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Un privilège général doté d’un excellent rang Selon l’article L611-11 les créanciers seront payés par privilège avant toute créance née antérieurement. Il ne s’agit donc pas là d’une priorité de paiement mais d’un privilège (1) qui prime quasiment tous les autres (2).
Les oppositions à l’encontre du privilège de conciliation n’ont pas seulement eu lieu à l’Assemblée car un recours devant le Conseil Constitutionnel a été intenté. Mais les magistrats y ont apporté une réponse similaire à celle qui avait été donnée lors de la contestation du célèbre article 40 de la loi de 1985 « considérant que le principe d’égalité des créanciers ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que dans l’un et l’autre cas la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». Et en l’espèce le Conseil Constitutionnel a considéré que le privilège a été instauré pour inciter les créanciers à participer à l’accord et qu’en prenant ce risque les nouveaux créanciers se trouvaient dans une situation différente des créanciers antérieurs ; qu’ainsi le principe d’égalité n’a pas été méconnu.71 La validité du privilège étant incontestable il convient de préciser sa nature. Le code civil définit le privilège comme un droit de préférence donné par la loi72. Il répond en fait à cinq critères : c’est un droit de préférence attaché à la qualité de la créance, il confère la priorité sur les autres créanciers, il est d’origine légale, il s’agit d’une sûreté sans dépossession et enfin il ne suppose pas en principe de publicité. Il peut être général c'est-à-dire portant sur tous les biens du débiteur, comme dans ce cas, ou spécial. Les conséquences de la qualification de privilège et même de privilège général sont très importantes. Notons en premier lieu qu’en cas de résolution de l’accord amiable les créanciers participant auront une position très favorable. En effet, au terme de l’article L611-12, cette résolution ne sera pas totalement rétroactive puisqu’ils garderont les sommes reçues mais recouvreront l’intégralité de leur créance et de leur sûreté et surtout, continueront à bénéficier du privilège même en cas d’ouverture d’une seconde procédure. De même en cas de procédure collective ultérieure, redressement ou liquidation judiciaire, le privilège étant attaché à la créance, les titulaires en conserveront le bénéfice. Un doute subsiste cependant sur une des conséquences de la qualification. En effet l’article 2105 du code civil73pose une règle dite de subsidiarité selon laquelle le privilège général s’exerce prioritairement sur les meubles, et ce n’est qu’à défaut de mobilier suffisant qu’il s’exercera sur les immeubles. Jusqu’à présent l’on estimait que cette règle était inapplicable aux créanciers bénéficiant de l’article L621-32 pour deux raisons. Le premier motif était que la Cour de Cassation avait qualifié cette disposition de simple priorité de paiement, lui refusant la qualité de privilège et par conséquent l’application des règles qui y sont attachées.74Le second motif était, lui, un argument de texte car l’article 2105 évoquait « les créanciers privilégiés énoncés en l’article précédent » ce qui ne comprenait pas les dispositions du code de commerce. Or si le premier argument tombe de lui-même avec la qualification de privilège conféré par la réforme il n’en est pas de même pour le second car l’ordonnance du 23 mars 2006 réformant le droit des sûretés a conservé les termes de l’article. Il semble cependant souhaitable que la Cour de Cassation dépasse cette limite textuelle75. Il convient enfin de préciser que faute de disposition particulière sur ce sujet, les créanciers de la conciliation doivent être considérés comme des créanciers antérieurs et devront de ce fait déclarer leur créance à la procédure ainsi que leur privilège sous peine de ne pas pouvoir en profiter. On regrettera ici un oubli du législateur qui complique la tâche d’un créancier que l’on voulait pourtant récompenser. Toutefois ce créancier se voit conférer un rang non négligeable dans la procédure.
Il faut tout d’abord rappeler que ce privilège ne trouvera à s’exercer qu’en cas d’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Mais dans un tel cas il bénéficiera d’un rang extrêmement intéressant. En cas de redressement judiciaire, au terme de l’article L622-17, les créanciers bénéficiant du privilège de conciliation viendront directement après le super privilège des salaires et les frais de justice. Autrement dit, ils primeront les créanciers bénéficiant du privilège de procédure. De même, en cas de liquidation judiciaire, selon l’article L641-13 le privilège de « new money » vient immédiatement après les frais de justice et prime les créances garanties par des sûretés immobilières ou par des sûretés mobilières spéciales assorties d’un droit de rétention ou par un nantissement sur matériel et outillage. Cette disposition marque donc un net recul par rapport à la réforme opérée par la loi du 10 juin 1994 qui avait notamment pour objectif de redonner une certaine efficacité aux sûretés réelles en cas de procédure collective. Cela dit, il ne faut pas oublier que ce privilège est toujours primé par d’autres autres privilèges extrêmement puissants qui généralement ne laissent que très peu d’actifs aux autres créanciers. De plus, un auteur n’a pas manqué de souligner que ne bénéficiant pas du droit d’être payés à l’échéance contrairement aux créanciers postérieurs, les créanciers de la conciliation risquent d’avoir des lendemains plutôt difficiles.76Et la véracité de cette remarque est toujours d’actualité malgré un très net resserrement du privilège des créanciers postérieurs que nous étudierons. S’agissant enfin de l’ordre interne au privilège, la loi n’en ayant pas prévu contrairement au privilège de procédure, il semblerait logique de faire jouer non pas un critère d’ordre chronologique qui serait quelque peu arbitraire mais plutôt les règles de droit commun de classement des créanciers.
