Interview collective accordée par le président de la République, Luiz Inácio Lula da Silva





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2.
L’Europe et

le « partenariat stratégique »
Europe and

« Strategic partnership »

Le Brésil entre l’Union européenne et l’Amérique du Sud : les limites d’une relation triangulaire
- European Union and Brazil: Trade and Foreign Direct investment (2003-2005) (document)

- Towards an EU-Brazil Strategic Partnership, 2007 (document)

- Interview collective accordée par le président de la République, Luiz Inácio Lula da Silva,

après la session plénière du Sommet Union Européenne-Brésil, 2007 (document)


- Le Brésil, dixième partenaire commercial de l’Union européenne (2008) (document)

- Remarks by Herman Van Rompuy, at the press conference after the EU-Brazil Summit (2010) (document)
Les projets commerciaux du Brésil dans le cadre du MERCOSUR avec l’Union européenne et les pays en développement : un même contexte des perspectives différentes
Le Brésil au XXIe siècle et le partenariat stratégique avec la France
- Les relations franco-brésiliennes vues par le ministère français des Affaires étrangères (document)

- “Alliance for Change”, Nicolas Sarkozy, Luiz Inácio Lula da Silva (document)
Une relance des relations France-Brésil ?
- Germany and Brazil: Brazil’s representation of bilateral relations (document)

- Brazil-United Kingdom: Brazilian official perspective (document)

- Brazil-United Kingdom: Bilateral Trade 2009 (document)

- Russia and Brazil: BRIC and “Strategic Alliance” (documents)


Le Brésil

entre l’Union européenne

et l’Amérique du Sud :

les limites d’une relation triangulaire


Miriam Gomes Saraiva

Universidade do Estado do Rio de Janeiro1


Depuis 1993, la politique étrangère brésilienne porte deux projets simultanés distincts, mais cependant liés : la recherche d’une plus grande influence internationale et la construction de la suprématie régionale du pays, principalement en Amérique du Sud. Ces deux projets vont de pair avec l’effort entrepris pour utiliser la politique extérieure comme instrument de soutien au développement national. Dans cette optique, le Brésil a signé en 2007, en dehors du cadre du Mercosul, un accord de « partenariat stratégique » avec l’Union européenne (UE). Face à l’avancée des deux stratégies brésiliennes que traduisent cet accord, certains analystes de politique étrangère ont fait part de la possibilité que le Brésil en vienne à jouer un rôle de médiateur au sein d’une relation triangulaire du Brésil avec l’UE et l’Amérique du Sud. Afin de mieux comprendre les limites de l’attitude brésilienne dans cette conjoncture, il me semble important de passer en revue le comportement du pays à cet égard au cours des deux derniers gouvernements.

En termes généraux, la politique étrangère brésilienne est marquée par la continuité. Comme toile de fond de cette continuité, l’on peut identifier certaines croyances qui guident son évolution depuis de nombreuses années : l’autonomie du pays, une action universaliste et l’idée de ce que le pays finira par occuper une place de choix sur la scène internationale (dessein de devenir une puissance). De telles croyances peuvent être clairement identifiées au sein du corps diplomatique en place. La forte concentration des mécanismes de formulation de la politique extérieure brésilienne dans les mains de la bureaucratie spécialisée de Ministère des relations extérieures (Itamaraty) a contribué à l’existence d’un comportement stable basé sur des principes à long terme. Une telle concentration rend la politique étrangère moins vulnérable aux ingérences directes de la politique intérieure.

Ces principes sont à la base de comportements organisés autour de prémisses clairement réalistes. Pinheiro (2000) souligne néanmoins que dans le cadre du réalisme, l’attitude brésilienne revêt parfois un caractère principalement hobbesien, dans le but d’augmenter son influence vis-à-vis des autres, tandis qu’à d’autres moments, elle préfère un réalisme de nature grotienne en privilégiant des initiatives dont le but est d’obtenir des gains absolus pouvant aussi bénéficier à d’autres États. Lima (1990) attire notre attention sur le fait que des pays comme le Brésil ont souvent adopté un comportement international aux multiples facettes dans le but de pouvoir profiter des possibilités offertes par le système international, de diriger leurs efforts afin de le remodeler en faveur des pays du Sud et de renforcer leur hégémonie dans le contexte régional.

