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Un rang relativement intéressant. Nous avons eu l’occasion de préciser précédemment que le rang des créanciers postérieurs variait selon le type de procédure en cause. En cas de redressement judiciaire, l’article L622-17 les fait venir juste après les créanciers de la conciliation en les faisant donc primer sur toutes les créances antérieures. Cependant, en cas de liquidation judiciaire les choses sont moins favorables pour les créanciers méritants car depuis la réforme du 10 juin 1994 ils sont primés par certains créanciers titulaires de sûretés réelles. Leur situation s’est même dégradée car la loi de sauvegarde des entreprises a introduit le plan de cession dans la liquidation94 ce qui conduit dans ce cas à appliquer aux créanciers méritant le rang prévu à l’article L641-13 alors qu’auparavant ils bénéficiaient du rang prévu en cas de redressement judiciaire. Par conséquent et à l’inverse, les créanciers titulaires de sûretés réelles voient eux leur sort amélioré conformément à la démarche entamée en 1994. S’est alors posé le problème de savoir quel rang serait applicable dans le cas où la cession prendrait place lors du redressement judiciaire comme le permet l’article L631-22. On pouvait estimer qu’étant donné que cet article n’opère un renvoi qu’à la section 1 du chapitre II sur la liquidation, il exclut de ce fait le classement prévu par l’article L641-1395. On pouvait aussi soutenir, comme le faisait un auteur, que ce renvoi partiel n’est qu’un oubli car la réalisation des actifs non compris dans la cession ainsi que la répartition du prix de cession supposeront nécessairement l’utilisation d’un corps de règles, corps de règles existant en cas de liquidation. Dans ce sens l’auteur citait l’article L642-21 mais ce dernier n’opérait un renvoi aux dispositions sur la liquidation judiciaire qu’au cas où un plan de redressement n’avait pu être arrêté après avoir appliqué L631-2296. Le décret du 28 décembre 2005 est venu trancher la question en précisant dans son article 209 que lorsque la cession totale ou partielle de l’entreprise avait été ordonnée sur le fondement de l’article L631-22, la procédure de redressement judiciaire est poursuivie aux fins d’arrêter un plan de redressement ou de liquidation judiciaire. La cession peut donc être ordonnée avant l’ouverture d’une liquidation judiciaire ce qui entraînera, dans un tel cas, l’application du classement lié au redressement et ne contribuera donc pas à redonner plus de poids dans les procédures collectives aux créanciers antérieurs titulaires de sûretés réelles. Un dernier point à soulever en matière de classement externe est celui de l’éventuel conflit entre les créances postérieures d’une première procédure, qui conservent leur privilège, et celles d’une seconde procédure. Pour certains il faudrait considérer les créanciers comme étant tous en concours et les régler au sein de chaque rang au marc le franc97. Dans tous les cas un privilège supplémentaire viendra les primer, celui de la conciliation. Mais la réforme du 26 juillet 2005 a gardé comme règle de principe que les créanciers méritants ont un droit de poursuite individuel à l’échéance de leur créance, contrairement à ceux de la conciliation, qui viendra certainement bouleverser le classement. Notons enfin que dans l’ordre interne deux modifications attendues ont été apportées. La première concerne le troisième rang qui vise désormais simplement « les prêts consentis » avec abrogation de la mention « établissements de crédit » ce qui permettra d’englober les prêts dits amicaux ou familiaux. De même, auparavant, l’article L621-32 excluait de ce troisième rang les indemnités et pénalités de résiliation d’un contrat régulièrement poursuivi et, ce, pour ne pas dissuader l’administrateur de continuer ce type de contrat. Cependant l’article disposait « sont exclus du bénéfice de la présente disposition » ce qui avait suscité un contentieux sur le point de savoir si ces indemnités ne pouvaient pas alors bénéficier des autres rangs comme le cinquième. La loi de sauvegarde des entreprises règle donc la question en remplaçant l’expression par « du présent article ». Cette dichotomie traditionnelle entre sûretés réelles et sûretés personnelles trouve parfois ses limites au sein de dispositions communes. En ce sens, la réforme du 26 juillet 2005, avec toujours la volonté de trouver cet équilibre entre protection des intérêts du créancier et protection des intérêts du débiteur, a voulu apporter des améliorations communes au sort de tous les créanciers mais celles-ci se révèlent parfois source de nombreuses interrogations. Section 3. Incidences sur l’ensemble des garanties Avant d’étudier les règles ayant vocation à améliorer le sort des créanciers il convient de rappeler les modifications apportées par la réforme aux dispositions gouvernant les nullités de la période suspecte. A tout d’abord été ajouté un cas de nullité de droit à l’article L632-1 : les levées, autorisations et reventes d’options et ce, afin d’éviter de la part des dirigeants ce que l’on appelle des opérations d’initiés. Peut également être annulé « tout avis à tiers détenteur, toute saisie attribution ou toute opposition » effectué après la date de cessation des paiements par un créancier qui en avait connaissance, ajout opéré pour faire obstacle aux prélèvements réalisés par le fisc98. Les améliorations concernant la place du créancier dans la procédure collective portent, elles, sur deux points essentiels. Il s’agit pour les créanciers antérieurs ou assimilés de la déclaration de créances (I) et pour tous les créanciers, des conditions d’engagement de leur responsabilité pour les crédits apportés à l’entreprise (II).
Le principe d’égalité des créanciers conduit à deux règles majeures en cas de procédure collective : la suspension des poursuites et l’interdiction de paiement des créances antérieures. Et afin de pouvoir régler ces créances ultérieurement elles doivent être déclarées à la procédure selon certaines modalités (A), modalités dont la nouvelle sanction fait preuve d’une faveur envers les créanciers (B).
