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Les associations dans le système sanitaire et social en France : des territoires de l'invisible. Sebastien FLEURET CNRS – UMR 6590 Espaces géographiques et Sociétés CARTA, 35 rue de la barre 49 000 Angers- France sebastien.fleuret@univ-angers.fr RésuméLe champ de la santé pris dans son sens large, c’est à dire étendu à l’ensemble du secteur socio-sanitaire, est un domaine spécifique quant aux mouvements associatifs que l’on y rencontre. Ceux-ci se positionnent comme toute association selon une posture militante, mais doivent en sus, s’intégrer dans des systèmes et réseaux locaux. Cet article propose une étude du rôle tenu par ces associations basée sur un exemple localisé dans l’Ouest de la France. Dans un premier temps le cadre socio-sanitaire est défini ainsi que les associations de secteur. Dans un second temps, il est démontré que les associations comblent localement les vides du système de santé avec une distinction notable entre les associations gestionnaires de service qui tendent à intégrer ce système et une nébuleuse d’associations moins structurées et peu repérables qui forment des « territoires de l’invisible ». ABSTRACT When extended to the whole socio-sanitary sector, the field of health care is a specific domain when it comes to community organisations. As most organisations, they adopt a militant ideology but they also have to blend into local health networks. This paper examines the role played by such organisations based on an example from Western France. The socio-sanitary context is first defined as well as the organisations found in the study area. Further, it is argued that these organisations fill gaps in the health care system at the local level with a notable distinction between organisations managing the services, which tend to become integrated into the system, and an ill-defined group of organisations, less structured and not much discernible, which forms “spaces of the invisible”. La santé, le social et les associations en FranceVouloir comprendre le rôle des associations dans le système de santé en France procède d’une double gageure : délimiter le champ de la santé dans une organisation fragmentée et cloisonnée et pouvoir définir précisément selon quels critères une association se range dans le champ de la santé. Un système de santé ne peut être défini par sa seule dimension curative (HENRAD, ANKRI, 1996). L’OMS a défini la santé comme étant plus que la seule absence de maladie : un bien-être complet, physique, moral et social. Le système de santé est l’ensemble des agents qui concourent à la production de ce bien-être, c’est à dire les administrateurs et financeurs, les acteurs et infrastructures et les usagers. Le mouvement associatif n’apparaît pas dans les organigrammes sanitaires officiels françaisi. Pourtant, un grand nombre des services de proximité en santé émanent des associations. C’est particulièrement le cas dans le domaine de l’hébergement de type médico-social (personnes âgées, personnes handicapées) dont 80 à 90 % des établissements du secteur sont en gestion associative. On observe également une grande densité d’associations dans les domaines de l’information, du conseil en santé, de l’accompagnement et du soutien des malades ou de leurs familles. Les associations oeuvrent dans un contexte relativement peu coordonné, hors des aspects strictement réglementaires. En France, la santé et les affaires sociales relèvent de deux ministères distincts. Toute offre à l’interface du sanitaire et du social se situe dans une sorte d’angle mort. Et pourtant, les passerelles entre le secteur social et celui de la santé médicale sont multiples et permanentes. Et elles touchent aux politiques du territoire. Ainsi, par exemple, la ville qui n’a pas de réelle compétence en santé va être conduite à prendre des mesures sanitaires dans le cadre de politiques dont elle a la charge, telles que le logement (ex. prévention du saturnisme –FASSIN, 2001) ou l’éducation (vaccination, éducation pour la santé à l’école, ..) ou encore l’action sociale. Ainsi, une assistante sociale de quartier aura régulièrement à accompagner des personnes dans leurs démarches de santé. L’illustration la plus significative de cet état de fait est celle de la couverture maladie universelle (CMU) : toute constitution de dossier pour percevoir un revenu minimum d’insertion (RMI) enclenche une procédure d’acquisition de droits au regard de l’assurance