Le privilège de procédure a pour objectif, là encore, d’inciter les créanciers à participer au redressement et ce, en leur conférant un rang suffisamment élevé pour garantir leur paiement. Ce bénéfice connu sous le nom de l’article 40 devenu L621-32 du code de commerce est désormais inscrit à l’article L622-17 en matière de sauvegarde77 et L641-13 en matière de liquidation judiciaire qui subordonnent sa reconnaissance à certaines conditions (A) mais qui en font un véritable privilège (B).
L’augmentation incessante du passif postérieur suite à la réforme de 1985 a conduit le législateur à durcir les conditions d’octroi de ce privilège. Il ne sera en effet reconnu qu’aux créanciers méritants (1) à condition pour eux d’avoir déclaré dans les temps (2).
Pour pouvoir être qualifié de créancier méritant il faut que la créance réponde aux trois conditions posées par l’article L622-17. Elle doit tout d’abord être née après le jugement d’ouverture. Ce critère était déjà présent dans l’article L621-32 et constituait d’ailleurs l’unique condition, ce qui renforçait l’automaticité du privilège et aboutissait à le reconnaître à des créanciers qui n’avaient pas contribué au redressement et qui ne méritaient donc absolument pas de primer les créanciers antérieurs. Est également reprise de la législation antérieure la condition selon laquelle la créance doit être régulière. La créance doit en fait être née conformément à la répartition des pouvoirs opérée par le jugement entre le débiteur et les organes de la procédure. Il convient de rechercher si l’auteur de la créance avait le pouvoir d’engager l’entreprise. Et en matière délictuelle la jurisprudence jugeait une créance régulière dès lors qu’elle était née lors d’une activité autorisée.78 Si l’analyse de la répartition des pouvoirs doit être reprise il n’en sera vraisemblablement pas de même pour les solutions en matière de créance délictuelle. En effet la loi de sauvegarde des entreprises a ajouté un troisième critère qu’un auteur a qualifié de téléologique.79 Selon l’article L622-17 les créances doivent être nées « pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période ». Au critère temporel est donc ajouté une finalité : même postérieure la créance ne sera privilégiée que si elle correspond à un besoin du débiteur, si elle va dans le sens du redressement de l’entreprise. Le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale a précisé ces critères. Les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation recouvriraient les frais de justice, les honoraires et les frais liés à l’exécution des contrats en cours alors que le critère de la prestation fournie pour l’activité professionnelle engloberait les livraisons de biens ou services et la mise à disposition d’une somme d’argent.80 Bien que commentés ces critères apparaissent plutôt flous. Pourquoi par exemple avoir précisé que le premier recouvrait les contrats en cours alors qu’ils sont également englobés dans le second, puisqu’il s’agit bien d’une prestation fournie au débiteur. De même, nombreuses sont les interrogations s’agissant des contrats de prêt conclus avant l’ouverture de la procédure mais dont la somme a été remise après. Il s’agit bien d’une mise à disposition de somme d’argent et donc a priori d’une créance postérieure, pourtant la Cour de Cassation a récemment jugé que c’était une créance antérieure.81 Quant aux créances délictuelles ou pénalités, on peut se demander de quelle façon les appréhender. Elles ne peuvent certes pas être analysées comme nécessaires au déroulement de la période d’observation mais qu’adviendra-t-il si elles naissent au cours d’une activité qui, elle, est nécessaire à cette période, par exemple au cas où l’entreprise tire profit d’une activité ou d’un bien en causant un préjudice à un tiers ? La question revient en fait à se demander si la jurisprudence optera pour une lecture stricte du critère de l’utilité : le dilemme est toujours le même, qui du créancier ou du débiteur doit-on favoriser ? Et la même question se posera au sujet des créances fiscales ou sociales…82 Mais dans tous les cas, le créancier ne bénéficiera de ce privilège que s’il déclare dans les temps.