Pour déterminer les modalités de déclaration, deux points sont à examiner : qui doit déclarer ? (1) et dans quels délais ? (2)
Au terme de l’article L622-24, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, sont tenus de déclarer. Le critère à prendre en compte est donc la naissance de la créance, critère en cohérence avec les dispositions concernant les créances postérieures99. Cette cohérence est cependant toute nouvelle puisque les dispositions antérieures visaient les créanciers dont la créance « a son origine antérieurement au jugement »100. A première vue cette modification semble sans incidence puisque la jurisprudence avait tendance à confondre les deux termes101. Elle émane cependant d’une volonté clairement exprimée du gouvernement102. Pourquoi vouloir changer les choses s’il n’y avait aucune raison de le faire ? On peut en fait considérer que l’expression « a son origine » engloberait les créances se situant plus en amont que l’expression « est née ». L’incidence concrète de ce changement peut se mesurer si l’on prend l’exemple d’une jurisprudence de la Cour de Cassation considérant que la créance née de la garantie d’un vice caché a son origine au jour de la conclusion de la vente et non, au jour de la révélation du vice103. Le vice ayant été révélé bien après le délai laissé pour la déclaration, le créancier se trouvait forclos. La solution était cependant justifiée sur le plan juridique car la créance a son origine à la conclusion du contrat, l’obligation de garantie des vices cachés étant une obligation contractuelle. Pourtant elle semblait tout à fait injuste en pratique, le créancier n’ayant pas les moyens de s’en rendre compte. Avec la nouvelle rédaction, il sera peut être possible de voir dans le contrat l’origine de la créance née du vice et dans la révélation sa naissance… Doivent également être déclarées, selon l’article L622-24, les créances postérieures non méritantes c'est-à-dire ne bénéficiant pas du privilège de procédure et les créances alimentaires. Ainsi, même nées après le jugement d’ouverture, ces créances, parce qu’elles ne sont pas utiles à l’entreprise, seront désormais assimilées à des créances antérieures sauf pour le délai qui ne pourrait par hypothèse être respecté. L’assimilation ne concernera également pas le paiement des créances alimentaires car, par dérogation à l’interdiction de principe pour les créances antérieures, elles pourront être payées104. Précisons enfin que la loi de sauvegarde a dispensé de déclaration les créanciers admis au passif d’une première procédure lorsque le plan a été résolu et qu’une nouvelle procédure a été ouverte105 (ces créances, selon la nouvelle disposition seront en effet admises de plein droit ce qui laisse supposer qu’une contestation ultérieure sera difficile).
Les délais de déclaration, ou plutôt les points de départ du délai de déclaration qui reste fixé à deux mois, varient selon les créanciers concernés. Quatre cas doivent être distingués. Pour les créanciers de droit commun, le délai court à compter de la publication du jugement d’ouverture. Les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou d’un contrat publié bénéficient, eux, d’un régime beaucoup plus favorable puisqu’ils sont personnellement avertis de la nécessité de déclarer leur créance et que le délai de déclaration ne commence à courir qu’avec la notification de cet avertissement. La loi de sauvegarde des entreprises a ici apporté une modification bienvenue car auparavant la législation visait uniquement les sûretés et contrats de crédit-bail publiés. Or, pour que le vendeur bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété puisse être averti, on qualifiait faussement cette réserve de propriété de sûreté.106Cette dénaturation reste cependant d’actualité du fait de l’insertion de la réserve de propriété dans le livre régissant les sûretés, opérée par l’ordonnance du 23 mars 2006107. S’agissant des créanciers postérieurs non méritants, le délai de déclaration commencera à courir à compter de l’exigibilité de leur créance. Restent enfin les créances nées d’une infraction pénale pour lesquelles le délai court à compter de la date de la décision définitive qui en fixe le montant. Le problème est que bien souvent les créanciers, faute de connaissance de l’ouverture d’une procédure collective, ne respectent pas le délai de déclaration. Mais sur ce point la loi du 26 juillet 2005 s’est montrée très favorable envers eux.
Lorsqu’une créance n’a pas été déclarée dans les délais, les créanciers vont être forclos (1) mais cette forclusion ne se traduira plus par l’extinction de leur créance (2).
A défaut de déclaration dans les délais les créanciers ne pourront participer aux distributions et dividendes hors le cas où ils obtiennent du juge commissaire un relevé de forclusion108. Jusqu’à présent la seule possibilité pour eux d’obtenir ce relevé était de démontrer que leur défaillance n’était pas de leur fait. Mais la réforme a introduit deux nouvelles possibilités en ce sens. En premier lieu elle prévoit un cas qu’on peut qualifier d’automatique puisqu’il suffira au créancier de démontrer que le débiteur a volontairement omis de le mentionner sur le relevé des créances109. Il s’agissait de mettre fin à une jurisprudence contradictoire qui ne reconnaissait pas toujours dans un tel cas que la défaillance n’était pas du fait du créancier110. La difficulté pour lui restera cependant de prouver le caractère volontaire de l’omission. La loi prévoit également que, pour les créanciers devant être avertis, le délai de l’action en relevé de forclusion ne court qu’à compter de la réception de l’avertissement. Or, selon l’article L622-24 précité le délai offert à ces créanciers pour déclarer leur créance ne court que lorsqu’ils en ont été avertis. N’ayant pas été avertis, ils ne peuvent donc pas être forclos… De plus, les délais de l’action en relevé de forclusion ont été modifiés. Elle ne peut en effet être exercée que dans les six mois contrairement à la législation antérieure qui prévoyait un délai d’un an111. Et ce délai est porté à un an pour les créanciers qui n’ont pas pu connaître l’existence de leur créance en temps utile. On peut voir dans cette disposition une nouvelle possibilité de faire échec à la jurisprudence précitée en matière de vice caché dans le cas où l’on considérerait que la créance est née lors de la conclusion du contrat112. Mais la plus grande nouveauté réside dans la fin de l’extinction de la créance pour défaut de déclaration.