maladie. L’hôpital que l’on a voulu dégager des contingences sociales par une loi de 1970ii le limitant à « procéder aux examens diagnostics et à assurer les traitements » se voit cependant obligé de fournir une réponse sociale à tout un ensemble de patients accueillis notamment au service des urgences et de s’ouvrir sur son environnement afin de mieux maîtriser ses pratiques ambulatoires. Chacun empiète sur le domaine du voisin. La coordination est supposée se faire au niveau régional par le biais des Directions régionales des affaires sanitaires et sociales, seuls organismes en France à accoler les deux termes « santé et social », mais qui n’ont par exemple aucun fondement à s’immiscer dans les affaires municipales. À côté de ces chevauchements, il subsiste des zones d’ombre, des domaines desquels la puissance publique s’est retirée ou sur lesquels elle ne s’est pas encore penchée. Dès que l’on entre dans la sphère privée, l’environnement immédiat de l’individu, sa place et son rôle de citoyen-usager du système, la perception des espaces et des réseaux se brouille Tout un ensemble d’organismes à but non lucratif a, en France, investi les deux champs d’interventions dans lesquels les institutions ne sont pas ou peu présentes : la fédération des « bonnes volontés » et le comblement des vides institutionnels. Mais le fait associatif, tout particulièrement dans le domaine sanitaire et social constitue une nébuleuse aux contours flous et au contenu méconnu. Les associations en France disposent d’un statut original qui relève d’une loi dite « loi 1901 » qui fait de ces structures à la fois des regroupements de bénévoles et des organismes à but non lucratifiii. Le fait associatif a été assez largement étudié en France (CNVA, 2003) en tant qu’acteur d’un tiers secteur économique (ARCHAMBAULT et TCHERNONOG, 1994 ; MARCHAND, 1994 ; FOUREL et LOISEL, 1999), ou encore comme acteur de la société civile et indicateur de changement social (FORSE, 1984 ; LAVILLE & SAINSAULIEU, 1997). L’approche présentée ici est centrée à la fois sur un exemple spatialisé (une organisation territoriale locale) et sur une délimitation sectorielle (le socio-sanitaire) et s’inscrit donc dans une démarche relevant de la géographie socialeiv. Cet article propose dans un premier temps de préciser ce que sont les associations du domaine sanitaire et socialv en les replaçant d’une part au sein du mouvement associatif, d’autre part dans le champ de la santé. Dans un deuxième temps, le rôle des associations dans les systèmes locaux de soins et services sociaux-sanitaires sera étudié sur la base d’une double enquête réalisée en 2003 dans l’Ouest de la France. Enfin, un troisième temps ouvrira une discussion sur l’avenir : va-t-on vers une plus grande visibilité du tiers secteur associatif dans le domaine de la santé en France ? Le fait associatif en santé : mais de quoi parle-t-on au juste ? Un domaine très variéLa loi du 1er juillet 1901 définit, en France, une association comme un contrat entre, au minimum, deux personnes : personnes physiques ou personnes morales. L'association se caractérise par sa permanence selon une durée fixée par les membres et existe même quand ceux-ci ne sont pas collectivement réunis. Les associations « loi 1901 » sont des organismes à but non lucratif dont les buts et objets peuvent être variés : mise en commun de savoirs, partage de temps de loisirs, défense d’intérêts, gestion de services, coordination de réseaux, etc. Des domaines eux aussi très variés, ont été investis successivement au cours du XXème siècle. La première phase de développement s’est faite principalement vers les activités sportives, d'une part, et des dispositifs d'assistance, d'autre part. Dans l'après-guerre, la vie associative a vu l’émergence des mouvements de jeunesse, d'éducation populaire et de tourisme, des associations familiales et des associations caritatives. Les développements les plus récents ont été le fait d'associations culturelles, de défense des minorités, de défense des consommateurs et de protection de l'environnement. Le secteur sanitaire et social se trouve quelque peu noyé dans cet ensemble ; aux confins des mouvements caritatifs, humanitaires et des dispositifs d’assistance et de défense d’intérêts. Du fait, certainement, de cette complexité, la participation des associations au secteur de la santé est assez peu lisible. À notre connaissance, peu de travaux ont porté spécifiquement sur les associations du secteur