3. Bilan d’extension initial des lymphomes
Une fois le diagnostic posé, la stadification d’une maladie présente deux objectifs. Le premier est de faciliter la communication et l’échange d’information. Le second objectif est de fournir des éléments pronostiques et d’assister la décision thérapeutique. Cependant, la stadification clinique, tout en étant reconnue comme incomplète, est facilement réalisable et reproductible d’un centre à l’autre.
3.1. Avantages et limites de l’imagerie morphologique
Le bilan initial de tout syndrome lymphoprolifératif comprend habituellement un scanner cervico-thoraco-abdominopelvien avec injection de produit de contraste iodé pour définir le stade clinique et identifier les cibles thérapeutiques. L’injection de produit de contraste permet de mieux caractériser certaines lésions nodulaires suspectes, en particulier, dans les parenchymes hépatique, splénique. En outre, la résolution spatiale du scanner multicoupes permet de mettre en évidence des micronodules pulmonaires méconnus par les autres techniques. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est réservée actuellement aux localisations osseuses et neurologiques, où elle est nettement supérieure au scanner pour la détection des lésions mais n’est pas systématique. À l’issu de ces explorations, le bilan d’extension de la masse tumorale du lymphome est établi et les lésions cibles sont identifiées après analyse de tous les territoires ganglionnaires atteints et des lésions viscérales éventuelles.
La classification d’Ann Arbor a été décrite pour la maladie de Hodgkin, dont l’extension par contiguïté possède des implications thérapeutiques importantes. Cette classification, à la fois clinique et basée sur une évaluation chirurgicale de l’abdomen (stades anatomiques), définit les stades I à IV en fonction de l’extension de la maladie. Cette classification a été, durant plus de 20 ans, le principal élément de décision pour la stratégie thérapeutique. Le recours au seul classement clinique avec l’abandon de la laparotomie exploratrice a conduit à proposer une modification du système de Ann Arbor, dite classification de Cotswolds (Tableau 1). La lettre X indique la présence d’une atteinte ganglionnaire volumineuse définie soit comme une masse ganglionnaire périphérique ou abdominale supérieure à 10 cm, soit comme une atteinte médiastinale avec une valeur du rapport médiastinothoracique supérieure à 0,35 (évalué sur la radiographie thoracique de face par la mesure de la plus grande largeur du médiastin au niveau de la masse tumorale rapportée à la largeur du thorax mesurée dans l’espace T5-T6). La classification distingue les stades III1 limités, correspondant habituellement à l’extension splénique et lomboaortique d’une atteinte initiale sus-diaphragmatique, et les stades III2, étendus.
Elle est moins utilisée pour les LNH, qui sont plutôt classés en lymphomes à faible masse versus à forte masse, ou en lymphome localisé versus disséminé. En effet, la plupart des LNH est disséminée lors du diagnostic et la détection de lésion ganglionnaire ou extraganglionnaire supplémentaire n’influe pas sur le stade clinique.
Les critères largement utilisés pour l’évaluation après traitement, publiés en 1999 par l’International Working Group (IWG), sont morphologiques et la masse tumorale est représentée par la somme des mesures bidimensionnelles des lésions cibles définies lors du bilan initial (produits des deux plus grands diamètres perpendiculaires sur une même coupe). Ces critères trouvent rapidement leurs limites, compte tenu de la fréquence des masses résiduelles dans les lymphomes traités, en particulier, au cours des lymphomes de bas grade, comme les lymphomes folliculaires, qui ont une croissance lente, mais également une réponse tumorale lente, avec de multiples petits ganglions résiduels, dont la taille est à la limite de la significativité (15 mm). Enfin, si l’évaluation de la réponse tumorale est facile lorsqu’il existe de volumineuses masses bien limitées, elle est plus aléatoire lorsqu’il existe des masses infiltrantes à limites peu nettes ou de multiples ganglions de petite taille. De nombreux patients sont donc classés en réponse partielle ou en rémission complète incertaine.