L’ancien article L621-46 disposait que les créances n’ayant pas été déclarées dans les temps et n’ayant pas donné lieu à un relevé de forclusion étaient « éteintes ». Or une telle disposition a disparu avec la loi du 26 juillet 2005. Il n’y a à présent qu’une interdiction d’être admis dans les répartitions et dividendes. La principale raison de cette disparition se trouve en droit communautaire. L’article 5 du règlement du 29 mai 2000 dispose en effet que l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité n’affecte pas les droits réels des créanciers sur les biens qui se trouvent sur un autre Etat membre. Il devenait donc difficile d’expliquer comment un tel créancier pouvait encore exercer ses droits dans un autre Etat membre alors que, dans le cas d’une procédure ouverte en France, la créance était parallèlement considérée comme éteinte faute de déclaration113. De plus, cette extinction conduisait à des solutions absurdes comme par exemple, la jurisprudence jugeant que la réserve de propriété survivait à l’extinction de la créance malgré son caractère accessoire114. S’agissant des conséquences internes à la procédure collective il faut noter tout d’abord que si la créance survit au défaut de déclaration, l’opposabilité à la procédure de sûretés réelles comme le gage ou l’hypothèque dépend encore de leur déclaration. La situation est différente pour le droit de rétention car il n’a pas à être déclaré à la procédure. La question est donc de savoir si l’inopposabilité de la créance aux distributions et dividendes conduit à l’inefficacité du droit de rétention. On peut d’un côté avancer que, comme le liquidateur représente les créanciers, ce droit ne peut lui être opposé par un non créancier115. D’un autre coté, on peut soutenir que l’inopposabilité étant limitée aux distributions et dividendes, le droit de rétention gardera son efficacité à l’égard de la procédure116. Se pose également le problème de la levée de l’option d’achat du crédit-bail par le débiteur alors qu’il resterait des loyers antérieurs au jugement d’ouverture à payer. Etant donné que, selon la jurisprudence, l’interdiction de paiement suite au jugement d’ouverture ne vaut pas dispense de paiement, le créancier pourra probablement contraindre le débiteur à payer117. La situation est différente s’agissant des garanties personnelles. Comme la créance survit, le créancier pourra poursuivre la caution ou le garant autonome en paiement sous réserve de la possibilité pour la caution de lui opposer l’article 2314 du code civil dans le cas où le fait de ne pas avoir déclaré de créance et donc de sûreté lui a fait perdre la possibilité d’obtenir un paiement. Ainsi, un créancier qui n’aurait pas déclaré son gage fait perdre à la caution la possibilité de bénéficier de l’attribution judiciaire et donc de supplanter les autres créanciers. Notons cependant qu’il sera nécessaire de combiner cette action à l’encontre de la caution avec la règle de la suspension des poursuites dont elle bénéficie118. Soulignons enfin que du fait de l’absence d’extinction, le créancier pourra, à la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif reprendre ses poursuites. En cas de clôture pour insuffisance d’actifs, permettre au créancier de reprendre de telles poursuites risquerait d’encourager le développement des stratégies. En effet quel serait alors l’intérêt de déclarer sa créance sachant qu’elle sera soumise aux délais et remises des plans et qu’en cas de liquidation elle ne sera jamais intégralement remboursée ? On peut donc estimer que le défaut de déclaration conduit seulement à l’inopposabilité des distributions et dividendes et non à l’inapplicabilité des autres règles de la procédure. Par conséquent le créancier ne devrait pas pouvoir reprendre ses poursuites hors les cas prévus par l’article L643-11. En revanche, en cas de résolution d’un plan de continuation ou de sauvegarde, la créance, n’étant pas éteinte, pourra être opposée à la seconde procédure. Notons cependant que dans tous les cas, le créancier ne pourra se prévaloir de l’interruption de la prescription liée à la déclaration de créance ce qui risque d’amoindrir fortement ses possibilités de poursuite quand on connaît la durée que peut avoir une procédure collective. Cette nouveauté introduite par la réforme contribue néanmoins à une amélioration réelle du sort des créanciers. C’est également dans cette optique que le législateur a choisi d’insérer ce qu’il souhaitait être une limitation de la responsabilité des créanciers.
Qualifié par certains de « cadeau » fait aux établissements de crédit119, le nouvel article L650-1 du code de commerce conçu pour limiter la responsabilité des créanciers par l’édiction d’un principe général de non responsabilité (A), se révèle du fait de l’imprécision de ses exceptions (B) et de la sévérité de leur sanction (C) un privilège réservé aux seuls « créanciers méritants »120.
