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Sommaire IntroductionL’unité territoriale du « cadre de vie » est un objet d’attention particulier des maires urbains. Cette échelle, plus que floue pourtant, recèle des « enjeux » qui structurent l’agenda d’une mandature : tranquillité publique, qualité de l’air, densité et proximité des services et des commerces… Ces enjeux transversaux constituent des mythes mobilisateurs sur lesquels les campagnes municipales de mars 2001 se sont largement appuyées. Au lendemain des élections, 55% des maires élus souhaitaient en faire un objectif prioritaire1. La notion est adaptable à tous les territoires : maire des grandes, moyennes et petites villes peuvent la mobiliser. La notion est adaptable à tous les enjeux et toutes les politiques : logement, transport, tranquillité, école, tout rentre dans le cadre de vie et chacun peut se servir de ce label. En tous les cas, c’est donc un objet commun d’action publique territoriale, que l’on peut identifier d’une ville à l’autre, même si les espaces et les configurations d’acteurs sont différenciés. A l’échelle nationale, parler de cadre de vie permet donc de mettre en comparaison les territoires. Appliquée à une ville en particulier, la notion permet d’identifier ce que le maire « fait pour les habitants ». En termes de politiques publiques, cela se traduit par la possibilité de mener des politiques locales dont les enjeux structurants sont lisibles dans tous les territoires. A ce titre, elle est un support de montée en généralité. Il ne s’agit plus de dire que le local recèle d’enjeux propres ou qu’en adaptant sa focale à cet espace2, on puisse trouver des reproductions des enjeux globaux. Au contraire, il convient de parler de territoire, afin de marquer que les enjeux nationaux sont les enjeux tels qu’ils sont formulés dans ces espaces et rendus lisibles par eux. Le cadre de vie est un trait d’union entre le spécifique et le général. Le maire d’une ville moyenne peut promouvoir sa politique anti-voiture dans des médias nationaux et plaider pour sa validité générale dans le cadre d’une politique environnementale. De même, le promoteur d’une politique de médiation sociale peut justifier la mise en place de sa politique par le fait qu’une ville voisine l’a expérimenté avec succès. Ainsi, la « crise de la représentation » du territoire national3 trouve son pendant dans la capacité d’évocation et d’illustration que procurent les enjeux et politiques du « cadre de vie » – elles constituent un espace de politiques publiques. Cela reste néanmoins un espace hétérogène. La notion permet à chacun d’investir sa propre représentation et pratique de l’urbain, même forgées dans un espace complètement différent. Le cadre de vie affadit les cartes mentales, et mélange les échelles : « Banlieues ghettos, quartiers populaires, ville éclatée4 », quartiers relégués … font-ils partie du « cadre de vie » ? Si la territorialisation de l’action publique, comme objectif de la politique de la ville, trouve dans le cadre de vie une expression symbole, il n’en reste pas moins que les quartiers sont dans des situations très spécifiques et font l’objet d’attentions très différenciées d’une ville à l’autre. Section 1.Le service des Cdn : innovation et « diffusion »Le service « des Correspondants de nuit » (Cdn) a été inventé à Rouen au début des années 1990 – il a commencé à fonctionner en janvier 1992 – pour répondre aux problèmes de la non-intervention de professionnels et des institutions dans les quartiers d’habitat social. Il a été conçu par un travailleur social employé de l’OPHLM (M. Armand Schmidt), et la directrice de la régie de quartier. Un service de Cdn a été expérimenté à Rennes durant le deuxième semestre de l’année 1994 (à l’initiative d’un conseiller municipal, M. Jean-Yves Gérard), puis mis en place définitivement à compter du mois d’avril 1996. Il est géré par des structures différentes : à Rouen, il s’agit d’une régie de quartier, structure dont les formes internes sont directement commandées par l’appartenance à un organisme national, le Comité National de Liaison des Régies de Quartier. Les régies de quartier sont basés sur un projet aux lignes idéologiques précises : il s’agit de travailler à l’insertion des habitants d’un quartier en les embauchant pour gérer des services d’utilité locale (entretien de voirie, travaux ménagers, entretien des espaces verts, médiation). A Rennes, il s’agit d’une régie de service, Optima et qui développe de même manière une offre de services à l’attention des entreprises et des collectivités locales. Le service des Cdn représente donc l’investissement d’acteurs aux marges de la sécurité publique, dans un domaine que l’on peut intituler « tranquillité publique5 ». Sur le terrain, le dispositif se traduit par la présence nocturne d’équipes de médiateurs, entre 20h et 3h du matin à Rouen, entre 21h et 4h à Rennes. Les médiateurs, d’une ville à l’autre, ont des missions diverses. Elles vont de la maintenance et de la veille technique au soutien à personne en détresse, en passant par la gestion de conflits entre voisins. Les médiateurs sont appelés sur un téléphone portable par les habitants, et interviennent uniquement à leur demande. En 2001, on peut estimer que près d’une cinquantaine de villes – associations, régies de quartier, organismes logeurs, municipalités – disposent d’un service de médiation dont les agents interviennent de nuit. Si la question se pose déjà du fait que deux villes ont été à peu de temps près pionnières en la matière, le bourgeonnement des service sur tout le territoire national interpelle : alors que l’on parle d’un mode de territorialisation, alors que l’on plaide pour l’adaptation des missions des médiateurs au territoire, le label et les pratiques