Le sort des créanciers munis de sûretés après la réforme des procédures collectives et la réforme du droit des sûretés





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Une loi en contradiction avec le nouveau droit des sûretés

Comme une illustration du manque de cohérence entre les deux législations, à peine un an après la loi de sauvegarde des entreprises, l’ordonnance du 23 mars 2006 insère dans ce qui sera le livre IV du code civil un article 2321 qui dispose que « la garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.

Le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre.

Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie.

Sauf convention contraire cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie. »

Certains membres du groupe de travail s’étaient opposés à l’introduction d’une telle définition arguant que cela ne pourrait qu’être réducteur par rapport au régime institué par la jurisprudence43. Cependant, il semble que ce régime soit consacré dans le respect des deux caractéristiques fondamentales de la garantie : l’autonomie et l’inopposabilité des exceptions. 

La contradiction marque certes les esprits mais n’aura pas de conséquences pratiques car comme nous le verrons le livre IV ne sera pas opposable aux procédures collectives.

Reste que la nouvelle place conférée aux garanties autonomes dans ces procédures va probablement inciter les créanciers à se tourner vers d’autres garanties.


  1. Les autres voies offertes aux créanciers


Aux vues des dernières avancées législatives et jurisprudentielles trois autres garanties vont s’avérer particulièrement intéressantes pour les créanciers : la lettre d’intention (1), la promesse de porte-fort (2) et la délégation imparfaite (3).

      1. Consécration de la lettre d’intention

Jusqu’à présent la lettre d’intention était généralement définie comme « un document par lequel un tiers exprime à un créancier son intention de soutenir le débiteur afin de lui permettre de remplir ses engagements44 ». Au départ la jurisprudence appréhendait ces documents ou, comme de simples engagements moraux ou alors, comme de véritables cautionnements (lorsque le tiers s’engage à payer). Puis elle a admis qu’ils pouvaient constituer un engagement contractuel de faire45.

Et, en application de l’article 1142 du code civil, l’inexécution d’un tel engagement se résoudra en dommages et intérêts, le créancier ayant simplement une charge de preuve plus ou moins lourde selon que son obligation est qualifiée de résultat ou de moyen46. En cas d’obligation de résultat la garantie sera extrêmement intéressante car, conformément au droit commun de la responsabilité, le tiers ne pourra s’opposer au paiement qu’en cas de force majeure (dans cette hypothèse la lettre d’intention se confond avec la promesse de porte fort d’exécution). A priori donc, il ne peut se prévaloir d’autres exceptions47. L’engagement est en quelque sorte autonome.

La lettre d’intention n’en est pas pour autant une sûreté au sens où on la définit car elle est d’abord et avant tout un mécanisme de responsabilité. Mais cette affirmation ne pourra être maintenue avec l’ordonnance réformant les sûretés. Celle-ci introduit un article 2322 qui dispose qu’il s’agit « d’un engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l’exécution de son obligation envers le créancier », introduction faite au sein du livre des sûretés. Un débat est né au sein du groupe de travail sur l’opportunité d’une telle introduction mais l’objectif était de bien distinguer ce mécanisme du cautionnement48. La conséquence directe en matière de procédure collective risque d’être l’obligation de déclaration de cette garantie par le créancier conformément à l’article L622-25. De plus cette définition met fin à la distinction élaborée en jurisprudence entre obligation de moyen et obligation de résultat. Mais d’autres garanties non assimilées à des sûretés restent envisageables.

      1. La promesse de porte-fort

Trois types de porte-fort doivent être distingués. Classiquement il y avait la promesse de ratification par un tiers d’une convention imparfaite ainsi que le porte-fort de conclusion où il s’agissait de promettre au bénéficiaire qu’un tiers allait conclure un contrat avec lui. Puis, sur la base de l’article 1120 du code civil, certains auteurs ont défendu l’idée, reçue en jurisprudence, qu’un autre type de porte-fort était possible : le porte-fort d’exécution49. Dans ce cas le promettant se porte fort de l’exécution d’un engagement par un tiers.