Au vu de la jurisprudence antérieure l’action en responsabilité à l’encontre des créanciers était fondée sur le droit commun. Les juges devaient donc sur le fondement de l’article 1382 du code civil caractériser une faute, un lien de causalité et un préjudice. La faute avait trois illustrations : la rupture abusive du crédit ayant conduit à la défaillance du débiteur, la politique de crédit ruineux pour l’entreprise conduisant nécessairement à une augmentation continue des charges et le soutien artificiel d’une entreprise en situation critique qui avait pour conséquence de lui donner une apparence de solvabilité vis-à-vis des tiers121 (sachant que dans ce cas la jurisprudence se contentait du maintien d’un crédit existant sans exiger de nouvelles participations). Les juges prenaient également en compte la connaissance par l’établissement de crédit de la situation du débiteur. Le préjudice résidait dans l’augmentation du passif ou la perte de chance de prolonger l’activité. Face aux risques de multiplication des mises en jeu de la responsabilité des banques le législateur a introduit en 1984 une disposition visant à encadrer les conditions de rupture d’un crédit122. Et ce n’est que lorsque ces conditions ne sont pas respectées que la responsabilité de la banque pourra être engagée. Mais cela ne réglait pas le problème du soutien abusif et les établissements de crédit se prévalaient régulièrement de ces risques de responsabilité pour ne pas accorder de crédit aux entreprises. Dans son objectif de prévention des difficultés et d’aide au redressement de l’entreprise, le législateur a donc décidé d’introduire une nouvelle disposition visant à ne plus décourager les créanciers à octroyer du crédit123. Ainsi, le nouvel article L650-1 du code de commerce pose un principe général d’irresponsabilité au profit des créanciers « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis ». Cette irresponsabilité était au départ cantonnée aux personnes intervenues au stade de la conciliation en cas d’accord homologué124. Mais le législateur a décidé de l’étendre en l’introduisant dans le titre V du code de commerce « des responsabilités et des sanctions », ce qui en fait un principe au champ d’application très large. L’article vise d’ailleurs tous les créanciers, sans distinction. Si les établissements de crédit seront sans nul doute les principaux bénéficiaires de cette disposition, elle concernera également tous les fournisseurs voire même l’Etat ou bien encore les associés pour avoir crée une apparence de solvabilité. De même, le terme de concours devrait-il être interprété plutôt largement aux vues de la jurisprudence antérieure se contentant du maintien d’un crédit. On peut cependant considérer que la disposition ne jouera qu’en cas de procédure collective, du fait de sa place dans le code de commerce mais également de la volonté du législateur d’inciter à la participation au redressement de l’entreprise. Quant aux personnes qui perdraient là une possibilité d’agir en responsabilité contre les créanciers, il s’agit bien sûr du débiteur et donc des organes de la procédure mais cela pourrait aussi concerner selon un auteur la caution qui ne pourrait plus reprocher au créancier d’avoir abusivement soutenu un débiteur125. Précisons enfin que cette disposition a été validée par le Conseil Constitutionnel qui, face aux critiques sur l’atteinte portée au droit au recours et au principe de responsabilité, a considéré que le législateur n’a pas supprimé la responsabilité des créanciers car il a prévu les cas où celle-ci pouvait encore être engagée et que cette restriction était justifiée par un objectif d’intérêt général qui est de faciliter l’octroi d’apport financier « nécessaire à la pérennité des entreprises en difficulté ». Il a également estimé qu’aucune atteinte n’était portée au droit au recours car les personnes intéressées avaient toujours la possibilité d’exercer un recours effectif devant les juridictions126. Malgré une affirmation aussi claire et validée d’un principe d’irresponsabilité, le législateur l’a aussitôt encadré de trois exceptions qui ont déjà fait couler beaucoup d’encre…
Si le projet de loi se limitait à deux exceptions qui étaient la fraude et le comportement manifestement abusif, le texte définitif en énonce trois : la fraude, l’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur et la disproportion des garanties prises en contrepartie des concours. Notons que le Sénat a rejeté un quatrième cas qui était la connaissance de la situation irrémédiablement compromise ce qui conduira inéluctablement à l’abandon de la jurisprudence antérieure et donc de la responsabilité des créanciers sur ce point. La définition de ces critères ne semble pas a priori poser de difficulté. Par fraude il faut entendre les comportements relevant du droit pénal comme les effets de cavalerie ou l’escompte d’effets de complaisance127. Et dans l’expression immixtion caractérisée il faut voir une gestion de fait fautive du créancier, une qualification de dirigeant de fait. La troisième exception est, elle, sujette à beaucoup plus de réserves. La notion de disproportion est certes une notion connue en droit des sûretés, principalement en matière de cautionnement où la jurisprudence et la législation ont crée des hypothèses d’engagement de la responsabilité du créancier dans un tel cas128. Toutefois elle n’est pas identique à celle introduite par la loi de sauvegarde puisque, ici, il s’agit d’une disproportion entre les garanties et les concours alors que dans le cas du cautionnement c’est une disproportion entre l’engagement et les biens et revenus. Pourtant la généralité du terme « garantie » laisse penser que la disposition vise aussi bien les sûretés réelles que les sûretés personnelles ce qui est en contradiction avec le caractère accessoire de la caution en vertu duquel elle ne peut pas être tenue à plus que ce que doit le débiteur, et ne peut donc être accepté. Une solution inverse aboutirait à créer un nouveau cas de responsabilité pour le créancier. Il serait alors responsable en cas de disproportion de l’engagement de la caution par rapport à ses revenus ainsi qu’en cas de disproportion du cautionnement par rapport au concours accordé. De plus, rien n’est dit quant au moment où cette proportion doit être appréciée ou selon quelle modalité elle doit l’être. Faudra-t-il analyser la disproportion lors de la souscription de la garantie ou lors de sa mise en œuvre ? Doit on prendre en compte l’évolution de la valeur de la garantie ? Et surtout à partir de quel seuil doit-on considérer qu’il y a disproportion ? En premier lieu il faut préciser que doivent seules être proportionnées les garanties prises en contrepartie des concours, ce qui laisse penser que celles prises ultérieurement ne sont pas visées par la disposition. En outre, on pourrait imaginer une solution s’inspirant de l’exemple du cautionnement