se sont bel et bien « diffusées ». On ne peut longtemps supposer que les différents sites d’intervention des Cdn ont la même composition sociale et un taux de délinquance identique. Afin de comparer les dispositifs et leur territorialité, il faut essayer de distinguer l’échelle à laquelle ils sont installés : échelle d’un quartier ou de plusieurs, positionnement de ces sites dans la ville et dans l’agglomération, échelle de la ville, positionnement de la ville dans l’aire urbaine6. Les acteurs n’ont pas d’idée précise de la trajectoire de diffusion du dispositif. Ils évoquent plus spontanément des vagues d’innovation, mais ne sont pas en mesure de dire quelles villes leur a succédé7. Cela nous paraît d’ailleurs difficile dans la mesure où il est formellement difficile de savoir sur quel site le dispositif existe et où il n’existe pas : à chacun de ces endroits, les acteurs impliqués se trouvent à un stade différent de développement du dispositif (on peut être dans la phase d’information, la phase de conception, de recherche des financements, de recrutement des médiateurs, d’expérimentation, de généralisation…). La seule information accessible, mais peu fiable, est le nombre total de villes intéressées, qui s’élève à une centaine selon l’animatrice du réseau de Optima. Le phénomène de diffusion est matérialisé par l’existence de relations directes entre les villes : des acteurs locaux se sont alors succédés à Rouen et à Rennes pour voir “ce qui se faisait”. Le principe d’un réseau est fondé sur la mutualisation sans intermédiaire entre porteurs du projet Cdn et gestionnaires du service. Le réseau est en cours de constitution. Il n’a pas d’organisation formelle. Une trentaine de villes se joignent irrégulièrement aux colloques et réunions organisées. Le fait que la diffusion des pratiques et leur adoption par d’autres acteurs ne soit visiblement pas médiatisées par l’Etat, que la diffusion soit horizontale et directe, interpelle. Qu’est-ce qui médiatise cette diffusion, quel est le support sur la base duquel les acteurs locaux peuvent construire la croyance dans l’efficacité ou leur intérêt à mettre en place un tel dispositif ? La diffusion horizontale, contre-intuitivement, doit nous amener à repousser l’idée d’un isomorphisme8 ou d’une imitation: adaptées à une échelle particulière et ayant pour sens d’être « territoriales », ces pratiques ne peuvent être transférées mécaniquement grâce à une normativité indue. A notre sens, le fait que l’objet qui se diffuse est une pratique territoriale implique de rejeter cette hypothèse. Nous ne sommes pas dans une logique simple de nodalité9, où la position du diffuseur permet de créer une normativité. Le diffuseur est installé sur un certain territoire, non représentatif. La logique à l’œuvre est une logique de polarité : c’est plutöt le territoire rennais qui représente une référence, une attraction. La logique combinée de polarité pose la question de savoir comment est-ce que l’on construit la force d’une pratique, comment peut-on lui donner les atouts de la représentativité et de la normativité ? Section 2.Questions de rechercheLe service des Cdn, en dépit de l’unité et de la cohérence qui semble caractériser ce label, est une chaîne de pratique. Ce n’est pas un objet, mode de faire ou norme, qui peut dans son ensemble être compris à partir de son nom. Parler des Cdn consiste à parler d’un « dispositif » local. D’une part, le Correspondant de nuit est un intervenant d’un type nouveau dont le but est d’assurer aux élus et institutionnels locaux, ainsi qu’aux organismes HLM, une présence rassurante destinée aux habitants-usagers. Les interventions visent à calmer les conflits de voisinage et les détresses personnelles de la nuit. La multiplication des postes de Cdn, gérés par des associations le plus souvent, illustre donc un phénomène de diffusion d’une pratique pré-professionnelle. Parler du Cdn c’est parler d’un mode ou d’une pratique d’intervention, sur le terrain et, le cas échéant, d’un intervenant particulier (en termes d’appartenance professionnelle, de formation, de diplôme, de statut). Mais d’autre part, le « service des Cdn » a aussi pour but de produire une action à l’encontre des populations qui rencontrent les problèmes les plus aigus au moment où les services publics sont les moins présents. Le service est aussi un dispositif entier qui se compare à d’autres dispositifs publics (celui de la police nationale), municipaux (police municipale), semi-publics (les gardiens et médiateurs des organismes HLM), et tend à les remplacer en ceci qu’il produit une informations qu’eux sont inaptes à produire. De ce point de vue là, le service des Cdn a fait l’objet d’intentions spécifiques de la part d’acteurs qui ne sont pas des professionnels de terrain, mais plutôt des acteurs institutionnels locaux. Le service a même pour but de « re-mobiliser » ces institutions, décalées par rapport aux problèmes et aux plages du temps vécu10. A notre sens, parler d’un dispositif implique de faire allusion à ce double aspect : on parle d’une pratique d’intervention et d’une pratique de mobilisation. La diffusion de pratiques de mobilisation représente un enjeu car elle supposerait que les territoires reprennent la pratique de ceux qui, élus ou autres types de porteurs, répandent un mode d’engagement. Selon le terme que l’on choisit, on pourrait donc dire qu’il y a construction d’un milieu professionnel de technotable (optique de J.