D’un autre côté, cette perspective de continuité n’en présente cependant pas moins certaines discontinuités. Les choix stratégiques selon une optique grotienne ou hobbesienne, la préférence donnée à une intervention plus autonome sur la scène internationale ou à la direction d’initiatives de pays du Sud sont définis à partir du contexte international, de la stratégie de développement national et des calculs de ceux qui dirigent la politique étrangère, ces calculs variant en fonction de la vision politique et de la perception de ces décideurs quant aux intérêts nationaux, à la conjoncture internationale et à d’autres variables plus spécifiques.

Durant les gouvernements de Fernando Henrique Cardoso et de Luiz Inácio Lula da Silva, d’orientations politiques différentes, les croyances susmentionnées ont été maintenues et ont coexisté dans différents contextes et conjonctures. Par conséquent, les dirigeants de la politique étrangère brésilienne ont adapté celle-ci à ces nouveaux contextes et à différentes perceptions de l’ordre international (Vigevani, Oliveira et Cintra, 2003). Ces questions ont bien entendu un impact sur la vision brésilienne de l’UE.

Aussi bien pour comprendre la vision brésilienne de l’UE, dont fait partie l’accord de partenariat stratégique, que pour mieux préciser les limites du rôle que certains analystes attribuent au Brésil dans le cadre d’une relation triangulaire entre l’UE, le Brésil et l’Amérique du Sud, l’on cherchera ici à examiner, d’un côté, les caractéristiques de base de la politique étrangère brésilienne des gouvernements de Fernando Henrique Cardoso et de Lula da Silva pour l’Amérique du Sud et, d’un autre côté, la perspective d’un partenariat avec l’Europe, principalement dans le cadre du gouvernement actuel.

Le gouvernement Cardoso : expectative de partenariat basé sur la convergence de valeurs
« Nous sommes un grand pays avec une tradition de croissance et une longue histoire de participation, souvent active, à la construction de la coexistence internationale et régionale. Nous sommes engagés dans des partenariats internationaux qui amplifient notre présence dans le monde… Nous sommes un « marchand global » et un « acteur global ». La prééminence sur la scène internationale de valeurs chères au peuple brésilien, comme la démocratie, les libertés individuelles et le respect des droits de l’homme, montre à l’évidence que … le monde est engagé dans un processus de croissance de la civilisation… »1
La diplomatie brésilienne de la période Cardoso a été marquée par l’ascension des institutionnalistes pragmatiques au sein de l’Itamaraty. Ceux-ci sont en majorité plutôt favorables à une libéralisation conditionnée de l’économie2. Dans le domaine de la diplomatie, ils privilégièrent le soutien du Brésil aux régimes internationaux en place. Ils défendaient l’idée d’une insertion internationale du pays à partir d’une « autonomie par l’intégration » (où les valeurs globales devraient être défendues par tous). Dans ce cas, le choix d’une stratégie de reconnaissance internationale est mis en évidence par le soutien apporté aux régimes internationaux et aux valeurs en cours à cette époque. Cette position n’a pourtant pas signifié une alliance a priori avec les pays industrialisés, mais plutôt l’identification de la réglementation des relations internationales en tant que contexte favorable au développement économique, étant donné que les règles du jeu doivent être respectées par tous les pays, y compris ceux du Nord (Vigevani, Oliveira et Cintra, 2003). Ce contexte a ouvert des perspectives afin que le Brésil – en quête de mécanismes pour augmenter sa capacité d’action internationale – adopte une position qui ne signifie pas son alignement sur les États-Unis, sans pour autant passer pour un électron libre (free rider). Cette attitude a tout d’abord été influencée par la perception de l’existence d’alignements variables permis par le nouveau contexte et ensuite par l’adhésion aux régimes internationaux en place (Fonseca Jr. 1999, 39). Le rôle du Brésil dans une conjoncture à géométrie variable devait être simultanément de « convergence » en termes de valeurs et de « critique » par rapport aux distorsions de l’ordre international (Vigevani, Oliveira et Cintra, 2003).

Dans cette perspective, le concept de souveraineté a été révisé pour donner lieu à l’adoption du concept de « souveraineté partagée » dans le cadre du concert international des nations. Cette vision identifiait un monde marqué par un « concert » de pays au discours homogène en défense de valeurs universelles, ainsi qu’une tendance à la formation de régimes pour les garantir, dont les États-Unis devaient partager la gestion avec des puissances traditionnelles (Europe) ou émergentes (comme c’est le cas du Brésil).