qui sanctionne la disproportion au moment de la conclusion sauf si, lors de l’appel de la garantie, la caution est en mesure d’y faire face. Un tel raisonnement transposé dans ce cas conduirait à dire que la disproportion s’apprécie lors de la souscription de la garantie mais qu’il ne pourrait y avoir de sanction si, lors de la mise en œuvre de cette garantie, elle n’est plus disproportionnée. Cette approche éviterait aux créanciers d’être sanctionnés lorsque, par exemple, ils ont accepté en garantie des valeurs mobilières (hors contrat de garantie financière) d’un montant originaire très élevé mais d’une valeur de réalisation beaucoup plus faible. En pratique se poseront également des problèmes techniques notamment dans les cas où plusieurs garanties de différentes natures auront été souscrites. Comment par exemple additionner une hypothèque et un gage ? Ou encore comment estimer la valeur d’une réserve de propriété ou d’un droit de rétention ? Sachant que ces deux dernières garanties confèrent un droit extrêmement fort en cas de procédure collective et qu’elles empêchent la mobilisation du bien pour d’autres garanties, n’y a-t-il pas là un gâchis de garantie et par la même une disproportion qui y serait inhérente ? S’agissant du seuil de la disproportion un auteur fait remarquer qu’il n’est pas exigé de disproportion manifeste. Une simple disproportion objective suffira129. Et même si la jurisprudence parvenait à fixer un tel seuil, celui-ci sera nécessairement variable puisque dépendant de la solvabilité du débiteur ou du projet financé. On n’exigera pas les mêmes garanties d’un débiteur dont la situation est désespérée que d’un débiteur susceptible de se redresser. On peut également se demander ce qu’il adviendra des usages validés par la jurisprudence et consistant notamment en matière de cession Dailly à demander des garanties d’une valeur supérieure au montant des crédits accordés. Les conditions d’un contentieux abondant semblent toutes réunies… Précisons cependant que l’article L650-1 n’étant qu’un encadrement de la responsabilité de droit commun il conviendra toujours pour le débiteur, ou l’organe agissant, de démontrer en plus, le préjudice et le lien de causalité. S’il y parvient, la sanction qui sera appliquée sera pour le moins originale
Selon l’alinéa 2 de l’article L650-1, en cas de responsabilité du créancier, les garanties « sont nulles ». Il s’agit là d’un nouveau type de sanction en la matière. En effet dans le cadre du cautionnement la disproportion est sanctionnée ou bien par des dommages et intérêts ou bien par une déchéance pour le créancier de la possibilité de se prévaloir du cautionnement130. De même, en matière d’hypothèque les articles 2444 et 2445 du code civil autorisent la réduction des inscriptions excessives. La nullité prévue par cet article empêche de facto toute modulation par le juge de la sanction d’autant plus qu’elle semble automatique. Et si elle peut avoir un effet plus dissuasif qu’une simple réduction il n’empêche que cela semble excessif et en contradiction avec la sécurité du crédit recherché. De plus elle n’est pas exclusive de l’attribution de dommages et intérêts131. Les dommages et intérêts seront accordés à celui qui a intenté l’action, illustrant la fonction réparatrice du droit de la responsabilité, et la nullité libérera celui qui aura fourni la garantie. Il pourra cependant s’agir des mêmes personnes. Cette nullité présente un danger très important pour les créanciers car, comme l’a rappelé un auteur, son caractère rétroactif, contrairement à la déchéance en cas de cautionnement, entraînera la restitution de toute somme reçue en vertu de la garantie par le créancier132. Les incertitudes de cette disposition ne peuvent cependant pas remettre en cause les avancées certaines réalisées par la loi de sauvegarde des entreprises s’agissant du sort des créanciers. Cette réforme, comme nous l’avons vu, a privilégié les sûretés réelles par rapport aux sûretés personnelles. L’atteinte portée aux garanties autonomes relativise en effet de façon importante les améliorations apportées à l’utilisation du caractère accessoire du cautionnement. Tandis que la revalorisation du sort des sûretés réelles par la création de nouveaux privilèges et l’efficacité qui leur ait reconnue mais, aussi, par l’abrogation de la règle de l’extinction de la créance pour défaut de déclaration, fait que la réforme du 26 juillet 2005 s’inscrit dans le chemin tracé par la loi du 10 juin 1994. Malgré cette évolution, le sort des créanciers munis de sûretés réelles reste beaucoup trop dépendant de la législation régissant les procédures collectives ce qui ne contribue pas à leur sécurité juridique. Qui plus est, hormis peut être l’hypothèse de la liquidation judiciaire, le rang qui leur est conféré ne leur permet quasiment jamais d’obtenir un paiement. Ces deux raisons expliquent que l’on ait vu se multiplier les garanties fondées sur la propriété qui, elles, sont parfaitement opposables à la procédure collective et dont l’efficacité assure un paiement quasi automatique. Avec de nombreux autres objectifs les instigateurs de la réforme du droit des sûretés avaient la volonté de restaurer l’efficacité des sûretés réelles tout en recadrant ces garanties basées sur la propriété. Il fallait favoriser le développement du crédit et pour cela la condition nécessaire et préalable est de permettre aux créanciers d’assurer leur sécurité et leur droit. Cette volonté, on va le voir, n’a cependant pas été écoutée. DEUXIEME PARTIE : FAIBLE IMPACT DE LA REFORME DES SURETES SUR LES PROCEDURES COLLECTIVES On l’a dit, il n’est pas pensable à l’heure actuelle de vouloir déterminer précisément les droits d’un créancier en étudiant le droit des procédures collectives séparément du droit des sûretés. Ces deux branches s’influencent de manière réciproque. Et c’est en ayant cette évidence à l’esprit que les membres du groupe « Grimaldi » ont décidé de débuter leur proposition par une disposition fondamentale dans l’articulation des deux législations. Un article prévoyait en effet que le livre IV resterait applicable en cas d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité hors le cas où la loi de cette procédure y dérogerait expressément133. Mais lorsque l’on regarde la disposition retenue finalement par l’ordonnance, on comprend immédiatement que l’esprit de la réforme a été biaisé. En effet selon le nouvel article 2287 du code civil « les dispositions du présent livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire... »134. Or pour que les innovations de la réforme concernant l’amélioration des titulaires de sûretés réelles puissent avoir un sens, il aurait fallu qu’elles soient réellement efficaces en cas de procédure collective. La valeur d’une sûreté ne peut s’apprécier qu’au regard de son efficacité en cas de défaillance du débiteur. Si l’on peut regretter cette modification