-P. Gaudin11) ou diffusion d’une forme de leadership (optique de W. Genieys et A. Smith12). Par conséquent, la diffusion d’un « dispositif » est un enjeu de normalisation, non seulement du travail de terrain opéré à l’échelle des quartiers, mais des actions menées en faveur des quartiers. Une telle diffusion signifierait que les réseaux sont en mesure de proposer un « projet pour le territoire », alors même que l’Etat ne parait pas en mesure de le faire13. Il y aurait une sorte de réappropriation par les réseaux de professionnels de l’objectif de la politique de la ville de renouveler l’action publique14. Les approches de l’institutionnalisation insistent généralement sur la rationalité associée à une pratique labellisée, cohésive et identifiable. Autant en économie de l’innovation que dans la sociologie des organisations néo-institutionnaliste, les travaux se penchent sur l’adoption de techniques ou technologies identifiables – où l’adoption signifie qu’il y a changement. Adoption et changement sont alors des marques de l’institutionnalisation. L’extension de l’usage du label « Cdn » peut amener à penser qu’il s’agit d’un dispositif « tout-terrain », adopté dans des territoires divers. Mais on ne peut que difficilement parler d’ « adoption » dans ce contexte où les pratiques que recouvrent le label des Cdn sont, d’une part, un ensemble composite parmi lequel les acteurs peuvent faire un tri15, et qui sont, d’autre part, territoriales et valorisées comme telles. Alors l’usage du label Cdn traduit-il directement la diffusion d’une norme, ou l’installation du service sur un autre territoire le rend il étranger à ce qu’il était initialement ? Dans quelle mesure peut-on dire que la diffusion est synonyme d’institutionnalisation ? Plus précisément : Comment les pratiques sont-elles reconstituées sur les territoires ? Un réseau de villes est-il en mesure de contrôler l’apprentissage ? Peut-il, sur la base de la multiplication des dispositifs utilisant le label, construire la comparabilité des territoires, c’est à dire proposer des normes d’action publique ? Section 3.Le sens de la diffusion d’un dispositif. Eléments d’approchePlusieurs éléments d’approche découle de la double nature des pratiques susceptibles d’être transférées : § 1.L’approche dynamique de la gestion publique territorialeLa distinction et l’interaction entre ces deux formes de pratique (d’intervention, de mobilisation) n’apparaît que dans le temps16. En effet, l’intérêt de déconstruire le terme « dispositif » vient de ce qu’il réfère à une réalité statique, à une liaison stable et invariable entre un intervenant de terrain et des partenaires institutionnels. Il fait allusion à un processus remontant. Mais si l’on insiste sur la distinction entre mobilisation et intervention, c’est parce que l’on pense que les deux formes de pratiques sont interdépendantes : la mobilisation prend pour objet l’intervention. Mais pour les Cdn, l’objet de leur travail est, pour partie, la mobilisation de ces institutions. La pratique d’intervention est à la fois objet et outil de mobilisation. La « mobilisation » commence lorsqu’un porteur s’auto désigne pour porter le projet de mettre en place les Cdn, conçoit un dossier et commence à faire un tour de table des partenaires locaux afin de concevoir avec eux un financement et de mettre sur pied une structure gestionnaire du service. Les pratiques d’intervention elles aussi existent avant qu’elles se réalisent sur le terrain. En effet, la mobilisation prend pour objet des pratiques d’intervention, telles qu’elles sont imaginées et anticipées par ces acteurs réunis sur un projet. Les uns et les autres, à partir des références professionnelles qu’ils possèdent, vont contribuer à définir un espace d’intervention et à installer les conditions d’occupation de cet espace. Ainsi, les pratiques d’intervention existent virtuellement dès le départ du processus de mobilisation, et cela aura des effets sur leur réalité ultérieure puisque les acteurs mobilisés vont façonner le service. A mesure que le service s’installe et que les pratiques se mettent en place cependant, les pratiques d’intervention deviennent un outil de mobilisation. En effet, le sens d’un service des Cdn tel qu’il est promu par ses partenaires et gestionnaires locaux est qu’il permet d’apporter des informations sur le cadre de vie la nuit, alors que les services publics et les systèmes d’information sont éteints. Les interventions permettent de renouveler les diagnostics nécessaires aux partenaires locaux pour réviser leurs modes d’action. Pour utiliser le langage des Cdn, l’« inter » est un élément de régulation de tout le dispositif. Il faut noter donc que la pratique d’intervention est à la fois l’objet et l’outil d’une mobilisation – à la fois substance et procédure – et que cette interdépendance change dans le temps, ne serait-ce que parce que nous avons affaire à des pratiques naissantes. Cette interaction entre deux formes de pratiques commence avant la première nuit de présence des Cdn sur le terrain. L’intelligibilité d’un dispositif de médiation - surtout, des intentions que ce dispositif porte (puisque apparemment ce sont bien les intentions et les intérêts qui, dans l’usage du terme médiation, posent question17) se gagne en l’étudiant comme un processus de mise en place et de fonctionnement d’une interaction procéduralisée entre une intervention et une mobilisation. Ce qui nous intéresse dans cet objet est donc le fait que la diffusion, fondamentalement, est celle d’une double pratique : pratique d’intervention, et pratique d’engagement (ou de mobilisation) de décideurs locaux dans un projet qui concerne un terrain spécifique (d’ailleurs habituellement délaissé : les quartiers d’habitat social). On pose ici que la clarification du contenu de la norme Cdn est une question de temporalité : le dispositif dans les territoires ne se stabilise qu’après des mois et des années de fonctionnement, de même que les relations entre territoires et Etat central dépendent de la succession des enjeux dans l’agenda gouvernemental par exemple. § 2.L’approche interscalaire