En ce qui concerne l’Amérique du Sud, la mise en œuvre de l’idée de « souveraineté partagée » n’a pas eu lieu. Selon Pinheiro (2000, 323), dans le cas des rapports du Brésil avec les pays voisins, le désir d’autonomie « fait usage de la vision grotienne1 de satisfaction de sa quête de pouvoir ».

En termes pratiques, durant le second mandat de Cardoso, les pays d’Amérique du Sud ont commencé à être clairement identifiés comme des partenaires importants pour le renforcement du rôle du Brésil en tant qu’acteur global – la consolidation d’un processus d’intégration régionale était vu comme un instrument pour renforcer la force de négociation du Brésil au sein de diverses institutions multilatérales. À partir d’une perspective de soutien aux valeurs et régimes internationaux, la diplomatie a entamé une modeste révision de l’attitude brésilienne traditionnelle face à la région, jusqu’ici guidée par le principe de non-ingérence. Le pays a donc cherché à construire son hégémonie dans la région à partir du binôme sécurité et stabilité démocratique, en nouant des liens étroits avec les pays voisins et en jouant le rôle de médiateur dans des situations de crise où était requise son intervention. À partir d’une perspective de soutien aux régimes internationaux, l’acceptation de l’idée selon laquelle la démocratie constitue une valeur universelle a contribué à ce que la diplomatie brésilienne établisse un consensus autour du lien entre démocratie, intégration régionale et perspectives de développement national2. De cette manière, sans pour autant délaisser les principes de non-ingérence, le Brésil a mis la défense de la démocratie et la tentative de résolution systématique des crises à l’ordre du jour.

À cette époque, la vision brésilienne de l’UE était liée, d’un côté, à la reconnaissance des valeurs en vigueur au sein de l’ordre international et, d’un autre côté, à la nécessité reconnue par la diplomatie brésilienne de ce que les États-Unis devaient partager leur gestion avec des puissances de moindre envergure. Néanmoins, les divergences (toujours relativisées) avec les Nord-Américains quant à l’intégration sud-américaine et à la construction de l’hégémonie brésilienne dans la région se faisaient sentir.

La perception qu’avait la diplomatie brésilienne de l’Union européenne n’était toutefois pas aussi claire que celle qu’elle avait d’autres pays souverains. L’Europe communautaire et ses États-membres disposent de trois canaux distincts de relations avec le Brésil : du pays directement avec l’UE elle-même, relations bilatérales avec un (ou plusieurs) de ses États-membres et de l’UE avec le Mercosul. Pour la diplomatie brésilienne de tradition réaliste, certains pays de l’UE, tels que l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, sont souvent considérés comme des partenaires importants, tandis que l’UE dans son ensemble est vue comme un acteur qui provoque systématiquement pour le Brésil des complications dans le domaine commercial. En termes généraux, et principalement lorsqu’il s’agit de négociations difficiles pour l’UE, la Commission européenne dispose d’une marge de manœuvre (winset) limitée, réduisant par là même celle du pays avec qui elle négocie. Pour cette raison, la diplomatie brésilienne préfère clairement les relations intergouvernementales1.

En ce qui concerne l’UE, sur le plan économique, les domaines de la coopération, des investissements directs et de l’accès à la technologie de pointe ont toujours été considérés comme importants. Les investissements directs ont, quant à eux, augmenté dès le début du gouvernement Cardoso grâce à la stabilisation de l’économie permise par le Plan Real. Lors de sa première année de gouvernement, Cardoso s’est rendu auprès de la Commission européenne afin de renforcer l’image de succès portée par la libéralisation économique et le Plan Real.

En 1995 a été signé un accord phare de coopération entre l’UE et le Mercosul, dont les négociations de fait n’ont commencé qu’en 19992. L’accord stipulait la libéralisation commerciale, la coopération économique et le dialogue politique. Malgré les proximités historiques et culturelles, certains domaines importants de la sphère commerciale ont été source de conflits et ont dressé des obstacles contre l’évolution des négociations. Dans le champ politique, les espaces ouverts par cet accord ont été mis à profit et le dialogue a suivi son chemin malgré l’absence d’institutionnalisation. Pendant cette période, les valeurs partagées défendues au sein des régimes internationaux ont constitué le point fort des relations politiques entre les deux partenaires. L’un des éléments moteurs de l’intérêt brésilien de se rapprocher de l’UE est le fait que celle-ci avait été identifiée par le gouvernement brésilien comme une alternative aux négociations pour la construction de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) avec les États-Unis. Pour une diplomatie dont l’intérêt était de freiner les avancées de ces négociations, le dialogue avec l’UE a été considéré comme un instrument important.