il ne faut cependant pas penser que la réforme sera sans conséquence aucune. L’efficacité des nouveautés qu’elle introduit dépendra en fait de l’interprétation qu’adoptera la Cour de Cassation à la lecture combinée des différentes dispositions. Aussi y a t il encore un réel intérêt à étudier les innovations introduites. En effet celles-ci pourront d’une part s’appuyer sur les quelques articles les concernant dans la législation des procédures collectives et d’autre part, il n’est pas vain de penser que la jurisprudence ne remettra pas elle-même en cause ses avancées par l’adoption d’une lecture trop restrictive des dispositions. Avant de débuter cette étude il convient de faire une présentation succincte de quelques innovations nous concernant, présentation nécessaire à la compréhension des futurs développements. En premier lieu l’ordonnance clarifie les termes de gage et de nantissement souvent utilisés l’un pour l’autre. Le premier sera réservé à l’affectation en garantie de biens corporels et le second concernera l’affectation en garantie de biens incorporels135. S’agissant tout d’abord du gage, celui-ci n’est plus considéré comme un contrat réel puisqu’il peut maintenant être constitué sans dépossession. Son assiette a également été modifiée car il peut porter sur des choses futures ou sur un ensemble de biens. Il est créé un gage sur stocks sans dépossession uniquement réservé aux établissements de crédit et le gage automobile est inséré dans le code civil dont il suivra désormais les dispositions136. Quant au nantissement de créance, il est également modifié dans sa constitution ainsi que dans son opposabilité : il est opposable aux tiers à la date de l’acte et au débiteur, par simple notification et non plus signification137. Avec la réforme l’hypothèque, par exception, pourra être constituée sur des biens futurs mais également pour garantir une ou plusieurs créances futures138. Mais les innovations qui intéressent directement les procédures collectives ne se situent pas là. Elles concernent en effet le mode de réalisation de ces sûretés et auraient pu accroître de manière exceptionnelle leur efficacité dans la procédure (section1). La réforme introduit également la réserve de propriété dans le code civil et donne valeur de principe au droit de rétention mais il ne s’agit là que de dispositions symboliques (section 2) Section 1. L’accroissement limité de l’efficacité des sûretés L’amélioration de l’efficacité des sûretés passait pour le groupe de travail par la simplification de leur réalisation, simplification qui aurait pu les conduire à primer tous les autres créanciers en cas de procédure collective que ce soit par l’utilisation de la faculté d’attribution judiciaire (A) ou par l’insertion dans les conventions d’un pacte commissoire (B).
La possibilité de demander l’attribution judiciaire, bien que de plus en plus souvent accordée restait limitée (A). Et si le projet avait pour objectif d’en poursuivre l’extension, cet objectif a été remis en cause par l’ordonnance (B).
Malgré l’extension opérée par la jurisprudence quant aux bénéficiaires la reconnaissance de l’attribution judiciaire restait limitée (1) et ses modalités d’exercice étroitement encadrées (2).
La disposition de référence en matière d’attribution judiciaire était, jusqu’au 23 mars 2006, l’article 2078 du code civil stipulant que le gagiste, outre la possibilité de vendre le bien aux enchères, peut demander en justice qu’il lui soit attribué après estimation faite par expert. Le titulaire d’un gage civil pouvait donc se le faire attribuer directement en paiement à condition de passer par le juge. Cette modalité de réalisation était présentée comme plus rapide et moins coûteuse pour le créancier que la vente aux enchères. Elle était cependant circonscrite au gage civil car pour le gage commercial, l’article L521-3 du code de commerce n’autorisait que la vente publique du bien. Et comme il s’agissait de gage sur biens corporels avec droit de rétention la question s’est posée de savoir si attribution judiciaire et droit de rétention étaient irrémédiablement liés. Notons en premier lieu que la jurisprudence a étendu la possibilité de demander l’attribution judiciaire au créancier titulaire d’un gage commercial malgré le silence des textes et conformément à la position de certains auteurs de l’époque comme Aubry et Rau 139. Mais surtout, l’Assemblée Plénière dans un arrêt rendu le 26 octobre 1984 a détaché la faculté d’attribution judiciaire de l’existence d’un droit de rétention, l’accordant en matière de nantissement de l’outillage industriel ou commercial ce qui a suscité de nombreuses réactions car, pour certains, ces deux notions ne pouvaient être séparées. Dans ce sens on citait l’article 2076 du code civil qui subordonnait le maintien du privilège sur le gage à la possession physique par le créancier mais également l’article 1ier de la loi du 18 janvier 1951 qui faisait un renvoi aux dispositions sur le nantissement de fonds de commerce. Il était également soutenu que l’attribution judiciaire n’était accordée que pour faire face à l’inaction du débiteur sachant que le créancier ne pouvait pas éternellement garder la chose. Et en matière de procédures collectives un auteur estimait que cela allait encourager le démembrement de l’actif du débiteur140. On peut, au contraire, dire que l’attribution judiciaire n’est pas liée au droit de rétention car si cela était le cas elle serait reconnue dans des hypothèses de droit de rétention purement conventionnelles, sans qu’il y ait de gage. De plus, il ne faut pas s’en tenir aux dispositions de 1804 car les rédacteurs du code ne connaissaient pas le gage sans dépossession. Enfin, si le législateur a pris la peine par la suite de l’interdire dans certains cas spécifiques, à défaut de stipulation en ce sens, l’attribution doit être autorisée. Il convient donc d’approuver la solution de la Cour de Cassation. Le problème est que l’arrêt énonçait sa solution en commençant par dire « à défaut d’une disposition contraire… l’attribution judiciaire est offerte ». Dès lors se posait la question de savoir qu’elle était la portée réelle de cette solution. Pourtant la Cour de Cassation ne l’a pas étendue à tous les cas où la législation ne l’interdisait pas formellement. Elle l’a certes reconnue au créancier en cas de nantissement de créance141mais elle l’a refusée aux créanciers nantis d’un marché public142. A défaut de précision du législateur il fallait donc attendre la jurisprudence ce qui bien évidemment n’allait pas dans le sens de la prévisibilité du droit. De plus, l’attribution judiciaire n’était pas autorisée en matière immobilière et certains textes l’interdisaient formellement comme l’article L142-1 du code de commerce en matière de nantissement sur fonds de commerce. Et cette restriction quant aux bénéficiaires se couplait d’un encadrement des modalités d’exercice.