Une autre difficulté créée par la législation antérieure était le manque de visibilité des créances privilégiées. C’est pourquoi la réforme du 26 juillet 2005 a instauré un système de déclaration des créances postérieures aux organes de la procédure. Elle avait également pour but l’accélération des procédures83. L’article L622-17 dispose en effet que les créances perdent le privilège si elles n’ont pas été portées à la connaissance du mandataire judiciaire, de l’administrateur, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur selon les cas, dans le délai d’un an à compter de la fin de la période d’observation en cas de sauvegarde ou redressement judiciaire et dans le délai de six mois à compter du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation ou à défaut, dans le délai d’un an du jugement arrêtant le plan de cession.84 Il s’agit donc de modalités de déclarations différentes de celles des créances antérieures ce qui est parfaitement logique puisque la plupart des créances ne sont pas nées dans le délai requis. Ici ne doivent être déclarées que les créances qui n’ont pas été payées à l’échéance. Mais là encore des difficultés de mise en œuvre apparaissent s’agissant notamment de la sanction. Les créances non déclarées perdent leur privilège et la règle joue comme une péremption selon le rapporteur de la commission des lois85. Cela signifie-t-il pour autant que la créance doive être traitée comme une créance antérieure à l’instar des créanciers postérieurs non méritants ? Prenons l’exemple de dépenses engagées pour les besoins de la liquidation mais après l’expiration du délai posé pour la déclaration, le créancier postérieur a-t-il perdu toute préférence alors même que le défaut de déclaration n’est pas de son fait ? Un auteur estime que le droit de poursuite du créancier ne saurait être affecté par cette absence de déclaration et que le mandataire qui a engagé la créance doit la payer sous sa responsabilité86. A l’inverse, un autre auteur, s’attachant aux travaux parlementaires soutient que la créance doit être traitée en créance antérieure et, n’ayant pas été déclarée, le créancier ne pourra l’opposer à la procédure87. Nous pensons pour notre part que, même si l’objectif du législateur est de réduire la masse des créanciers postérieurs, il n’en demeure pas moins que le critère à prendre en compte dans tous les cas est la participation aux besoins de l’entreprise. Et cela nous semble être une sanction beaucoup trop sévère pour le créancier que de requalifier sa créance en créance antérieure même si la sanction de son défaut de déclaration est nettement plus favorable qu’auparavant88. Une telle requalification sera de nature à dissuader n’importe quel créancier de concourir aux frais nécessaires. Une fois la créance méritante et déclarée elle bénéficie cependant d’un véritable privilège.
Selon l’article L622-17 les créances postérieures méritantes sont payées par privilège sur les autres créances. Il s’agit à nouveau ici d’un privilège général (1) dont l’efficacité dans la procédure reste intéressante (2).
L’ancien article L621-32 disposait que les créances postérieures étaient payées « par priorité » aux autres créances ce qui avaient conduit bon nombre d’auteurs à s’interroger sur la nature réelle de cette préférence légale. S’agissait-il d’une simple priorité ou d’un véritable privilège ? La Cour de Cassation a fini par trancher dans un arrêt en date du 5 février 2002 « la priorité de paiement instituée par l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction initiale applicable à la cause, qui ne dépend pas de la qualité de la créance, ne constitue pas un privilège au sens de l’article 2095 du code civil »89. La solution a été généralement approuvée car juridiquement justifiée90. En effet, sous l’empire de cette loi la seule condition exigée pour bénéficier du privilège était que la créance soit née postérieurement au jugement d’ouverture. Or si l’on revient aux critères tirés de l’article 2095 du code civil pour définir le privilège général, on remarque qu’il doit s’agir d’une préférence attachée à la qualité de la créance ce qui n’était pas le cas en l’espèce. La loi de sauvegarde des entreprises a mis fin à cette jurisprudence en précisant tout d’abord explicitement qu’il s’agissait d’un privilège mais également, en le subordonnant à la preuve d’une utilité à l’entreprise par le biais d’un critère « téléologique » ce qui en fait bien une préférence attachée à la qualité d’une créance. A nouveau il s’agit donc d’un privilège général et par conséquent à nouveau se pose la question de l’application de la règle de subsidiarité que nous avons déjà développée.91 De plus, cette qualification va selon toute vraisemblance mettre fin à la jurisprudence selon laquelle, en cas de résolution d’un plan de continuation et d’ouverture d’une seconde procédure collective par la suite, les créanciers postérieurs de la première procédure perdraient le droit de priorité qui leur avait été conféré92.Si la solution pouvait se justifier du fait du caractère interne à la procédure d’un ordre de paiement cela ne pourra plus être le cas avec la qualification de privilège qui, lui, est attaché à la créance et ne pourra donc être supprimé93. Outre les bénéfices liés à la qualification de privilège il faut souligner que le rang offert par la nouvelle législation est plutôt intéressant. |
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