Parallèlement aux discussions dans le cadre du Mercosul, la diplomatie présidentielle de Cardoso a fait le pari d’un plus grand rapprochement avec les pays européens, sur la base d’une vision du monde supposément partagée et d’un ensemble de principes comme la défense de la démocratie, le souci de la paix régionale et internationale, la construction d’un mécanisme d’intégration avec les pays voisins et l’identité culturelle issue du passé historique. La diplomatie présidentielle a été très active dans sa tentative de rapprochement aves les dirigeants européens et de construction d’une alliance sur les principes d’une action internationale visant à la réforme de l’ordre international en vigueur au sein des régimes internationaux en place. L’espoir de recevoir le soutien des pays européens à la candidature brésilienne à un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU a été très grand chez les diplomates brésiliens. La signature par le Brésil du Traité de non-prolifération et du Régime de contrôle de la technologie des missiles a eu, entre autres, comme objectif de s’attirer la confiance des européens quant au rôle grandissant du pays sur la scène internationale. Dans ces cas spécifiques, ces actions étaient orientées vers les pays européens et non vers l’UE en tant que collectif.

La recherche d’un rapprochement bilatéral avec l’UE opérée par l’intermédiaire de la diplomatie présidentielle de Cardoso s’est limitée à l’interaction du Président, en tant qu’intellectuel, avec ses pairs européens défenseurs d’une troisième voie pour le développement de l’économie et de la société capitaliste. Bien que le moment eût été propice à ce que le choix brésilien de soutenir les régimes internationaux permette le renforcement d’une alliance stratégique UE-Brésil en termes d’actions conjointes face aux problèmes de politique internationale et sud-américaine, la politique étrangère européenne prit le chemin de l’inter-régionalisme.

Le Gouvernement Lula : l’ascension du Brésil sur la scène internationale et le rôle de l’Europe

Avec l’arrivée de Lula au pouvoir, les institutionnalistes pragmatiques du gouvernement Cardoso qui présidaient à la formulation et à la mise en œuvre de la polgtique étrangère cédèrent leur place majoritaire au sein de l’Itamaraty au groupe des autonomistes. En termes économiques, les autonomistes sont favorables au modèle développementiste, avec un État plus fort, plus actif dans le cadre de la politique industrielle et à la recherche d’une compétitivité internationale accrue des industries nationales. Dans le domaine de la politique étrangère, ils défendent un rôle plus autonome et actif du Brésil sur la scène internationale, ont des préoccupations d’ordre politico-stratégiques quant aux problèmes Nord/Sud, insistent plus encore sur l’éventuelle participation du Brésil au Conseil de sécurité de l’ONU et cherchent à développer le rôle dominant du Brésil en Amérique du Sud.

Bien que l’on ait pu constater une certaine continuité des principes généraux, les autonomistes ont opté pour une vision différente du monde et des stratégies à adopter, renforçant ainsi la présence internationale du pays et son rôle d’acteur global. Le contexte international multipolaire post-11/09 et la fragmentation encore plus importante due à la crise de 2008 ont ouvert de nouvelles perspectives à l’ascension brésilienne.

La montée en puissance du Brésil sur la scène internationale s’est d’abord fait sentir grâce au renforcement de la candidature brésilienne au Conseil de sécurité. Dans cette optique, la diplomatie a choisi de défendre des aspects plus redistributifs du commerce international et de pointer les problèmes de la faim et de la pauvreté comme étant des obstacles à la stabilité internationale (la lutte contre le terrorisme n’a pas été considéré comme une priorité). Cependant, les obstacles rencontrés par le projet de réforme lors de l’Assemblée générale de 2005 ont ralenti le rythme de la campagne.