Et selon l’article 1120, si le tiers ne se conforme pas à son engagement, le porte-fort devra indemniser le créancier ce qui constitue bien une garantie mais ne peut à nouveau être qualifié de sûreté. Seule une éventuelle cause étrangère quant à l’inexécution du débiteur pouvant être invoquée, il y a encore ici inopposabilité des exceptions.

Quant à la question de savoir si la notion de garantie autonome utilisée en droit des procédures collectives doit trouver application ici, la jurisprudence semble pour le moins incertaine. Dans un premier arrêt en date du 25 janvier 2005 la Cour de Cassation a jugé que le porte-fort d’exécution avait un caractère autonome50. Mais à peine un an plus tard la chambre commerciale jugeait elle qu’il avait un caractère accessoire51. Pourtant ni l’une, ni l’autre des qualifications ne nous convainc : le porte fort ne s’engage pas à payer la dette d’autrui pas plus qu’il ne souscrit d’engagement nouveau et autonome. Nous pensons en effet, à l’instar d’un auteur que le porte fort d’exécution est en fait une garantie indemnitaire (tout comme la lettre d’intention constitutive d’une obligation de résultat) qui devrait donc conserver toute sa valeur en cas de procédure collective52.

Face à ces hésitations une dernière garantie doit être envisagée.



      1. La délégation imparfaite

Cette garantie est prévue par l’article 1275 du code civil. C’est une opération par laquelle, un débiteur, le délégant, fournit à son créancier, le délégataire, un autre débiteur, le délégué, qui s’engage envers lui. Pour que l’opération existe, le créancier doit accepter l’engagement. Lorsque celui-ci entraîne une novation, l’opération est qualifiée de délégation parfaite et n’est pas une garantie contrairement à la délégation imparfaite où le débiteur originaire n’est pas déchargé et où le créancier bénéficie donc de deux patrimoines. La délégation dite imparfaite est la plus fréquente car la novatoire suppose une stipulation expresse en ce sens.

S’agissant de l’opposabilité des exceptions, cette garantie présente un grand intérêt pour le créancier car la jurisprudence juge de façon constante que le délégué ne peut opposer au délégataire une exception qui serait née de son rapport avec le délégant53.

Et une solution récente a relancé l’attrait de cette garantie. Jusqu’à présent la jurisprudence estimait que le fait que la créance du délégant sur le délégué subsiste dans son patrimoine justifiait qu’un créancier antérieur du délégant puisse saisir cette créance au détriment du délégataire54. Cela revenait à nier l’existence même de la délégation et la volonté implicite du délégant de rendre sa créance indisponible. Mais cela n’est plus le cas depuis un arrêt rendu par la chambre commerciale le 14 février 2006 qui a jugé que « la saisie attribution effectuée entre les mains du délégué par le créancier du délégant ne peut avoir pour effet de priver le délégataire, dès son acceptation, de son droit exclusif à un paiement immédiat par le délégué, sans concours avec le créancier saisissant »55.

Cette garantie, qui peut être qualifiée de sûreté lorsque le délégué n’a pas de dette préexistante envers le délégant, est donc très efficace en cas de défaillance du débiteur. Elle ne peut, de plus, être analysée comme une garantie autonome car, même s’il y a un nouvel engagement et une inopposabilité des exceptions renforcée avec l’arrêt précité, l’obligation du délégué n’a pas la même force que celle du garant (il pourra par exemple demander des délais de grâce) 56. Le délégué ne pourra donc bénéficier des dispositions protectrices des cautions et garants autonomes.

Ainsi, hors le cas des garanties autonomes, la réforme introduite par la loi de sauvegarde des entreprises s’est globalement traduite par une amélioration du sort des créanciers titulaires de sûretés personnelles lors de l’ouverture d’une procédure collective. Mais cela reste limité par rapport à la nette revalorisation connue par les sûretés réelles.

