Résumé Les choix opérés en matière de défaillances conditionnent, I l’efficacité des décisions de liquidation ou de redressement, II les incitations délivrées au dirigeant en place et à ses créanciers.





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2.2. Les résultats empiriques des réorganisations formelles aux Etats-Unis et au Canada


Les données disponibles sur les entreprises en réorganisation aux Etats-Unis et au Canada (voir tableau 3, en annexe) permettent de constater la plus grande efficacité, dans l’ensemble, du système pro-créanciers canadien. Les performances réalisées dans le cadre de ces deux systèmes seront analysées selon les critères de durée des procédures, des coûts de réorganisation, des déviations de l’ordre de priorité des remboursements, des taux de récupération des créanciers, du succès des plans de redressement et des erreurs de sélection.

L’analyse des délais de procédure montre que l’adoption d’un plan de réorganisation est manifestement plus rapide au Canada qu’aux Etats-Unis. Les études américaines montrent qu’il s’écoule entre 20 et 2516 mois entre la date de défaillance et la date d’approbation du plan par la cour. Au Canada, le délai séparant la date de dépôt du plan et la date de ratification par la cour n’est que de 50 jours en moyenne, selon Fisher et Martel [1999]17. Toutefois, la durée de réalisation du plan de réorganisation est sensiblement la même dans les deux pays.

En revanche, les coûts directs de défaillance sont plus élevés au Canada qu’aux Etats-Unis. Ils représentent 22,5% de la valeur comptable des actifs au Canada pour Fisher et Martel [1999], contre 2,8% aux Etats-Unis, selon Weiss [1990]. Ce résultat pourrait surprendre dans la mesure où les coûts directs sont fortement liés à la durée de la procédure. Or la réorganisation est moins longue au Canada. Mais ceci peut s’expliquer par l’intervention, au Canada, d’un administrateur dès le commencement de la procédure, ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis18.

Une question importante sur les défaillances concerne les coûts indirects (les pertes d’efficacité économique) qu’elles suscitent. Pour Andrade et Kaplan [1998], ces coûts se situent entre 10 et 23% de la valeur de marché de l’entreprise. Leur étude porte sur un échantillon de 124 sociétés cotées aux Etats-Unis qui connaissent une situation de détresse financière (ce sont des entreprises hautement endettées) mais non économique. Les résultats soulignent la relative importance des coûts indirects. Mais, on peut se demander si ces coûts ne sont pas sous-estimés dans la mesure où l’échantillon ne comporte pas d’entreprises enregistrant des résultats économiques négatifs. Pourtant, de tels résultats peuvent notamment être le reflet de pertes d’efficacité (liées à de mauvais choix de projets ou de gestion) engendrées par l’existence de conflits d’intérêts entre dirigeant et créanciers.

Les déviations de l’ordre de priorité des remboursements constituent un indice de l’existence de coûts indirects de défaillance. Pour les éviter, les créanciers peuvent être incités à accorder des concessions dans le but de limiter les comportements opportunistes du dirigeant en détresse. Aux Etats-Unis, il existe des violations de l’ordre de priorité des remboursements dans 70% à 78% des cas pour Franks et Torous [1989] et Weiss [1990]. Certes, pour ce dernier, la priorité tient dans 92% des cas pour les créanciers sécurisés, mais elle est violée de manière quasiment systématique pour les créanciers non sécurisés. Eberhart, Moore et Roenfelt [1990] mesurent un taux moyen de déviations de 7,6% de la valeur totale des droits remboursés ex-post, les déviations pouvant représenter jusqu’à 35% de ceux-ci19. Au Canada, comme l’explique Martel [1999], les créanciers sécurisés ont la possibilité de se soustraire à l’application du plan de réorganisation (ce qui leur donne un important pouvoir de négociation) et les créances seniors doivent légalement être intégralement remboursées dès l’approbation du plan par la cour. Aussi, ces deux catégories de créanciers sont peu susceptibles d’accepter des déviations de l’ordre de priorité des droits. Il n’existe pas de données sur les déviations pouvant toucher les créanciers juniors au Canada.

Une question importante pour juger de l’efficacité d’une procédure concerne le taux de récupération des créanciers. Franks et Torous [1994] proposent une étude qui porte sur un échantillon de 37 entreprises en réorganisation judiciaire de taille suffisamment grande pour émettre de la dette publique. Pour eux, les créanciers récupèrent 51% (médiane) de la valeur faciale de leurs droits, toutes classes de créanciers confondues. Les taux de récupération (médiane) sont de : 80% pour les créanciers sécurisés, 86% pour les banques, 47% pour les créanciers seniors et 29% pour les créanciers juniors20. Les remboursements en cash n’intervenant qu’à hauteur de 29% de la valeur faciale de la dette, le reste des paiements est évidemment suspendu à la réussite du plan de réorganisation.

Fisher et Martel [2000] étudient un échantillon plus large comprenant 393 entreprises en réorganisation. Seulement dix d’entre elles émettent des actions sur le marché des capitaux. Les créanciers ordinaires sont remboursés à hauteur de 30% (médiane) de la valeur faciale de leurs droits, selon les termes des plans de réorganisation. 90% des paiements sont échelonnés dans le temps. Les données canadiennes ne précisent pas les taux de récupération pour les créanciers sécurisés et seniors, mais ces catégories de créanciers sont extrêmement bien protégées par la loi, ce qui doit leur permettre de récupérer leurs créances. En revanche, les créanciers juniors, comme aux Etats-Unis, supportent plus fortement les coûts de réorganisation dans la mesure où leurs créances perdent environ 70% de leur valeur.