Le pays a joué un rôle actif dans la défense des intérêts brésiliens lors des négociations menées avec l’OMC grâce à une action conjointe avec d’autres pays en développement. Le G-20, constitué par des pays comme l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, est devenu un instrument important des initiatives brésiliennes. Le Forum de dialogue IBSA (Inde, Brésil, Afrique du Sud) a été créé dans le but de débattre de questions liées à l’ordre international, aux Nations Unies et à la technologie. Pendant le second mandat de Lula, l’Itamaraty a cherché à profiter de tous les espaces ouverts par la classification du Brésil en tant que partie prenante des BRICs. L’activisme dans le sens d’une plus grande présence internationale a augmenté de façon significative avec la participation dynamique du Brésil aux forums multilatéraux.

La diplomatie de Lula a intégré à l’éventail des initiatives brésiliennes à l´étranger une structure complexe de coopération avec les pays du Sud. Les échanges de technologies et les actions conjointes dans les forums multilatéraux avec des partenaires émergents ont fait que d’autres continents se sont multipliés. La défense du principe de non-ingérence dans les affaires internes a constitué l’un des principaux piliers de ces relations. Avec les partenaires les plus pauvres, la priorité a été donnée à la coopération technique et financière, ainsi qu’au bilatéralisme et à une non-ingérence relative baptisée de « non-indifférence »1 par le ministre des Affaires étrangères Celso Amorim.

La construction de l’hégémonie brésilienne en Amérique du Sud s’est principalement basée sur ce second type de coopération et sur le pouvoir de convaincre (soft power). L’intégration régionale du Brésil est maintenant considérée comme le chemin vers une meilleure insertion internationale, en ce qu’elle permettrait au pays de monter tout son potentiel en vue de la formation d’un bloc capable d’exercer une plus grande influence internationale. Le gouvernement brésilien a donc pour objectif d’articuler ce processus de coopération/intégration régionale de faible institutionnalité avec le bilatéralisme, et l’Unasul est un mécanisme qui répond bien à cette attente. C’est un canal par lequel la diplomatie brésilienne tend à établir des positions communes avec les pays voisins pour faire face aux situations de crise, tout en cherchant à se réserver le rôle principal en son sein. Parallèlement, le gouvernement brésilien a progressivement accepté de jouer le rôle de bailleur de fonds de la région en assumant une partie des coûts du processus d’intégration. L’aide au développement dans certains secteurs commence à être mise en œuvre avec des pays voisins – il s’agit dans ce cas d’une coopération en tant qu’instrument de politique étrangère. Depuis l’arrivée du gouvernement actuel, la Banque nationale de développement économique et social (BNDES) a commencé à financer des travaux d’infrastructures dans d’autres pays sud-américains, toutefois réalisés par des entreprises brésiliennes.

Le rôle de bailleur de fonds et ce type de coopération avec des pays voisins ne sont pas sans provoquer des résistances internes. Mais, dans la pratique, le débat est désormais passé dans la sphère publique et une grande partie des membres des agences gouvernementales ont déjà fait le lien entre l’hégémonie brésilienne et les coûts qu’elle engendre. Cette situation n’est toutefois pas favorable à l’alliance stratégique entre le Brésil et l’Argentine et provoque un affaiblissement du Mercosul.

Il n’existe pas de convergence avec les États-Unis en ce qui concerne l’intégration sud-américaine et donc aucune possibilité d’établir une démarche commune. Les négociations pour la formation de la ZLEA ont été définitivement bloquées et se sont soldées par un échec. La participation plus autonome du Brésil à la politique internationale et ses élans réformistes ont créé de nouveaux points de friction entre les deux pays, même s’ils ont tendance à être politiquement négligés. Dans ce contexte, le partenariat avec l’UE continue à être considéré comme un instrument important.

La perception de l’UE par la diplomatie brésilienne a toutefois connu une certaine inflexion. Dans le domaine commercial, les négociations en vue de la signature d’un accord d’association UE-Mercosul ont continué leur cours, mais toujours sans succès. En raison des limites imposées par les négociateurs de l’UE, celle-ci n’a toujours pas répondu aux attentes du Mercosul, en particulier en ce qui concerne l’ouverture du marché agricole européen aux exportations du bloc sud-américain, tandis que de son côté, le Brésil ne montre aucun intérêt à donner suite aux revendications européennes.