comme approche de la ville et des quartiersLe deuxième élément d’approche a pour but de construire les allusions que l’on fera à la « ville » ou à l’urbain : il convient de parler en termes d’ « échelle »18. Pour l’expliquer, on pose une distinction entre pratique et procédure. Dans notre sujet, ce qu’on appelle des procédures, ce sont les démarches contractuelles que l’Etat central met à disposition des territoires pour organiser l’action publique collective. Ces démarches sont le cœur d’un processus d’institutionnalisation de l’action collective. On supposera dans le mémoire que les procédures sont territorialisées, c’est à dire que les acteurs se les approprient, souvent par le biais d’une personnalisation forte. Parler de pratiques dès lors nous amène à dire que l’on se trouve dans un domaine non procéduralisé, non balisé, non investi par les acteurs locaux. Les pratiques, elles, partent d’un objet, qui, investi dans une relation sociale, contribuera à former l’interaction. Les pratiques s’opposent aux procédures en ceci qu’elles s’élaborent sur un objet particulier, et qu’elles peuvent de ce fait apparaître comme légitimes, même si elles sont du domaine de l’informel19. Dans le cas des Cdn, cet objet particulier est le Cdn, ou sa pratique d’intervention. Notre hypothèse est que nous sommes effectivement dans un domaine de pratique parce qu’un tel objet n’est pas habituel pour des décideurs locaux. D’une part, ceux-là n’ont pas l’habitude de disserter sur les missions et les compétences de ceux qui participent au champ de l’intervention sociale. D’autre part, ces acteurs n’ont pas l’habitude de négocier au sujet de ce qui doit se faire, au plus près du terrain, et dans le détail, dans les quartiers d’habitat social. Ainsi, la distinction majeure entre pratique de mobilisation et pratique d’intervention est une différence d’échelle. La pratique de mobilisation se déroule à l’échelle de la ville, de la circonscription, de l’agglomération ou du département : c’est à cette échelle institutionnelle que les partenaires appartiennent (DDSP ou Commissariat, Procureur, Organismes HLM, Municipalité, Conseil Général parfois...). La pratique d’intervention se déroule à une toute autre échelle, d’espace et de temps : il s’agit de quartier, la plupart du temps relégués ou déshérités, plus homogènes socialement et ethniquement ; et il s’agit de la nuit - et l’organisation du service des Cdn comme les paroles qu’ils tiennent sur leur travail s’en ressentent. Il est plus heuristique de parler d’échelle lorsque l’on s’intéresse à la ville. Cela permet de rompre avec le sens commun caché derrière le terme quartier et qui force à parler du quartier en opposition et en tension avec la ville, en termes de sécession. Or, si le terme est si répandu, c’est bien parce que toute ville a des quartiers. Et habiter dans un quartier n’est pas habiter dans une ville. Les « voisins pertinents » des habitants d’un quartier sont ceux qui habitent dans un autre quartier. L’idée de proximité est ici trompeuse. Pour en sortir, il faut considérer que le « quartier » constitue une échelle de vie et de pratique à part entière. Pour relier ces considérations aux pratiques de mobilisation et d’intervention, on dira donc que l’interaction entre ces deux formes de pratique est une interaction entre deux échelles de l’urbain. Cette interaction porte toutes les possibilités de construction du sens et de diffusion du « dispositif » des Cdn. On est ici dans le domaine des pratiques car aucune procédure ne s’intéresse à ce point, dans le détail, à régler les interactions entre acteurs jouant sur des plans de jeu qui sont parfois complètement étanches20. § 3.Approche des phénomènes de réseau et de diffusionDans la mesure où le dispositif des Cdn enferme des pratiques de mobilisation et d’intervention, les territoires – ou plutôt les acteurs locaux – qui se rencontrent sur ce thème s’engagent dans des transactions complètes. Le dispositif des Cdn interpelle diverses professionnalités, pas seulement celle des agents de terrain. Les acteurs eux-mêmes s’engagent dans la comparaison des territoires. La question de la comparaison des territoires se pose déjà pour les chercheurs. On affirme la singularité des territoires - la tentation reste d’utiliser le vocable du « local », qui réfère à la singularité des espaces face au gouvernement par un « centre ». Par ailleurs, on travaille sur l’économie des relations entre acteurs et entre dispositifs au sein de ces territoires, en marquant la possibilité de comparer les territoires21. Néanmoins, on pense que lorsque les chercheurs s’interrogent sur l’objet ALMS ou Cdn, ils s’intéressent davantage aux pratiques d’intervention. Comme il n’existe pas de norme qui puisse aider à dire si les pratiques de terrains sont bonnes ou non - il n’existe pas encore de statuts, ni de code de déontologie, c’est bien la spécificité de ces métiers émergents - les enquêtes sur les pratiques dans différents territoires ne peuvent poser la question de la comparabilité de ces sites et de leur représentativité. Par conséquent, ils substituent à cette interrogation des observations toujours plus en profondeur, des entretiens avec les médiateurs, pour dégager quoi ? Qu’il n’y a pas de norme qui nous permette de juger de la qualité des pratiques... mais que du point de vue des médiateurs comme de ceux des acteurs institutionnels, il y a un flou sur leur statut et leurs missions. Dès lors le pessimisme règne, parce que la généralisation est plus difficile à faire. L’intérêt de notre objet par rapport à cela est que les acteurs institutionnels sont quant à eux d’emblée optimistes sur les Cdn. Ce qui est en jeu dans la multiplication des services de Cdn et dans la constitution d’un « réseau des villes Cdn », c’est bien