, pilotée par l’Urfist-Paca, est programmée pour 2008-2009. Elle a pour ambition de collecter des données permettant de reconnaître, de décrire et d’évaluer les différentes procédures élaborées dans le contexte de la « recherche floue » par ses acteurs.
Nous souhaitons donc ici, par le biais d’une observation participante au sein de stages réalisés à l’Urfist et le défrichage de la littérature sur le sujet, proposer, en amont de l’enquête, des pistes d’observation, des éléments à quantifier ou à vérifier, des faits à expliciter. Et au-delà nous tenterons d’esquisser le cadre conceptuel nécessaire à la compréhension des pratiques observées comme de leur effectivité [7].
Notre propos sera structuré autour de trois questionnements:
Les universitaires connaissent-ils les ressources disponibles en ligne (sur leur campus ou sur le web), et maîtrisent-ils les procédures d’interrogation des sources ?
La fausse évidence des interfaces d’interrogation des ressources en ligne induit-elle une perte des repères cognitifs généralement convoqués dans l’activité de recherche d’information ?
La réintroduction d’une subjectivité (d’un flou contrôlé) par des pratiques informationnelles avancées permet-elle une véritable intelligibilité des résultats de la recherche d’information ?
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