La question de la réussite du plan de réorganisation est fondamentale, d’une part, pour juger de l’efficacité de la procédure, d’autre part, en raison du fait que la majeure partie des remboursements des créanciers en dépend. Fisher et Martel [1999] trouvent que les créanciers non sécurisés acceptent 75% des plans de réorganisation proposés. La cour confirme 93% d’entre eux. Par conséquent, 70% des plans proposés sont entérinés par les créanciers et la cour. Par ailleurs, 72% des plans mis en œuvre conduisent à un remboursement des créanciers conforme aux engagements pris au préalable. La probabilité de réussir une réorganisation judiciaire, pour une entreprise canadienne en détresse, s’élève donc à 50%. Aux Etats-Unis, Hotchkiss [1995] trouve que, parmi les plans mis en œuvre, 40% des entreprises continuent à subir des pertes d’exploitation trois années plus tard. 32% des entreprises émergeant d’une première procédure de réorganisation doivent en entamer une seconde, dans un délai moyen de 46 mois. Ce résultat est à comparer aux 28% d’entreprises canadiennes ne respectant pas la mise en œuvre du plan de réorganisation. La procédure de réorganisation canadienne, bien que donnant moins de pouvoir au dirigeant en place, ne semble pas pour autant obtenir de moins bonnes performances.

Certes, pour Hotchkiss [1995], le fait que près du tiers des entreprises réorganisées connaît une seconde procédure de sauvetage permet de suspecter l’existence d’un bais de sélection en faveur d’entreprises non viables. Fisher et Martel [1999] proposent une comparaison des systèmes judiciaires américain et canadien sur ce sujet. Ils trouvent que les chances de réorganiser une entreprise non viable21 sont plus grandes au Canada qu’aux Etats-Unis. Au Canada, la probabilité de procéder à ce type d’erreur excède 44%, alors qu’elle dépasse 10% aux Etats-Unis22. Il semble donc qu’il existe plus de risque de commettre des erreurs de Type I au Canada qu’aux Etats-Unis. Ce résultat est surprenant dans la mesure où on pourrait a priori s’attendre à ce qu’un système pro-débiteur produise plus de réorganisations inefficaces qu’un système pro-créanciers. Par ailleurs, les chances de liquider une entreprise viable sont plus importantes aux Etats-Unis qu’au Canada. Elles se situent entre 0% et 91% dans le premier pays et entre 0% à 28% dans le second. Le risque de commettre une erreur de Type II serait donc plus faible au Canada qu’aux Etats-Unis. Ce résultat aussi est surprenant car on pourrait a priori s’attendre à ce qu’un système pro-créanciers conduise à plus de liquidations inefficaces qu’un système pro-débiteur.

Une explication de ces phénomènes pourrait être la suivante : une loi jugée trop clémente envers l’entreprise en difficultés aurait comme conséquence une attitude plus dure ex-post des créanciers, au moment d’accepter ou de rejeter le plan de réorganisation, de manière à compenser le manque de sévérité de la loi. En développant une réputation de sévérité ex-post, les créanciers donneraient des incitations au dirigeant à bien se comporter ex-ante. Ceci expliquerait pourquoi le système pro-débiteur américain donnerait lieu à moins d’erreurs de Type I et à plus d’erreurs de Type II. Au contraire, face à une loi jugée suffisamment protectrice de leurs intérêts, les créanciers pourraient faire preuve de plus de mansuétude dans leur décision d’acceptation ou de rejet du plan de réorganisation. La loi se montrerait suffisamment sévère pour qu’ils introduisent un peu de clémence ex-post. Au Canada, si le plan de redressement n’est pas correctement mis en œuvre par le dirigeant en place, les créanciers peuvent compter sur la protection de la loi et sur la rapidité du système judiciaire pour faire valoir leurs intérêts. C’est pourquoi le système pro-créanciers canadien occasionnerait plus d’erreurs de Type I et moins d’erreurs de Type II.

En résumé, le système pro-créanciers canadien donne globalement de meilleurs résultats que le dispositif pro-débiteur américain. Il existe peu d’opportunités, au Canada, pour imposer aux créanciers des déviations de l’ordre de priorité des droits. Les délais de conception du plan de sauvetage y sont plus courts. Ceci s’explique par le peu de pouvoir que le dirigeant en détresse tire de la loi. Seuls les coûts directs sont plus importants qu’aux Etats-Unis en raison de la présence obligatoire d’un administrateur aux côtés du dirigeant dès le début de la procédure. En revanche, les taux de récupération des différents créanciers et le taux de réorganisations réussies sont au moins aussi grands au Canada qu’aux Etats-Unis. Par ailleurs, la loi canadienne conduit à moins d’erreurs de Type II et à plus d’erreurs de Type I. Ce résultat suggère qu’opter pour un système pro-créanciers de défaillances conduit les créanciers à se montrer plus magnanimes, ce qui augmente les chances de sauver l’entreprise en difficultés.

Il semble donc qu’un système pro-créditeurs des défaillances soit plus efficace, en matière de réorganisation judiciaire, qu’un système pro-débiteur. Dès lors, on peut se demander quels résultats espérer d’une approche pro-créanciers dans l’éventualité d’une liquidation de l’entreprise en difficultés.
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