Avant de déterminer les conditions d’exercice de cette faculté dans la procédure collective, il convient de s’attarder sur l’analyse des effets de l’attribution. L’attribution judiciaire est généralement analysée comme « un paiement de la créance garantie sous la forme d’une dation imposée au débiteur »143. Ce qui explique que la jurisprudence décidait qu’en cas d’excédent de la valeur du bien sur la créance, le créancier devait reverser la différence au débiteur. De plus l’attribution judiciaire était une faculté pour le créancier et non une obligation. Un arrêt récent a, certes, jugé que la caution pouvait se prévaloir de l’article 2037144 du code civil lorsque le créancier renonçait à l’attribution judiciaire en donnant mainlevée de son gage mais il ne s’agit pas là d’une évolution car du fait même de la main levée l’article 2037 était invocable145. La jurisprudence a également fini par reconnaître ce que beaucoup demandaient en admettant la détermination de la valeur du bien non par un expert, mais par la volonté commune des parties146. Les auteurs reconnaissaient en effet que l’expertise n’ayant pour but que de protéger le débiteur contre une éventuelle spoliation réalisée par le créancier, elle ne devait pas être obligatoire lorsque l’estimation de la valeur du bien était possible par le biais d’une cotation officielle ou qu’elle résultait de la volonté des parties. Cette assimilation de l’attribution judiciaire à une dation en paiement a des conséquences en matière de procédure collective. En effet, pour savoir quand le créancier peut mettre en œuvre cette faculté, il faut déterminer si elle est concernée par l’article L622-21 du code de commerce prévoyant que le jugement d’ouverture suspend les poursuites tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent, et interdisant les voies d’exécution. Si l’attribution judiciaire ne conduit pas a priori au paiement d’une somme d’argent, son exercice lors de la période d’observation serait contraire à la volonté du législateur de tout faire pour redresser l’entreprise avec la nécessité que cela implique de conserver le matériel utile. De plus, son assimilation à une dation en paiement conduit bien à l’extinction de la créance ce qui est contraire à l’interdiction du paiement des créances antérieures. L’acquisition de la propriété comme sanction d’un défaut de paiement est nécessairement une voie d’exécution. S’agissant du plan de continuation, l’attribution judiciaire semble à nouveau être impossible car le créancier sera soumis aux délais du plan. La jurisprudence a d’ailleurs confirmé le raisonnement en jugeant que le créancier gagiste « dispose à nouveau de cette faculté après le jugement prononçant la liquidation judiciaire147», ce qui signifie a contrario qu’il n’en dispose pas auparavant. De même, le nouvel article L642-25 offre au créancier gagiste, en cas de liquidation judiciaire, la possibilité de la demander sans attendre l’échéance du délai laissé au liquidateur pour la réalisation. L’intérêt de cette faculté en cas de procédure collective a été révélé notamment par la jurisprudence précitée : le créancier qui en est titulaire pourra, par le biais de son exercice, primer les créances bénéficiant du privilège de procédure. La Cour de Cassation a même reconnu par la suite qu’il primait le super privilège des salaires148. L’attribution se fera en fait un peu hors concours ce qui garantira un paiement au créancier de la façon la plus absolue qui soit, d’autant plus que l’attribution n’étant pas assimilée à la revendication elle ne sera pas soumise à ses délais149. Cette primauté était appréciable au regard de l’autre voie ouverte au créancier, la vente aux enchères, qui ne lui permettait que d’exercer la préférence liée au gage en concours avec les autres créanciers. A défaut de droit de rétention le classement habituel aurait donc eu lieu, reléguant le créancier à une place peu favorable. C’est pour éviter cela et redonner plus de poids aux créanciers titulaires de sûretés réelles que le groupe de travail Grimaldi a entendu développer cette faculté.
Si l’objectif du projet était de poursuivre l’évolution entamée par la jurisprudence (1) les dispositions retenues par l’ordonnance risque bien de remettre en cause cette avancée (2).
La jurisprudence avait déjà considérablement étendu les cas de reconnaissance de l’attribution judiciaire cependant celle-ci restait limitée au gage. Le groupe de travail a donc voulu tenir compte de tous les créanciers titulaires de sûretés réelles, non seulement en cas de défaillance que l’on pourrait qualifier de classique, mais également en cas d’ouverture d’une procédure collective. Il s’agissait aussi de clarifier le champ d’application jusque là tributaire des évolutions jurisprudentielles. Cela s’est traduit par la proposition de dispositions en matière de gage, de nantissement de créance et d’hypothèque permettant au créancier de se faire attribuer par le juge le bien ou la créance en cas de défaillance du débiteur sachant que, pour l’hypothèque, cela ne pouvait viser la résidence principale du débiteur. Le projet prévoyait également une estimation par expert, estimation d’ordre public pour le gage sauf si le bien était coté sur un marché (ce qui venait consacrer l’évolution jurisprudentielle). Enfin dans les deux cas, dans l’hypothèse où la valeur du bien excéderait le montant de la créance, le créancier devait reverser la différence au débiteur ou la consigner s’il existait d’autres créanciers gagistes150. Les articles se faisaient là l’écho des principes généraux insérés au début du livre IV postulant notamment que la garantie ne pouvait être source d’enrichissement pour le créancier151, principe conforme à la jurisprudence antérieure. Pour les membres du groupe il ne s’agissait que de s’inscrire dans ce mouvement déjà entamé par la jurisprudence de reconnaissance progressive de cette faculté à un nombre de plus en plus grand de créanciers152. La consécration en matière de gage et de nantissement était en effet conforme à la jurisprudence qui avait détaché l’attribution judiciaire du droit de rétention. Mais c’est surtout en matière d’hypothèque que cela apportait une réelle simplification dans la réalisation de la sûreté, les créanciers devant jusque là passer par la voie de la saisie immobilière et de la vente forcée conformément aux modalités prévues par les procédures civiles d’exécution153. Et en cas de procédure collective ouverte à l’encontre du débiteur, si les arguments s’opposant à l’attribution judiciaire lors de la période d’observation restaient toujours valables, plus rien ne justifiait le cantonnement à l’article L642-25 précité. L’attribution judiciaire aurait pu être exercée lors de la liquidation par tous ses bénéficiaires ce qui aurait conduit à une modification considérable de l’ordre des paiements. Les créanciers gagistes, nantis et hypothécaires auraient eu la faculté de primer tous les autres créanciers y compris ceux titulaires d’un privilège général comme le super privilège des salaires ou le privilège des frais de justice. Toutes ces conséquences sont cependant présentées au passé du conditionnel car l’ordonnance finalement adoptée ne traduit pas la volonté de départ.
