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DIARRHEES CHRONIQUES DU NOURRISSON ET DE L’ENFANTDr Pierre KUHN Dr Florence DONNARSService de pédiatrie 2 Service de Pédiatrie 1Hôpital de Hautepierre CHRU StrasbourgDiarrhées chroniquesLa diarrhée représente un symptôme digestif particulièrement fréquent chez le nourrisson et l’enfant. Cependant sa survenue, malgré cette apparente banalité, peut se compliquer d’un risque évolutif grave avec possibilité de déshydratation dans sa forme aiguë et de retentissement nutritionnel dans sa forme chronique. Ainsi, même si l’étiologie d’une diarrhée chronique (DC) est le plus souvent « fonctionnelle » dans le cadre d’une colite bénigne ( ou « colon irritable ») sans retentissement général, la démarche diagnostique et la prise en charge thérapeutique de la DC doivent être rigoureuse afin d’identifier les origines « organiques » et d’éviter l’évolution vers une dénutrition. I- Diagnostic positifA- Caractère diarrhéique des sellesIl peut s’agir soit d’une :
On éliminera de cette définition les fausses diarrhées des constipations chroniques : selles dures avec parfois fécalomes alternant avec des selles liquides parfois associées à une perte de continence fécale ( encoprésie sous-jacente) B- Caractère chronique de la diarrhéeUne diarrhée est qualifiée de chronique lorsqu’elle excède une durée de 3 semaines. Cependant l’évolution n’est pas toujours continue d’un seul tenant et la diarrhée n’est pas toujours cliniquement au premier plan. Un diagnostic de DC peut donc et doit aussi être envisagé et recherché dans les situations suivantes :
II- Evaluation clinique du retentissement de la DCElle doit être systématique et réalisée d’emblée afin d’orienter vers une étiologie plutôt «fonctionnelle» sans retentissement, ou plutôt «organique» avec retentissement nutritionnel. Cette évaluation est basé sur :
- Rapport périmètre brachial(PB)/périmètre crânien (PC) chez le nourrisson (normale > 0.3) - Recherche d’amyotrophie
- Epaisseur du panicule adipeux - Mesure du pli cutané tricipital
- anomalies des phanères (ongles cassants, peau sèche, cheveux terne) - Amyotrophie (surtout proximale) - Infections fréquentes - Signes de rachitisme (nouures métaphysaires,…) - Anémie (pâleur cutanéo-muqueuse, tachycardie, souffle anorganique) III- La colite bénigne A- Epidémiologie Il s’agit de la première cause de DC chez l’enfant. Elle touche les nourrissons et les jeunes enfants entre 6 mois et 4 ans avec un pic de fréquence maximale autour d’1 an. Elle débute souvent après un phénomène aiguë ( diarrhée aiguë, antibiothérapie )
Elle se présente comme l’ émission de selles plus ou moins liquides contenant du mucus et des aliments non digérés, à la fréquence d’environ 4 à 6 selles/jour. La première selle matinale est souvent normale, et l’aspect peut être variable dans la journée et dans le mois. Habituellement, la symptomatologie se résume à cette présentation. Il n’y a, dans la plupart des cas, pas de douleurs abdominales hormis de rares aérocolies douloureuses. A l’examen somatique le ventre est souple, la tolérance et l’état nutritionnel sont bons avec une croissance staturo-pondérale préservée. L’enquête alimentaire révèle 3 fois sur 4 des erreurs de régime avec introduction trop précoce de certains aliments ou des régimes déséquilibrés (hypo-lipidique ou hypercalorique ou hyper-protidique).
Bien que le diagnostic de colite bénigne doit être considéré comme un diagnostic d’élimination, aucun examen complémentaire invasif n’est à réaliser. Une surveillance clinique est cependant à instaurer et vise à surveiller la persistance d’un bonne croissance ultérieure et à s’assurer qu’une cause « organique » débutante n’a pas été négligée.
La simple corrections des erreurs diététiques amène souvent l’amélioration voire la guérison des symptômes. Il faut donc éviter les aliments provocateurs et rééquilibrer la part des différents nutriments ( glucides, lipides et protides). Cette adaptation nutritionnelle doit être compléter par une prise en charge psychologique ( dédramatisation et réassurance). IV- Examens complémentaires Devant une DC d’allure « organique », avec retentissement clinique, des examens complémentaires sont a réalisés afin de : - Evaluer le retentissement - Etudier les fonctions de digestion et d’absorption - Etudier la motricité digestive - Orienter vers une étiologie précise A- Evaluation du retentissement
B-Etude de digestion et de l’absorption des sucres : - recherche de sucres réducteurs dans les selles - test au D xylose pour étude de l’absorption ( mesure de la xylosémie 1 heure après une dose de charge orale de 5 g de xylose, pathologique si xylosémie < 20 mg/100 ml) des graisses : - stéatorrhée sur trois jours ( normal 2 g/24h de 1 an à la puberté, pathologique si >3.5 g/24h) des protéines : - créatorrhée - clairance de l’-1 antitrypsine pour rechercher une exsudation étude histologique de la muqueuse (biopsie du grêle) C-Etude la de motricité digestive Test au rouge carmin D-Examen a visée étiologique précise
La prescription d’examens complémentaires est bien sûr sous tendue par la suspicion diagnostique. V- Principales étiologies et leur prise en charge
Elle touche autant les filles que les garçons. Son incidence est variable de 0.3/1000 à 6 % selon les études, mais peut atteindre 23% chez les enfants nés de parents atopiques. En dehors de ce terrain atopique familial prédisposant, il n’y a pas de marqueur génétique ni HLA particulier.