3.2. Place de la TEP/ TDM au FDG
L’évaluation des lymphomes par la TEP/TDM au FDG présente une sensibilité et une spécificité de plus de 95 %. Globalement, en comparaison avec l’imagerie morphologique, le stade de la maladie est modifié dans 15 à 20 % des cas et la décision thérapeutique dans 10 à 15 % des cas.
Bien entendu, les performances diagnostiques de la TEP/TDM au FDG sont variables selon le type histologique considéré et influencées également par la localisation des lésions.
La TEP/TDM au FDG apporte des informations complémentaires par rapport au scanner diagnostique, en particulier, pour l’évaluation des localisations ganglionnaires infracentimétriques, des atteintes hépatiques et spléniques, et par rapport à la biopsie ostéomédullaire pour l’évaluation des localisations osseuses en détectant des atteintes focalisées. Notons, en outre, que toutes les études concordent sur la supériorité de la TEP au FDG par rapport à la scintigraphie au Ga-67 qui n’a plus aucune place dans l’évaluation des lymphomes.
Les lymphomes de Hodgkin, les LNH de haut grade de type B et les LNH de bas grade de type folliculaire fixent le FDG de façon quasi constante.
La fixation du FDG est, en revanche, inconstante pour les LNH de haut grade de type T et pour tous les LNH indolents autres que le lymphome folliculaire. En cas de sous-type histologique de LNH pour lequel la fixation du FDG est inconstante, un examen TEP au FDG initial avant tout traitement est donc indispensable, pour pouvoir ensuite suivre l’évolution de la maladie grâce à la TEP. Par ailleurs, l’intensité de fixation du FDG peut, dans certains cas difficiles, aider à classer le lymphome en haut ou en bas grade. Il a, en effet, été montré qu’une fixation élevée, attestée par un indice de fixation SUV max traduirait un LNH de haut grade, alors qu’à l’inverse un indice SUV max faible traduirait un lymphome de bas grade, les valeurs intermédiaires ne permettant de conclure.
Cette technique a donc pris une place importante dans la pratique courante en hématologie. Chaque fois que possible, la réalisation d’un examen TEP/TDM au FDG initial, avant tout traitement, est utile pour deux raisons : s’assurer que les lésions tumorales fixent le FDG (ce qui peut ne pas être le cas pour certains sous-types de lymphome non hodgkinien) et faciliter le suivi par TEP/TDM de l’efficacité des traitements.
La TEP/TDM au FDG initiale est recommandée en cas de LNH de haut grade de type B sauf si elle n’est pas réalisable dans un délai compatible avec l’urgence du traitement par chimiothérapie intensive. En effet, elle doit être réalisée avant l’instauration de la chimiothérapie, un examen réalisé un seul jour après le début du traitement pouvant déjà être faussement négatif. La corticothérapie peut également diminuer la fixation du FDG en cas de LH, compte tenu de la part de cellules inflammatoires pouvant être très importante dans la masse tumorale.
La TEP/TDM au FDG initiale est, en revanche, fondamentale en cas de LH, car la thérapeutique est influencée par la détermination précise de tous les sites envahis, en particulier, pour le ciblage de la radiothérapie dans les stades localisés. Pour les LNH indolents, la TEP/TDM au FDG n’est pas recommandée en pratique clinique standard et devrait être réservées aux patients inclus dans des essais clinques dont l’objectif principal est la survie globale et/ou la survie sans récidive.
L’interprétation de la TEP-FDG doit naturellement tenir compte des fixations physiologiques (en particulier, graisse brune, thymus, moelle osseuse) ou non néoplasiques (foyers infectieux ou inflammatoires) et des limites de la technique. En pratique, avec les caméras TEP de dernière génération, la plus petite taille des lésions détectables, quand elles sont métaboliquement actives, est de l’ordre de 5 à 6 mm. À l’inverse, des résultats faussement positifs sont possibles en cas de lésions inflammatoires non tumorales, en cas de lésions infectieuses. Par ailleurs, la prévalence d’un second cancer asymptomatique de découverte fortuite chez des patients atteints de pathologie maligne est de l’ordre de 0,8 à 4,1 %. En raison de la forte incidence de l’envahissement extraganglionnaire et la dissémination des LNH, il est difficile de distinguer d’autres lésions néoplasiques primitives d’un lymphome extraganglionnaire en TEP/TDM au FDG. D’après les données actuelles, toute hyperfixation inattendue devrait être examinée attentivement, même si aucune lésion évidente n’est détectée sur l’imagerie morphologique.