Section 2 : Incidences sur les garanties réelles
L’amélioration de la situation des créanciers titulaires de sûretés réelles réalisée par la loi de 1994 s’est avérée insuffisante, aussi la loi se sauvegarde des entreprises est-elle à nouveau intervenue dans ce sens. Mais avant d’étudier ses avancées majeures, il convient de faire mention, même rapidement, des modifications plus minimes.

Avec la loi de 1985 était interdite après le jugement d’ouverture l’inscription de tout acte translatif ou constitutif de droit réel57. La rédaction avait été modifiée avec la loi de 1994 où l’interdiction visait les hypothèques, nantissements et privilèges mais la loi de sauvegarde des entreprises opère un retour à la formulation antérieure suite aux fraudes commises consistant à antidater les contrats de vente pour pouvoir les opposer à la procédure58.

Une réponse est également apportée aux critiques émises envers le décret de 1994 qui avait subordonné la revendication à un second délai sans lui donner d’assise légale. L’article L624-10 dispose désormais que le propriétaire « peut réclamer la restitution de son bien dans des conditions fixées par décret en conseil d’état »59.

Enfin, s’agissant du transfert de la charge de la sûreté en cas de cession, le cessionnaire n’a désormais plus la possibilité d’imposer des délais de paiement au créancier60. Mais du fait de l’insertion de la cession dans la phase de liquidation judiciaire, les créanciers devront attendre l’expiration du délai de reprise fixé par le tribunal avant de reprendre l’exercice de leur droit de poursuite individuel.61

Les nouveautés les plus remarquables restent cependant la création d’un privilège de conciliation (I) et la modification substantielle de l’ancienne priorité de paiement reconnue aux créanciers postérieurs (II).


    1. Création du privilège dit de « new money »


Déjà en 1985, la réforme avait pour but de développer la prévention pour favoriser le redressement, et c’est ce qui avait été à l’origine de la création du règlement amiable. Ce règlement amiable est devenu conciliation avec la loi de 2005 mais le squelette est resté le même.62 Il s’agit d’un accord pré juridictionnel conclu ente le débiteur et ses principaux créanciers, avec l’aide d’un conciliateur, visant à l’obtention de remises ou délais de paiements.

Malgré les avantages d’une telle procédure elle n’a pas donné jusqu’à présent les résultats escomptés du fait des dangers liés au caractère purement solennel de l’homologation de l’accord réalisé par le tribunal. Aussi la loi de sauvegarde des entreprises a-t-elle décidé de multiplier les incitations à participer à cette procédure en direction des créanciers. Dans cette optique l’innovation essentielle a été la création d’un privilège au profit des créanciers participants (B) privilège soumis à des conditions d’existence (A).


  1. Conditions d’existence du privilège de conciliation


L’article L611-11 du code de commerce subordonne la reconnaisse du privilège à deux conditions, l’homologation de l’accord conclu (1) et la fourniture d’un nouvel apport en trésorerie ou d’une nouvelle prestation au débiteur (2).

    1. Un accord homologué

Au terme de l’article L 611-8, il peut exister deux types d’accords conclus entre le débiteur et ses créanciers : un accord constaté et un accord homologué. Le constat est obtenu sur requête conjointe des parties auprès du président du tribunal et l’avantage de l’accord constaté est, outre d’avoir une force exécutoire, de ne pas être publié, ce qui permettra de ne pas effrayer les autres créanciers de l’entreprise. Cependant ce constat ne permet pas d’obtenir le privilège de l’article L611-11 et surtout il n’offre aucune sécurité juridique aux créanciers. La jurisprudence jugeant que « ni l’ordonnance ouvrant le règlement amiable, ni l’ordonnance suspendant les poursuites, ni l’ordonnance homologuant l’accord n’ont autorité de chose jugée quant à la date de cessation des paiements »63 sera toujours applicable puisqu’au terme de la réforme, ce n’est qu’en cas d’accord homologué que la date de cessation des paiements ne pourra être modifiée sauf cas de fraude64. L’attestation du débiteur ne liera ni le juge pénal ni le juge civil.65

A l’inverse, si l’homologation de l’accord permet de bénéficier du privilège elle entraînera la publicité du jugement ce qui peut présenter un inconvénient pour le débiteur. Et même si, selon les textes, il est le seul à pouvoir demander l’homologation nul doute que ses créanciers subordonneront leur participation à l’accord à cette demande.