En termes politiques, la diplomatie brésilienne continue à essayer de se rapprocher des pays européens dans le cadre du projet du Brésil de devenir un acteur global et au sein duquel une alliance avec les États-Unis n’est pas à l’ordre du jour. L’Europe serait considérée par le Président Lula comme « un allié stratégique pour freiner l’unilatéralisme hégémonique des États-Unis » (Ayllón, 2006). L’Europe est donc identifiée par la diplomatie brésilienne comme un allié important dans le cadre de la révision de l’ordre international dominé par les États-Unis. Et selon la perspective européenne, le Brésil serait le « leader naturel de l’Amérique du Sud », moteur du Mercosul et capable de freiner les ardeurs du Venezuela d’Hugo Chavez, contribuant ainsi à une plus grande stabilité du continent sud-américain (Gratius 2008, 116). Cette attitude des deux acteurs a donné des résultats, comme la participation de représentants brésiliens à des réunions avec les Européens dans le but de discuter des thèmes relatifs aux négociations économiques internationales, et a été couronnée par la signature, en 2007, de l’accord de partenariat stratégique Brésil-UE.

Le partenariat stratégique proposé par l’UE inclut formellement le renforcement du multilatéralisme et la recherche d’actions conjointes sur des thèmes comme les droits de l’homme, la pauvreté, les questions environnementales, l’énergie, le Mercosul et la stabilité sud-américaine1. Parmi les raisons de cette initiative, l’on peut citer le rôle actif du Brésil sur des questions internationales, comme le Cycle de Doha, ainsi que la recherche par l’UE de partenariats avec les pays émergents et la stagnation des dialogues UE-Mercosul en raison de l’incorporation du Venezuela au bloc sud-américain. Ce partenariat est envisagé par la diplomatie brésilienne comme un instrument capable d’améliorer la reconnaissance et le prestige internationaux, ainsi que comme un important canal en vue du rapprochement du Brésil avec des pays européens. Du point de vue brésilien, le rapprochement en termes bilatéraux semble offrir plus de perspectives dans le cadre de la recherche d’alliés pour l’intégration internationale du pays et le renforcement de son rôle d’acteur global, mais aussi en ce qui concerne les transferts de technologies. En effet, l’UE est un organisme complexe avec lequel le gouvernement brésilien affiche de claires différences, tant en matière de négociations commerciales UE-Mercosul qu’en ce qui concerne les régimes internationaux de commerce.

Le legs de la période

La comparaison des politiques étrangères adoptées par les deux derniers gouvernements confirme, d’un côté, quelques traits permanents d’un comportement brésilien basé sur des principes d’universalisme, d’autonomie et de recherche d’hégémonie. D’un autre côté, l’on peut également constater des divergences quant à la manière pragmatique de mettre en œuvre ces principes et à la place que chacun d’eux occupe au sein des choix de politique étrangère.

Durant le gouvernement Cardoso, nous avons assisté à un effort de rapprochement avec les pays de l’UE dans la sphère politique. De son côté, l’UE a fait preuve d’une nette préférence pour les relations interrégionales dans le cadre de dialogues UE-Mercosul, UE-Groupe de Rio et UE-Amérique latine et Caraïbes. Il n’a par exemple pas été donné suite à l’idée de Cardoso de créer un forum de dialogues permanent UE-Brésil. Dans le domaine économique, jusqu’à la fin de son gouvernement, ont eu lieu de nombreuses négociations en vue d’un accord d’association interrégionale, mais aucune n’a abouti.

Pour ce qui est du gouvernement Lula, le rapprochement avec l’UE en termes bilatéraux a été le fruit d’un nouvel activisme et de l’ascension du Brésil sur la scène internationale, ainsi que du rôle dominant qu’a pu jouer le pays dans les affaires sud-américaines. La nouvelle attitude européenne sur la bilatéralisation de ses relations avec la région a ouvert des perspectives à ce type de partenariat.

Les attentes brésiliennes envers l’UE ne consistent cependant pas à jouer un rôle d’intermédiaire. Même s’il existe une convergence d’intérêts sur certaines questions, l’hégémonie recherchée par la diplomatie brésilienne est individuelle et le rôle d’acteur global que veut jouer le pays est intimement lié aux idées d’autonomie et d’universalisme présentes au sein de la diplomatie brésilienne. Sa vision de l’UE est complexe et souvent identifiée aux difficultés rencontrées sur les questions commerciales, tandis les pays européens sont vus comme des alliés importants avec lesquels les relations sont plus aisées. Quoi qu’il en soit, le gouvernement brésilien continuera à essayer de resserrer ses liens avec l’UE.