4. TEP/TDM au FDG : vers un protocole d’acquisition standardisé
Lorsque les examens TEP/TDM sont interprétés visuellement à des fins diagnostiques, l’optimisation du protocole a pour objectif l’amélioration de la qualité d’image pour une meilleure détection des tumeurs. Dans la pratique clinique, les recommandations pour la préparation du patient, la dose de 18F-FDG administrée et la durée du balayage sont alors nécessaires, mais il est probable que les paramètres de reconstruction et les méthodes d’interprétation dans divers centres soient différentes.
Lorsque les examens TEP/TDM sont interprétés quantitativement, une distinction peut être faite entre l’utilisation de la variation relative des valeurs de SUV pour mesurer la réponse au traitement et l’utilisation d’une valeur absolue du SUV pour le diagnostic, la détermination du pronostic, ou la prédiction de la réponse en fin de traitement (par exemple, fixation des masses résiduelles pendant ou après le traitement). En comparant le SUV après traitement au SUV obtenu au bilan initial, l’impact des facteurs qui influent sur le SUV est réduit au minimum, voire nul si les deux examens sont réalisés dans les mêmes conditions. En outre, si les variations de volume métaboliques se produisent, la différence dans les méthodes de définition des régions d’intérêt (ROI) et la résolution affectent toujours la réponse observée, rendant nécessaire la standardisation des protocoles d’acquisition et d’interprétation de la TEP/TDM. Lorsque l’analyse quantitative est basée sur la mesure d’une valeur absolue du SUV, le protocole d’acquisition doit être alors reproductible avec des consignes plus strictes concernant la préparation du patient, l’acquisition TEP/TDM, la dose administrée mais également les algorithmes de reconstruction, les procédures d’analyse de données comme la détermination des ROI et des procédures de contrôle qualité, en particulier lors de la réalisation d’essais multicentriques.
il est généralement recommandé d’associer une TDM diagnostique (dose optimale, contraste intraveineux en phase portale et/ou contraste oral) à la TEP. Que la TDM diagnostique soit réalisée lors de la TEP/TDM ou suivant une procédure distincte est une question qui reste posée, en termes de radioprotection (patient et personnel) et d’optimisation de l’évaluation initiale des lymphomes. En effet, une interprétation conjointe des examens TEP-FDG et TDM diagnostique semble plus efficace et susceptible de produire les meilleurs résultats cliniques.
Les appareils couplés de tomographie par émission de positons/TDM actuels permettent de réaliser tous types de protocole d’acquisition scannographique avec ou sans produit de contraste pendant un examen de TEP/TDM. Il est donc aussi possible, lors d’un examen par TEP/TDM, de réaliser bilan initial complet en une seule exploration diagnostique.
Toutefois, la question de l’utilisation de produits de contraste lors des TEP/TDM revêt des dimensions à la fois techniques et cliniques. La TDM couplée à la TEP est utilisée techniquement pour la correction d’atténuation et cliniquement pour localiser les lésions hypermétaboliques et détecter d’éventuelles autres lésions visibles uniquement sur le scanner. Le scanner avec produit de contraste paraît être un élément indispensable de la TEP/TDM dans certaines situations cliniques, notamment en cas de localisation hépatique ou splénique par exemple, et qu’il soit facultatif, voire inutile dans d’autres cas. La TEP/TDM avec produit de contraste iodé intraveineux peut s’avérer, en effet, superflue lorsqu’il existe un résultat récent de scanner de la ROI. Les images de ce scanner peuvent alors être comparées à celles d’une TEP/TDM sans produit de contraste, si l’ensemble des données est disponible. Il n’existe donc pas de solution universelle.