Le lait de vache contient 3.2 g/100ml de protéines ( soit environ 3 fois plus que le lait de femme). Ces protéines sont constituées à 80% par la caséine et à 20% par les protéines du lactosérum ( lactoglobuline, lactalbumine, lactoferrine, immunoglobulines,..). Toutes ces protéines sont allergisantes, même si la lactoglobuline (absente du lait humain) est considérée comme la plus antigénique. L’IPLV traduit une rupture de l’équilibre entre les phénomènes d’immunotolérance aux protéines passant la barrière digestive et des phénomènes de réaction antigénique. Différents mécanismes d’hypersensibilité (types I, III et IV de la classification de Gell et Coombs) expliquent la grande variabilité des délais de survenue et des types de symptômes rencontrés dans l’IPLV :
L’apparition de phénomènes d’allergie est plus fréquente chez le jeune nourrisson du fait de l’immaturité des phénomènes de digestion, de déficit immunitaire ( carence en Ig A), d’agressions infectieuses de la muqueuse intestinale (gastro-entérite) ou d’antécédents familiaux d’atopie.
Dans le cadre des DC, on peut décrire 2 tableaux : Entéropathie induite par les PLV : Elle est à début précoce (75% de cas symptomatique avant 3 mois de vie) avec l’installation progressive d’un tableau de diarrhées liquides et explosives ou de selles abondantes et pâteuses. A ces diarrhées peuvent s’associer : vomissements, rectorragies, coliques, eczéma. Elle guérit généralement avant 3 ans d’âge. Colite aux PLV : Epidémiologiquement, on trouve un pic de fréquence entre 2 et 3 ans. Le début est souvent brutal sous la forme de diarrhées glairo-sanglantes avec vomissements et douleurs abdominales auxquelles s’associent des manifestations aigus : urticaire, rash cutané, œdème de Quincke, crise d’asthme voire choc anaphylactique. Elle évolue habituellement sur toute la vie, et est souvent associée à d’autres allergies alimentaires.
Le diagnostic repose avant tout sur l’anamnèse et l’évolution , à savoir : l’existence de troubles apparaissant après l’absorption de PLV, disparaissant sous un régime d’exclusion des PLV et réapparaissant à leur réintroduction. Des examens complémentaires peuvent être réalisés et corroborent alors le tableau clinique :
Curatif
Préventif
B-Mucoviscidose (cf cours spécifique) - On y rencontre une diarrhée graisseuse, nauséabonde par maldigestion avec stéatorrhée élevée due à l’insuffisance pancréatique exocrine. - Cette diarrhée est associée à un tableau d’infections respiratoires récidivantes et une dénutrition - Le diagnostic repose sur le test de la sueur ( augmentation du chlore sudoral ) et la biologie moléculaire ( recherche de la mutation CFTR). C-Maladie cœliaque (MC) ou intolérance au gluten(IG) Il s’agit de l’intolérance alimentaire la plus répandue et souffrant d’une morbidité élevée. Elle se caractérise par des lésions intestinales survenant chez des sujets génétiquement déterminés après l’ingestion de gliadine. Cette fraction protéique du gluten est contenue dans les céréales suivantes : Seigle, Avoine, Blé, Orge (SABO).
Elle repose sur trois critères : - syndrome de malabsorption associé à une atrophie villositaire totale de la muqueuse intestinale apparue après l’introduction du gluten dans l’alimentation - Guérison des troubles après exclusion du gluten - Réapparition des signes cliniques et/ou seulement des lésions histologiques lors de la réintroduction du gluten dans l’alimentation ( permanence de la sensibilité de la muqueuse intestinales au gluten).