L’ordonnance du 23 mars 2006 reprend en apparence la totalité des propositions du groupe de travail sur ce point. Elle consacre en effet la reconnaissance de l’attribution judiciaire au profit des créanciers gagiste154, nanti et hypothécaire achevant la séparation de cette faculté et du droit de rétention. Elle ne pourra cependant avoir lieu au cas où l’hypothèque porte sur la résidence principale du débiteur155. Cette dernière précision s’inscrit dans un courant législatif plus large consistant à protéger le débiteur contre des engagements excessifs, on pense notamment à la loi du 1ier août 2003 dite loi « Dutreil » prévoyant la possibilité pour lui de rendre insaisissable son habitation principale. De même, bien que l’énonciation des principes généraux en début de livre ne soit pas reprise, dans les trois cas les dispositions prévoient l’obligation pour le créancier de restituer, le cas échéant, l’excédent au débiteur ou de le consigner au profit d’autres créanciers. Enfin, les dispositions régissant l’attribution judiciaire en matière d’hypothèque prévoient que l’estimation devra être fait par un expert désigné à l’amiable ou judiciairement. L’expert judiciaire n’interviendra donc qu’à défaut d’accord ce qui dans le cas d’une réalisation hors encadrement judiciaire (hypothèse de la clause compromissoire) a suscité, on le verra, de nombreuses objections. Ici ces objections se font moins pressantes dans la mesure où le juge autorise l’attribution et si la Cour de Cassation maintient sa jurisprudence récente, l’estimation devra intervenir avant cette autorisation156. Cependant, la modification de l’article régissant l’opposabilité du livre IV à la procédure collective risque d’avoir des conséquences fâcheuses. Interprété strictement il pourrait conduire la Cour de Cassation à n’autoriser, lors de telles procédures, que ce qui est expressément prévu par les dispositions les organisant. Or, l’attribution judiciaire est seulement évoquée par l’article L642-25 lequel ne vise que « le créancier gagiste ». Et, même si l’ordonnance a modifié l’article L521-3 introduisant la possibilité de l’attribution judiciaire pour le gage commercial, cet article ne régissant pas la procédure collective ne pourra être invoqué. Cela exclurait donc l’opposabilité de l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué à la procédure. Concernant le nantissement, un doute est également possible puisque le nouveau livre IV le distingue très nettement du gage. Toutefois, la jurisprudence et même le code de commerce avaient tendance jusqu’à présent à confondre les deux termes ce qui peut laisser penser que la Cour de Cassation ne reviendra pas sur sa reconnaissance de l’attribution judiciaire au nantissement. L’élargissement aux immeubles de cette faculté souhaité par le groupe n’est donc pas réellement consacré. Sa faible efficacité en cas de procédure collective et surtout la lourdeur de sa réalisation encore d’actualité poussaient les créanciers à placer leurs espoirs dans l’autorisation du pacte commissoire. Mais à nouveau l’efficacité ne sera pas au rendez-vous.
L’une des avancées les plus médiatiques de l’ordonnance a été de mettre fin à la prohibition du pacte commissoire. Ce dernier permet au créancier de s’approprier, par le biais d’une stipulation contractuelle, donc sans autorisation judiciaire, le bien grevé an cas de défaut de paiement. Si la fin de la prohibition semblait s’inscrire dans la droite ligne des avancées jurisprudentielles (A) son admission se révèlera probablement inefficace en cas de procédure collective (B).
Pendant près de deux cent ans la prohibition du pacte commissoire est restée consacrée en droit français (1) et ce, malgré un net assouplissement jurisprudentiel. (2)
Jusqu’à présent le code civil posait le principe de la prohibition du pacte commissoire à deux occasions. Pour le gage en premier lieu, car selon l’article 2078 du code civil et l’article L521-3 du code de commerce « le créancier ne peut à défaut de paiement disposer du gage » mais également pour l’antichrèse où l’article 2088 dispose que « le créancier ne devient point propriétaire de l’immeuble par le seul défaut de paiement au terme convenu ; toute clause contraire est nulle ». La jurisprudence a également étendu l’interdiction au gage automobile157. La principale raison de cette prohibition était la protection du débiteur. Les rédacteurs du code voulaient en effet empêcher que le créancier puisse profiter de son pouvoir pour inclure une telle clause dans une convention alors que la valeur du bien aurait excédée très nettement celle de la créance. Il fallait protéger le débiteur d’un risque de spoliation. Et c’est pour les mêmes raisons que le code interdit aussi la clause de voie parée ( |
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