la diffusion de l’idée que « ça marche » - et donc l’existence éventuelle d’une norme. On pense qu’une telle norme, puisqu’elle est manipulée par ceux qui mettent en place des services de Cdn et les gèrent, s’élabore pendant la mobilisation : la présentation d’une pratique d’intervention aide à convaincre les partenaires de financer un service nouveau. La recherche doit se porter sur les processus de mise en place des services, la manière dont on passe du portage à la gestion d’un dispositif. D’un intérêt pour les « métiers » (qui comporte un biais implicite puisque le terme suppose que les pratiques sont homogènes d’un intervenant et d’un contexte à l’autre), il faut passer à un intérêt pour les pratiques de mobilisation et l’action collective. Surtout, il s’agit de voir en quoi ces formes de mobilisation sont semblables d’une ville à l’autre. Associée à l’apparition de réseaux entre acteurs locaux, la question est de savoir si l’existence de relations un tant soit peu denses et stables entre les villes a un effet sur ces processus - savoir si les réseaux d’acteurs locaux tendent à pouvoir homogénéiser ces processus et donc construire une norme - du portage, une norme de construction d’une norme d’intervention. Ce qui est en jeu dans l’existence de réseaux « de ville » (en fait des réseaux d’acteurs, individuels ou collectifs, exerçant un des « métiers de la ville »), c’est la comparaison et les relations entre territoires comme dimension de la conception des problèmes et des procédures d’action publique. En ce sens, l’objet « réseau » prend un sens beaucoup plus large que le sens que lui donnent les acteurs. Il ne s’agit pas seulement d’une forme d’action collective, mais il s’agit de l’ensemble des relations inter-territoriales qui amènent les acteurs à comparer leurs territoires à d’autres. Cependant, dès lors que l’on s’intéresse à l’influence des relations inter-territoriales sur quelque chose d’aussi vaste que la conception locale des problèmes et des procédures d’action publique, l’idée de diffusion se complexifie nettement. En effet, dans la mesure où l’on fait l’hypothèse que ces pratiques sont dynamiques, que leurs caractéristiques et leurs effets n’apparaissent aux acteurs qu’avec le temps, on ne peut plus vraiment parler d’ « adoption ». Par ailleurs, puisque les pratiques diffusées sont des pratiques de mobilisation, l’adoption n’est pas individuelle, mais elle est collective. En outre, l’importation de la référence Cdn fait jouer les relations stabilisées entre des acteurs locaux. La référence des Cdn se moule dans la convention territoriale existante. Quel sens a alors un critère d’adoption de la pratique ? Un acteur qui plaide pour la proximité dans l’enceinte du territoire où il intervient refuse t’il d’adopter le dispositif des Cdn au titre qu’il correspond à d’autres conditions de mise en œuvre ou est-il un adepte inconscient en ceci qu’il répond à l’injonction de proximité ? De ce fait, on doit reprendre la distinction faite entre « adopter une innovation » et « être innovatif22 ». Derrière le label Cdn peuvent exister des pratiques toutes différentes. Derrière un label différent peuvent exister les mêmes pratiques. La nature particulière des pratiques diffusées implique aussi une complexification de l’action des agents de diffusion. D’une part, part les relations auxquelles on s’intéresse ne sont pas des relations entre des « territoires » ou des « villes » mais bel et bien entre des acteurs, entre des professionnels ou des élus. Les relations extra-territoriales de ces acteurs ne naissent pas avec la diffusion du label Cdn. Les acteurs sollicités par le projet Cdn sont déjà dans des réseaux et ceux-ci sont déjà stabilisés : organismes HLM, élus, régies de quartier participent à leurs réseaux propres. Donc la diffusion ne réinvente pas des circuits, elle s’insère dans l’activité d’organisations qui s’y consacrent (les associations professionnelles, associations d’élus). D’autre part, ces réseaux sont déjà impliqués dans la construction des territoires. Un projet comme celui des Cdn, dans la mesure où il fait participer des organismes logeurs, des maires, des régies de quartier, fait jouer autant de réseaux qu’il sollicite d’acteur. Par conséquent, on doit considérer, indépendamment de la question de l’adoption, que les normes et les modes de faire labellisés qui circulent sont en concurrence et en confrontation. Les agents de diffusion ne construisent pas seulement leur action en relation avec les acteurs qu’ils cherchent à influencer, mais en relation entre eux. Le sens commun de la diffusion d’une pratique innovante, horizontalement et en autonomie par rapport à l’action de l’Etat, peut faire croire à l’existence d’une trajectoire directe d’un territoire à un autre. Il convient au contraire de réintroduire l’intérêt pour un niveau intermédiaire indépendant, l’échelle meso, où des pratiques et des normes se concurrencent. La « diffusion » peut recouvrir l’influence non-directionnelle d’un agent global (comme les médias) et qui influence tous les adeptes potentiels d’une pratique. Elle peut illustrer l’action d’une association professionnelle ou d’élus. Elle est en tous cas « le résultat de l’influence de divers processus qui opèrent dans un ensemble de réseaux de densité et d’extension variables, et qui se recouvrent 23». Par conséquent aussi, l’objet qui se diffuse se construit au fur et à mesure dans cette configuration là. Le troisième élément qui complexifie ce phénomène de diffusion est que les acteurs qui ont produit l’innovation circulent avec leur innovation : les innovateurs sont en même temps les agents de diffusion de leurs propres pratiques – notamment Jean-Yves Gérard. On est dans le cas où la diffusion se fait directement, de territoire à territoire. Par