sanitaire et social et l’ont fait sous l’angle des rapports de ces associations aux pouvoirs publics (ALIX, 1993) et sous l’angle de la structuration de ces organisations (DEMOUSTIER et al., 1996). En santé, une entrée thématique mène, dans nombre de travauxvi, à évoquer le rôle et la place des associations par l’étude de la place de l’usager dans le systèmevii. Mais cette entrée est restrictive car elle se cantonne à la représentation des droits individuels, n’abordant que partiellement plusieurs pans du fait associatif en santé : l’offre alternative de services, la promotion et l’éducation à la santé, la collecte de fonds pour la recherche et l’aide et le soutien moral aux personnes. D’autres approches sont plus thématiques : M. JAEGER (1993), par exemple, évoque le rôle des associations dans le domaine de la santé mentale. Le mélange des genres s’accentue dans la confusion des termes. Santé, médical, sanitaire, social, caritatif et humanitaire se croisent et se superposent rendant difficile la délimitation du champ d’une étude portant sur les associations de la santé. DEMOUSTIER et Al., avaient fait le choix de retenir la typologie courante qui distingue les associations centrées principalement sur la sociabilité, les liens sociaux de proximité, celles qui ont développé des activités de gestion d'établissements et de services, et enfin les associations caritatives et humanitaires, tout en mentionnant les limites de ce bornage. Un autre document, l’annuaire des associations de santé en France (TRICOT), a choisi une classification par secteurs d’intervention identifiant 41 rubriques correspondant à des pathologies ou à des problématiques sanitaires allant de l’aide à domicile au VIH-SIDA. Pour autant, cette classification ne permet de recenser qu’une dizaine de milliers d’associations dans le champ de la santé et ne clarifie pas la limite entre le secteur de la santé et celui plus large du sanitaire et du social. Dénombre, recenser, répertorier, …Une étude du Journal Officiel, registre légal de déclaration des associations nous fournit l’estimation suivante : environs 40 000 associations oeuvrent en France dans le champ élargi de la santéviii. Cette estimation comporte un certain nombre d’incertitudes du fait de la source. En effet, de nombreuses associations n’ont plus de réelle activité mais n’ont pas fait l’objet d’une déclaration de dissolution en préfecture. Inversement, d’autres organisations apparaissant au registre sont en fait des fédérations ou regroupements de plusieurs structures réparties sur des territoires différents. Cependant, il semble que le chiffre avancé plus haut soit proche de la réalité si l’on se fie à des extrapolations faites à partir d’études régionalesix. Il n’existe aucun répertoire exhaustif national ou local des associations de santé. Certaines municipalités, les caisses d’assurance maladie, les directions des affaires sanitaires et sociales ainsi que divers professionnels de la santé et du social rencontrés, proposent des listes de références associatives à leurs usagers nécessitant une prise en charge hors de l’offre institutionnelle. Mais ces listes ne se recoupent pas. Chaque structure territoriale, chaque organisme développe ainsi ses réseaux de référencement. De ce fait, les parcours individuels au sein du système local de santé vont varier selon la porte à laquelle l’individu aura frappé à son entrée. Est-ce à dire que tout recensement exhaustif est impossible ? Une première étape passe par la définition plus précise de l’appellation « association de santé». Essai de définition Parler de santé au sens entendu par l’OMS (bien-être) conduit invariablement à s’interroger sur les conditions d’existence de l’individu, bien au-delà du diagnostic médical de son état. Les services à la personne qui influent sur sa santé peuvent relever de domaines très disparates renvoyant à des champs de politiques publiques hors des seules politiques de santé. Il faut donc considérer les associations de santé comme l’ensemble des organisations intervenant dans une sphère que nous nommerons « socio-sanitaire ». Mais face à l’étendue de ce domaine, il faut bien se résoudre à restreindre le champ d’étude, ne pouvant prétendre à l'exhaustivité. Figure 1 : Les différentes composantes de la sphère socio-sanitaire ![]() Par conséquent, les associations « socio-sanitaires » étudiées ont été celles oeuvrant dans les domaines suivants:
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