Bibliographie
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Ayllón Pino, Bruno (2006). “Querer y no poder”: las relaciones de Brasil con la Unión Europea durante el gobierno Lula. Carta Internacional vol.1 n°1, mar. p.22-33.

Canesin, Carlos Henrique (2009), A influência da Política Agrícola Comum na posição da União Européia nas negociações agrícolas do sistema multilateral de comércio GATT/OMC, Brasília, iREL/UnB (mémoire de maîtrise).

Commission Européenne (2007). Vers l’établissement d’un partenariat stratégique entre l’Union européenne et le Brésil. Bruxelles, Commission Européenne, Communication de la Commission au Parlement Européen et au Conseil, 30 mai. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52007DC0281:EN:NOT

Fonseca Jr, Gelson. (1999), “Anotações sobre as condições do sistema internacional no limiar do século XIX: a distribuição dos pólos de poder e a inserção internacional do Brasil”, in G.Dupas et T.Vigevani (ed.), O Brasil e as novas dimensões da segurança internacional. San Paulo, Alfa-Omega/Fapesp, pp.17-42.

Gratius, Susanne. (2008), “O Brasil como parceiro estratégico da UE: conseqüências bilaterais, regionais e globais”, in W.Hoffmeister (ed), Anuário Brasil-Europa 2007. Rio de Janeiro, Konrad Adenauer Stiftung, pp.111-120.

Lampreia, Luiz Felipe (1995), « Discours de prise de fonction », Resenha de Política Exterior do Brasil n.76. Brasília, ministère des Affaires étrangeres, 1er semestre, pp.17-27.

Lima, Maria Regina Soares de (1990), “A economia política da política externa brasileira: uma proposta de análise. Contexto Internacional” vol.6 n.12. Rio de Janeiro. p.17.

Pinheiro, Letícia (2000), “Traídos pelo Desejo: um ensaio sobre a teoria e a prática da política externa brasileira contemporânea”, Contexto Internacional, vol.22 n°2. Rio de Janeiro, pp.305-336.

Vigevani, Tullo; Marcelo Fernandes de Oliveira; Rodrigo Cintra (2003) “ A política externa do governo Cardoso: um exercício de autonomia pela integração”. Tempo Social, n°20, nov. pp.31-61.

Villa, Rafael Duarte (2004). Brasil: política externa e a agenda democrática na América do Sul. Travail présenté dans le 4to. Encontro Nacional de la ABCP. Rio de Janeiro, 21-24/jul.

Document: European Union and Brazil: Trade and Foreign Direct investment (2003-2005)


Source: Communication from the Commission to the European Parliament and the Council: Towards an EU-Brazil Strategic Partnership, Brussels, 30.5.2007, COM(2007) 281 final

Document : Towards an EU-Brazil Strategic Partnership, 2007
Brussels, 30.5.2007

Communication from the Commission to the European Parliament and the Council
1. BUILDING AN EU-BRAZIL PARTNERSHIP

Over the last years, Brazil has become an increasingly significant global player and emerged as a key interlocutor for the EU. However, until recently EU-Brazil dialogue has not been sufficiently exploited and carried out mainly through EU-Mercosur dialogue.

Brazil will be the last “BRICS”1 to meet the EU in a Summit. The time has come to look at Brazil as a strategic partner as well as a major Latin American economic actor and regional leader2. The first EU-Brazil Summit, will take place in Lisbon in July 2007, and will mark a turning point in EU-Brazil relations.

The recent intensification and diversification of bilateral EU-Brazil relations demands a global, coherent and coordinated framework to conduct them. Its emerging economic and political role brings new responsibilities for Brazil as a global leader. The proposed strategic partnership between Brazil and EU should help Brazil inexercising positive leadership globally and regionally and to engage with the EU in a global, strategic, substantial and open dialogue both bilaterally and in multilateral and regional fora. Based on powerful historical and cultural links, the EU enjoys broad relations with Brazil. Over the last few years Brazil has emerged as a champion of the developing world in the UN and at the WTO. The EU and Brazil share core values and interests, including respect for the rule of law and human rights, concern about climate change and the pursuit of economic growth and social justice at home and abroad. Brazil is a vital ally for the EU in addressing these and other challenges in international fora.