conséquent, on ne peut qu’en partie s’intéresser aux agents spécialisés de diffusion pour expliquer le phénomène. Les associations professionnelles par exemple inculquent à leurs membres le savoir nécessaire pour appréhender et gérer l’innovation technologique. Sans cette intermédiation, les acteurs doivent donc recevoir les innovations en faisant jouer leurs propres repères. Les agents qui ont pour finalité la diffusion, s’ils sont les innovateur eux-mêmes, vont tendre à accentuer la validité et la nouveauté24 de leurs pratiques. Il faut donc aller au-delà de la distinction entre l’acteur local et les agents de diffusion. Cette distinction est d’ailleurs d’autant moins tenable que, comme on vient de l’indiquer plus haut, les associations professionnelles, les réseaux institués entre régies de quartier ou organismes HLM…, construisent de manière longitudinale les pratiques de leurs sociétaires. Elles peuvent notamment apprendre à leurs membres à sélectionner, par eux-mêmes les pratiques, à allouer de manière sélective leur attention ; elles peuvent aussi former ces acteurs en leur inculquant le savoir qui est nécessaire pour adopter les normes et modes de faire qui leur parviennent de l’extérieur25. De ce point de vue, il n’est pas recevable de lister le nombre de villes qui ont adopté le dispositif des Cdn et d’essayer, de manière exhaustive, de retracer l’ensemble des chemins et des boucles qu’a pu emprunter l’objet « Cdn ». Cela tendrait à entériner la distinction entre les vecteurs et le contexte, en plus du fait que cela est techniquement impossible dans le cadre d’un DEA. La vision d’un processus unique et linéaire (« la » diffusion) n’est pas réaliste. Par conséquent, il faut recentrer ici notre étude sur deux objets indépendants : d’une part les territoires, envisagés sous l’angle des alignements ou des régimes de coordination qui les caractérisent. D’autre part, la dynamique des agents de diffusion et des réseaux institués, à un niveau spécifique, qui n’est ni celui de l’Etat central, ni celui de l’action territoriale. Le lien entre les deux nous est fournit par la construction conceptuelle de Nicolas Dodier26. Celui-ci parle de régime de coordination pour signifier qu’il y a différentes manières de coopérer, différents degrés dans la coordination selon les « appuis conventionnels » qui sont mobilisés. Ceux-là peuvent être externes, importés. L’adoption d’une pratique n’est pas un acte ponctuel, de reprise d’un label, mais bien le fait de construire un régime de coordination en prenant en compte les appuis conventionnels qui sont proposés par des réseaux. Dans cette optique, ce que construisent les agents de diffusion, ce sont effectivement des pratiques de mobilisation, ce sont ces appuis conventionnels. L’adoption d’un appui conventionnel par un acteur local montre qu’il associe intérêt pour la territorialisation et engagement dans des relations extraterritoriales. Cette approche permet donc de montrer que sortir de l’espace local ne consiste pas forcément à rentrer dans le domaine de la généralisation, de la normalisation. Sortir du territoire et comparer les espaces locaux c’est toujours parler du spécifique. La question principale étant de savoir à quelle condition est-ce que l’on peut diffuser des appuis conventionnels qui, par définition, sont spécifiques ? Section 4.Terrain et méthodeLe label nous a « promené » dans plusieurs champs d’étude, démultipliant les objets connexes au nôtre et démultipliant les sujets à traiter. La recherche s’est déroulée à trois niveaux. Premièrement, au niveau de l’Etat central, des administrations ministérielles et des missions ou cellules interministérielles. Il s’est agit de recenser tous les lieux – colloques, groupes de travail, « missions » - dans lesquelles le sujet de la médiation et en particulier le dispositif des Cdn avaient constitué un objet de travail. Cette recherche a été effectuée notamment à partir d’un travail de documentation (centre de documentation de la Délégation Interministérielle à la Div ; centre de documentation de l’Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure), de collecte d’information auprès d’un informateur particulier (directrice d’étude au sein du cabinet Acadie), d’entretiens téléphoniques courts (avec des acteurs de ces groupes de travail) et d’entretiens approfondis (deux chargés de mission de la Div, une chargée de mission du FFSU ainsi que son délégué général, un fonctionnaire de la Direction Générale de la Police Nationale). Ces entretiens ont en même temps servi de matériau pour travailler sur le thème de la construction du message institutionnel sur les pratiques de médiation sociale. Une partie des comptes-rendus du groupe de travail sur les métiers de la médiation sociale de la Div ont été étudiés. A ce niveau, nos entretiens ont porté sur la manière dont le dispositif des Cdn avait été mis à l’agenda ; sur les contacts qui avaient permis de connaître puis de convoquer les acteurs locaux ; l’explication de la diffusion et l’avis porté sur l’importance du dispositif. Deuxièmement, un ensemble de recherche ont porté sur l’activité de ce qu’on appelle dans la suite du mémoire les « réseaux institués » : le Forum Français pour la Sécurité Urbaine, le Comité National de Liaison des Régies de Quartier, le GIE Villes et Quartiers, le « Réseau des villes Cdn ». Pour chacune de ces organisations, nous avons étudié les productions des groupes de travail et les publications concernant les métiers de la médiation sociale et les Cdn en particulier. Cela s’est fait soit à partir d’entretiens, soit à partir d’entretiens et de comptes-rendus de séance de travail. Nous avons fait en sorte par ailleurs de recueillir des éléments de fonctionnement interne de ces organisations, et pris soin de