Selon l’article L611-8 l’homologation de l’accord est soumise à trois conditions.

En premier lieu le débiteur ne doit pas être en cessation des paiements ou l’accord conclu doit y mettre fin ce qui est une avancée notable par rapport à la loi de 1985 qui subordonnait le règlement amiable à l’absence de cessation des paiements. Ici encore se trouve la marque de la volonté du législateur d’éviter au maximum l’ouverture d’un règlement judiciaire qui se solde, rappelons le, presque inévitablement par une liquidation.

En second lieu les termes de l’accord doivent être de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise. Avec cette condition il s’agit d’éviter que les créanciers ne participent à l’accord que dans le but de bénéficier du privilège lors de l’ouverture de la procédure ultérieure. L’accord doit justement servir à empêcher cette ouverture. Mais il s’agit aussi d’éviter que le débiteur s’en serve pour diminuer son passif juste avant de céder les parts de la société à un prix qui s’en trouvera amélioré.66

Enfin, l’accord ne doit pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non signataires. Pour ce faire le tribunal devra notamment vérifier que les garanties prises par les créanciers participants ne sont pas disproportionnées67. Notons dès à présent que cette vérification permettra certainement d’éviter le danger de l’article L650-1 que nous étudierons plus tard.

Mais l’homologation n’est pas la seule condition pour bénéficier du privilège.

    1. Un nouvel apport effectué à l’entreprise

L’article L611-11 distingue deux types d’apports.

Il peut tout d’abord s’agir d’un « apport en trésorerie », expression très éloignée de la première version proposée qui, elle, visait « un crédit ou une avance »68. Cette différence s’explique par le tollé provoqué par le projet que beaucoup voyaient comme un cadeau fait aux banques. Un simple crédit pouvait suffire or ce que le législateur souhaitait c’était de l’argent « frais » pour être véritablement en mesure d’aider au redressement par de nouvelles disponibilités. Les délais de paiements ne pourront donc bénéficier du privilège tout comme les concours consentis antérieurement à la conciliation de façon directe ou indirecte. Un risque de contentieux se profile cependant pour les ouvertures de crédit en compte ou les découverts en compte existant avant la conciliation mais continuant à être activés postérieurement69.

Et s’agissant du concours des actionnaires ou associés, le dernier alinéa de l’article précité dispose que les apports qu’ils feraient dans le cadre d’une augmentation de capital ne peuvent bénéficier du privilège. A contrario, et en conformité avec l’objectif de procurer de l’argent frais à l’entreprise, il faut en déduire que les auteurs d’avances en comptes courant pourraient s’en prévaloir.70

En second lieu la loi vise de « nouveaux biens ou services » de façon générale. Sont donc concernés tous les nouveaux fournisseurs de l’entreprise.

Cependant dans les deux cas, le nouvel apport doit être consenti ou fournis dans l’accord homologué ce qui signifie que l’accord devra viser expressément ce à quoi l’argent est destiné.

Enfin et surtout, ces participations ne bénéficieront du privilège que si elles sont consenties en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité. Elles doivent donc être en rapport avec l’activité de l’entreprise et ne pas représenter un poids trop important pour elle, ce qui rejoint la condition de pérennité vérifiée par le tribunal lors de l’homologation.

Une fois ces conditions réunies, le privilège dit de new money pourra être accordé au créancier.


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