A quasi-continent in its own right, Brazil’s demographic weight and economic development make it a natural leader in South America and a key player in Latin America. Brazil is now actively pursuing this role in the Mercosur framework and is at the forefront of the drive to promote the Union of South American Nations (UNASUR)3 .

Brazil is central to the success of the EU-Mercosur negotiations, an EU priority strategic objective, which have not come to a conclusion due to lack of progress in the trade chapter thus preventing so far the establishment of a wider strategic association between the EU and Mercosur. Positive leadership of Brazil could move forward Mercosur negotiations. In the meantime, the EU remains committed to consolidating a solid political and economic relation with Mercosur as a block and to develop its bilateral relations with the other countries in the region as it is the case for Argentina, another important South American interlocutor (a number of policy dialogues have recently been launched).

Commercially, Brazil is a major EU investment hub in Latin America1 and a market that will offer major additional openings for EU business, once negotiations in the WTO Doha Development Agenda (DDA) and with Mercosur are completed and trade barriers have been further reduced. Although its growth rates are not comparable with China or India2, Brazil has huge natural resources, renowned scientific and academic excellence, broad industrial diversity and a vast internal market.

Brazil still has challenges to address: acute income inequalities remain a real handicap and are one of the Government’s main targets for action, particularly through its ‘Bolsa Familia’ programme and a key area for co-operation and dialogue with the EU. These inequalities are also reflected in sharp regional differences within Brazil between the North and the more developed South. Exchanges of good practices on regional cohesion is an area where the EU would like to see closer co-operation with Brazil.
2. SETTING A COMMON AGENDA

A closer, stronger partnership is in the EU’s and Brazil’s interests. In the chapter below the Commission identifies a number of areas and sectors at the global, regional and bilateral levels where it considers that closer cooperation between the EU and Brazil could be mutually beneficial and could form the core of a future strategic partnership.[…]
3. THE WAY FORWARD

The rapidly expanding EU-Brazil relationship is currently based on the 1992 Framework Co-operation agreement, and the 1995 EU-Mercosur Framework Co-operation Agreement. This inevitably restricts the scope and depth of our dialogue.

President Barroso’s visit to Brazil in May 2006 gave a new momentum to our relations, with the recognition of the potential benefits of co-operation in a range of sectoral areas, defined in the Joint Committee meeting in April 20053. A first round of political consultations with Brazil in Troika format has been held in Brasilia in May 2007.

These recent steps have demonstrated a growing enthusiasm on both sides for expansion and strengthening of our co-operation in many areas. Brazil has shown great interest in both the process and in developing a ‘strategic partnership’ with Europe.

The July Summit provides the Union an opportunity to give a strong new impetus to the overall EU-Brazil relationship. A strategic partnership with Brazil, a long standing friend and ally in a region of great importance to the EU, would imply building consensus and agreements on broader political co-operation to promote peace and stability in our respective continents and further afield, and would enable us to pool our efforts to tackle the global challenges that confront us. It would mean assuming a co-operative approach on economic and trade relations and making progress in the sectors identified for cooperation. It would also involve a strong commitment to regional integration, enhancing our co-operation with Mercosur and seeking successful conclusion of the EU-Mercosur Association Agreement. An EU-Brazil strategic partnership would, in conclusion, represent a very positive step forward for the EU, for Brazil and for the region as a whole. In these circumstances, it is the Commission’s view that at the Lisbon Summit, in July, will be the opportunity for the EU to take the first, crucial steps towards offering a strategic partnership to Brazil.

The Commission therefore recommends the following:

- bearing in mind the priorities set out in this communication and, in particular the substantive elements defined under Chapter 2, and

- in order to intensify ties between the European Union and Brazil by widening the political dialogue to include all issues of common interest and global significance,strengthening bilateral co-operation and contributing to the conclusion of an EUMercosur Association Agreement,

the EU should:

engage with Brazil to launch a strategic partnership at the EU-Brazil Summit in Lisbon;

invite Brazil to submit its own views on the scope of the strategic partnership.

Source: Communication from the Commission to the European Parliament and the Council: Towards an EU-Brazil Strategic Partnership, Brussels, 30.5.2007, COM(2007) 281 final
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