relever le nombre de fois et la qualité de leur participations à des groupes de travail ou missions de l’administration centrales sur le thème de la médiation. Enfin, nous avons assisté à deux réunions du « Réseau des villes Cdn » et procédé à des entretiens téléphonique avec des personnes ressortissant de villes dont le mode de participation était atypique27. A ce niveau nos entretiens ont porté sur le choix des thèmes de travail ; sur le mode de travail des chargés de mission et des animateurs de réseau ; sur le fonctionnement interne du réseau. Il s’agissait notamment de relever l’importance du travail sur le dispositif des Cdn dans les objectifs généraux des réseaux, et dans les relations entre les organisations membres et la tête de réseau. Troisièmement, nous avons constitué un échantillon de sept villes disposant de services de Cdn. Les deux villes pionnières : Rouen et Rennes ; Cholet et Nantes car se sont, le plus rapidement dotées de services – Cholet faisant par ailleurs référence dans le réseau des régies de quartier ; Strasbourg, Lormont, La Rochelle ont été choisies pour les liens spécifiques que certains de leurs acteurs entretiennent avec Optima. On ne peut cacher que nous avons été, pour la constitution de ce choix, prisonnier de nos sources d’informations. Le premier pas a constitué à recouper les différentes listes de villes ayant adopté le service des Cdn ; listes que l’on pouvait trouver dans des articles de journaux, ou que les responsables du réseau des villes Cdn et la chargée de mission du FFSU nous ont communiqué. Pour chacune de ces villes, il s’est agit, par téléphone, de reconstituer le réseau des personnes qui avaient participé aux différentes phases, depuis l’importation de la référence Cdn jusqu’au fonctionnement du service à la date du début de l’enquête. Nous avons naturellement eu des difficultés à retrouver ces noms, et les personnes qui souvent s’étaient entre-temps éloignées du dispositif ou niaient l’intérêt des informations qu’elles pouvaient apporter. On s’est néanmoins efforcé de rencontrer d’une part les personnes à l’origine du projet ou de l’importation du projet ; d’autre part les personnes qui ont conçu le dossier « Cdn » ; les personnes qui administraient le service au moment où nous sommes passés, dont chaque fois un responsable de la police nationale. Cela représente pour chaque ville un nombre différent de personnes – de quatre (Cholet) à douze (Rennes) – ainsi que des types d’acteurs très variés : par exemple, nous n’avons pas systématiquement rencontré d’élu, dans la mesure où, à Cholet par exemple, leur implication a été quasi-nulle. Dans d’autres cas, nous n’avons pas pu les rencontrer du fait des changements de fonctions ou de villes. Dans certains autres cas enfin, la limitation du temps et des ressources financières est intervenue. A cinq reprises, nous avons pu nous entretenir avec des Cdn, directement de nuit, sur le terrain, ou de jour. A ce niveau, nos entretiens ont porté sur les relations avec Rennes et les autres villes (quand et par quel moyen le label Cdn fut connu ; quand et où ont-il rencontré Optima pour la première fois ; dates, motifs et avis sur les déplacements dans d’autres villes et les participations aux réunions du réseau) ; sur la construction du partenariat autour du projet et sur les points problématiques de la mise en œuvre du dispositif (avec des questions systématiques sur le choix du mode de financement, le choix des sites, le choix de l’opérateur, le recrutement, la formation) ; le fonctionnement du dispositif et le contexte (situation des quartiers). Dans chacun des entretiens, la structure du récit des acteurs a aussi permis de dégager des questions plus spécifiques. On a reconstruit l’ensemble du processus pour chaque ville, en accordant une attention particulière au déroulement des négociations et à la succession des problèmes traités par les acteurs. La comparaison a ensuite été menée terme à terme d’une part (en construisant divers tableaux sur le choix de l’opérateur, le choix des sites, le recrutement, la formation, les rapports avec les travailleurs sociaux) et séquence à séquence (durée, déroulement des problèmes traités, décisions structurantes : parce qu’on ne peut appréhender par exemple l’état des relations sur le terrain entre Cdn et agents de la police nationale si l’on ne prend en compte la manière dont des négociations préalables se sont déroulées entre les responsables du projet et leurs partenaires. Section 5.Hypothèse et plan du mémoireCette idée d’un niveau autonome d’échange direct entre les territoires n’est-elle pas un mirage ? Le détour par la normalisation – et par l’Etat – n’est-il pas inévitable ? On peut constater que les processus d’institutionnalisation interviennent dans des relations entre un certain nombre d’organisation regroupées sous l’égide d’une institution globale, professions (au sens anglo-saxon notamment) ou Etat28. D’une part, la diffusion d’un dispositif comme celui des Cdn ne se fait qu’entre deux territoires en partie semblables, et cela notamment du point de vue de l’utilisation que les acteurs locaux font des dispositifs nationaux (emplois-jeunes et contrat local de sécurité ici). Les diffusions horizontales et verticales se croisent et expliquent de manière conjointe l’adoption de certaines pratiques labellisées. D’autre part, l’entreprise de mise en réseau, si elle a pour visée de mettre en commun des ressources (à visée « interne » donc), cherche aussi à être reconnue des institutions étatiques, à s’intégrer à la « structure des opportunités politiques29 » afin que les pratiques soient prises en compte dans la production des réglementations à propos des métiers de la sécurité… Dans les deux cas, l’ « Etat » balise le champ des relations inter-territoriales