5. Optimisation de la radiothérapie
Dans la stratégie thérapeutique de la maladie de Hodgkin, l’abandon de la radiothérapie exclusive dans le traitement des stades localisés sus-diaphragmatiques, les indications désormais réduites de la radiothérapie dans le traitement des stades disséminés, les progrès modernes des techniques d’irradiation ont conduit au développement des nouveaux concepts de la radiothérapie, premier traitement curatif de la maladie de Hodgkin.
L’irradiation étendue sus-diaphragmatique en mantelet (incluant les deux régions cervico-sus-claviculaires et axillaires, le médiastin et les hiles pulmonaires), complétée par une irradiation de la rate et lomboaortique (irradiation lymphoïde subtotale) ou en Y inversé (irradiation lymphoïde totale), incluant en sus les chaînes ganglionnaires iliaques et les régions inguinales est abandonnée par la plupart des équipes depuis la fin des années 1990. Seuls les territoires ganglionnaires initialement atteints sont maintenant irradiés : aires cervicale, axillaire, médiastin, latéroaortique, iliaque et inguinocrurale.
Les avancées technologiques sophistiquées (irradiation de conformation, irradiation avec modulation d’intensité) permettent désormais de délivrer une irradiation uniquement au niveau des ganglions initialement atteints (concept d’irradiation nodale ou INRT) et non plus sur toute l’aire ganglionnaire concernée. Cette tendance, associée à la diminution globale de la dose, en particulier, dans les lymphomes de Hodgkin de l’enfant, vise à réduire les complications de la radiothérapie.
Cette irradiation « involved-field » est devenue le standard pour une association chimiothérapie-radiothérapie dans la maladie de Hodgkin. La qualité de l’évaluation initiale, la définition du volume irradié par le radiothérapeute avant le début de la chimiothérapie sont les conditions requises pour garantir un résultat optimal. Mais cette optimisation de dose ne peut être effectuée sans l’identification précise des ganglions initialement envahis obtenue sur l’imagerie, au minimum avec produit de contraste et en position de traitement. La TEP/TDM au FDG peut jouer alors un rôle important pour éviter tout sous-traitement, mais aussi pour épargner les tissus initialement indemnes.
6. Limites de la TEP dans la stadification des lymphomes
L’impact de la TEP au FDG sur la prise en charge thérapeutique reste intrinsèquement limité. En effet, les informations complémentaires apportées par la TEP-FDG, lors de la détermination du stade, sont intégrées dans une prise en charge thérapeutique qui tient compte de l’ensemble des facteurs pronostiques.
7. Conclusion
La TEP/TDM au 18F-FDG est un examen particulièrement utile dans la prise en charge des patients atteints de lymphomes. Cet examen apparaît sans conteste comme le plus performant dans l’évaluation initiale et l’appréciation de la réponse thérapeutique. La bonne connaissance des 1manifestations ganglionnaires et extraganglionnaires des lymphomes selon leur type lors du bilan initial permet une meilleure efficacité diagnostique de la TEP/TDM. De plus, la TEP au FDG apporte des informations importantes en termes de pronostic avant même la mise en place du traitement, pouvant conduire à une optimisation de la stratégie thérapeutique et permettre ainsi une amélioration de la survie des patients. Cette évolution requiert, néanmoins, une standardisation des protocoles d’acquisition et des critères d’interprétation de la TEP/TDM au FDG afin de limiter les biais d’interprétation inter- et intra-observateurs.
Tableau 1. Niveau d’indication de la tomographie par émission de positons (TEP) pour différents sous-types histologiques de lymphomes.PET scan in the staging of lymphoma.
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TEP indiquée du fait de sa sensibilité élevée
| Tous les lymphomes agressifs
| Lymphome diffus à grandes cellules
| Lymphome de Burkitt
| Lymphome anaplasique
| Lymphome du manteau
| Maladie de Hodgkin
| Lymphome folliculaire (unique lymphome indolent)
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| TEP non indiquée du fait de sa moindre sensibilité
| Lymphome lymphocytique/leucémie lymphatique chronique (LLC)
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| Données insuffisantes
| Lymphomes T
| Lymphomes marginaux/associés aux muqueuses (MALT)
| Autres lymphomes moins fréquents
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