Les lésions intestinales observées dans l’IG résultent de la conjonction de 3 phénomènes : - Facteurs environnementaux : allaitement maternel (rôle protecteur) date d’introduction des farines ( contenant du gluten) et quantité ingérée (stimulus déclenchant important en cas d’introduction précoce et abondante) état de la perméabilité intestinale ( risque augmenté en cas de perméabilité accrue) infections intercurrentes ( rôle favorisant en augmentant l’exposition à l’antigène) - Facteurs génétiques : susceptibilité génétique prouvé par l’existence de cas familiaux gènes HLA : nette prédominance des groupes DR3, DR7 et DR4 ainsi que A1 ( impliqué dans la susceptibilité accrue à la maladie) gènes non HLA (régissant l’expression clinique de la MC ?) - Dérèglement immunologique : le mécanisme exact de l’agression par le gluten est incomplètement connu, mais implique une activation de l’immunité cellulaire à effet cytotoxique. la MC peut être associer à d’autres maladies auto-immunes : thyroïdites, maladie d’Adisson, anémie hémolytique, purpura thrombocytopénique, sarcoïdose, vascularites, lupus, néphropathie à IgA, et surtout diabète insulino dépendant… ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() I ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Dérèglement de la réponse immune
Les connaissances de l’épidémiologie et de l’expression clinique de l’intolérance au gluten se sont modifiées ces dernières années. L’IG touche plus fréquemment les filles que les garçons (2/1) En fonction de l’intensité des signes cliniques, elle peut être classée en différentes formes de prévalence variable dans la population générale :
+ Atrophie villositaire ![]() ![]() ![]() IG symptomatique ![]() Gène de susceptibilité ![]() ![]() IG latente - Muqueuse intestinale Normale
L’analyse de l’expression clinique de la MC avérée permet de distinguer deux formes :
Outre les examens habituellement demandés dans un tableau de diarrhées chroniques avec malabsorption et dénutrition ( voir chapitre IV-A et B), les examens complémentaires suivant sont à réaliser :
Dosage des anticorps anti-gliadine (IgA et IgG), anti-endomysium (IgA) et anti-réticuline : leur recherche est positive en cas de MC
Elle recherche une atrophie villositaire totale, une hyperplasie des cryptes associés à des entérocytes aplatis et vacuolés, ainsi qu’une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux. Au terme de l’examen clinique, et des explorations complémentaires les différentes formes d’IG peuvent se résumer grâce au tableau suivant :
La démarche du diagnostic et de la prise en charge peut être schématisée par l’arbre décisionnel suivant : ![]() Tableau clinique évocateur ![]() A ![]() Ac anti-endomysium (IgA) positifs +/- Ac anti réticulline ![]() Biopsie intestinale : atrophie villositaire totale ![]() Mise au Régime sans gluten ( jamais sans preuves histologiques préalables) ![]() Après quelques semaines ou mois Rémission clinique : reprise pondérale et négativation des Ac Arrivé à ce stade ne sont pas obligatoires :
Dans tous les autres cas de figure (évolution atypique), le recours à la biopsie est fortement recommandé
Le traitement repose sur un régime d’exclusion du gluten qui permet :
La question de la durée de sa poursuite reste débattue car :
anémie ferriprive, retard staturo-pondéral hypocalcémie, ostéoporose, fractures pathologiques, avortements, stérilité, anomalie de l’émail dentaire, troubles psychiatriques, convulsions , cancers digestifs ( lymphome du grêle,…) La poursuite d’un régime d’exclusion à vie évite la survenue de presque toutes les complications. Il ne paraît pas, cependant, y avoir d’effet protecteur vis à vis du risque accru de cancer. Deux attitudes peuvent donc être proposées : - régime d’exclusion du gluten à vie - exclusion initiale pendant toute la durée de la croissance avec tentative de réintroduction et surveillance histologique prolongée par 5 ans ( avec reprise du régime en cas de récidive histologique) D-Lambliase - Cette infection parasitaire à giardia lamblia peut donner une diarrhée chronique par malbsorption avec un véritable tableau « pseudo-coeliaque ».- L’infection est fréquente et peut être sévère en cas de déficit en IgA. - Le diagnostic repose sur l’examen parasitologique des selles, ou la recherche de lamblia sur la muqueuse du grèle après biopsie ou brossage duodénal.
Elles touchent plutôt les adultes mais peuvent cependant débuter à l’âge pédiatrique ( dans 20 % des cas). On distingue :
Lactose glucose + galactose saccharose glucose + fructose maltose glucose + glucose
Dans les deux cas, on obtient une malabsorption des sucres, avec un appel d’eau par effet osmotique, responsable du caractère liquide des selles. La flore microbienne va proliférer et entraîner une fermentation conduisant à la transformation partielle des sucres en acides organiques, responsable du caractère acide des selles
Tableau de diarrhée liquide, très acide ( pH<5) avec des selles contenant des sucres réducteurs.
Le diagnostic est étayé par :
Il repose sur l’exclusion du sucre incriminé avec aménagement diététique. Par exemple :
G-Autres On peut encore rencontrer des DC dans les circonstances suivantes beaucoup plus rares :
VI- Conclusion La survenue d’une DC chez un nourrisson ou un enfant impose toujours la réalisation d’un bilan clinique (+/- paraclinique) pour apprécier son retentissement staturo-pondéral. Devant une DC « organique », on recherchera une étiologie précise permettant de guider la thérapeutique ultérieure. Cette démarche diagnostique repose avant tout sur l’interrogatoire et la présentation clinique qui guideront la prescription et la réalisation d’investigations complémentaires spécialisées. L’intolérance au gluten, les allergies aux protéines du lait de vache, la mucoviscidose et les intolérances aux sucres constituent les principales étiologies pédiatriques. La prise en charge diététique de certaine de ces pathologies peut s’avérer nécessaire pour la vie entière de ces patients. |