et la participation d’associations d’acteurs locaux à l’action publique. La première partie est préliminaire. Elle a pour fonction de restituer le contexte d’innovation et la pratique qui a fait émerger le dispositif, afin de comprendre en quoi il peut être territorial et transférable. Les dispositifs de médiation représentent un mode de territorialisation spécifique, qui prolonge certaines évolutions de la gestion publique territoriale. L’adaptabilité du dispositif est grande, dans la mesure où il concrétise des évolutions lourdes des métiers et des formes d’institutionnalisation de l’action collective territoriale. Il se place dans leurs interstices (chapitre un). Les processus d’innovation à Rouen et à Rennes montrent que tous les acteurs et leurs modes spécifiques de territorialisation sont mis en jeu. Cherchant à instaurer une action complémentaire, la mobilisation utilise le ressort de l’absence de l’Etat et de la responsabilité des acteurs locaux face au territoire. La mobilisation, dans ses procédures et sa substance, « mime » le territoire et donne son sens au dispositif. (chapitre deux). La délocalisation de l’expérience n’est pas un acte postérieur à la mise en place. C’est une entreprise qui se façonne le long du processus de mise en place : elle est dans la continuité de l’engagement des porteurs pour le projet local et dépend des connections qu’ils peuvent établir avec des réseaux déjà institutionnalisés (chapitre trois). Le terme de « diffusion » réfère à un processus. On doit se pencher sur l’extension des relations entre les villes et entre certaines d’entre elles et les administrations centrales. Ces connexions, les échanges et la force des liens entre acteurs, apparaissent à la faveur d’une observation diachronique des faits. D’une part, l’absence de l’Etat est une absence temporaire de message clair et unifié des administrations centrales, sur les pratiques de médiation. Le message de l’Etat se construit progressivement, dans un temps qui est le temps de l’échange avec les territoires et avec les réseaux institués. D’autre part, pratiques de mobilisation comme d’intervention se façonnent au cours du temps, puisque les acteurs se placent dans une dynamique d’expérimentation. Enfin, on ne peut décréter que l’utilisation du label Cdn est en soi une preuve de diffusion – l’homologie entre les pratiques, puisque l’on parle de pratiques de territorialisation, ne se révèle qu’avec le temps. La deuxième partie cherche à étudier le cycle complet : diffusion, relocalisation, mise en réseau. On parle d’un « temps de la diffusion » : l’extension des relations entre les villes s’explique par le fait que villes et institutions centrales sont « en recherche », dans la mesure où les pratiques de médiation sont – par définition – étrangères aux procédures de la politique de la ville. Dans ce contexte, les agents de diffusion rennais tendent à universaliser l’intérêt du dispositif, en essentialisant la demande sociale. Ce faisant, ils tendent à naturaliser la pratique d’intervention et les pratiques de mobilisation, alors que celles-ci se sont construites mutuellement par référence au contexte rennais (Chapitre 2). Le chapitre 3 s’intéresse aux processus qui sont initiés par l’importation de la référence Cdn, et à la manière dont les expériences se différencient les unes des autres. On observe que les acteurs ne cherchent pas simplement à répondre à la demande sociale naturalisée par les rennais, mais à répondre à une problématique qui est spécifique à leur territoire. Plus l’influence extérieure potentielle est forte, plus la référence à la « non-transférabilité » des pratiques augmente. La médiation apparaît comme un objet porteur de différenciation, parce que les dispositifs ne sont pas mis en œuvre sèchement mais mobilisent des acteurs locaux. Plus le processus avance, plus les territoires convergent (chapitre 3) L’entreprise de mise en réseau de l’ensemble de ces initiatives, basées sur la diffusion d’un label, butte alors contre la différenciation des pratiques de mobilisation, notamment sur les décalages temporels qui existent entre des villes très avancées et des villes qui débutent. L’action collective tend à dériver vers la stabilisation des pratiques d’intervention (Chapitre 4). Dans la troisième partie, la fin du temps de la diffusion est marquée par le retour de l’Etat central dans les arcanes des réseaux où la question de la médiation se traite. Ce retour est daté du début de l’évaluation des applications locales du dispositif emploi-jeune. L’utilisation d’un tel repère marque à posteriori la nécessité dans laquelle se trouvait l’Etat de disposer d’un repère commun applicable à l’ensemble des territoires. Le message construit alors par l’Etat central traduit l’utilisation de ses repères : la demande sociale nouvelle doit être « absorbée » par les services publics et les professions reconnues (chapitre 1). Néanmoins, le recours à ces prises ne dé-différencie pas les territoires : en effet, le travail sur le dispositif emploi-jeune fait ressortir les bonnes pratiques. Celles-ci sont justement le fait de territoires qui se différencient des autres par les pratiques de mobilisation qui s’y déploient. L’association avec représentants de ces bonnes pratiques (les « réseaux institués ») et la réduction de l’entreprise de normalisation au seul objet que sont les pratiques d’intervention, marquent alors le sort d’un Etat central dépourvu de levier d’action sur les pratiques de mobilisation. Les réseaux institués restent les seuls dépositaires de celles-ci et des normes substantielles dont elles sont le support, par rapport à un Etat central dont les enjeux et modes d’action paraissent « dénormalisés » (chapitre 2). |
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