télécharger 1.55 Mb.
|
LE REFUGIE ECOLOGIQUEVéronique Magniny La présente étude est prospective car le droit international contemporain ne connaît en fait de réfugié que le réfugié dit politique. Elle a valeur de proposition, et utilise à cette fin des concepts de droit positif connus au service d'idées nouvelles. La notion de réfugié est l'une des plus anciennes institutions du droit international. L'octroi de l'asile à des personnes que des fléaux divers ont obligé à fuir leur pays est une coutume ancienne. L'ancien droit pratiquait couramment l'asile territorial et politique en faveur des victimes de la religion, d'une royauté ou d'une catastrophe. Le droit contemporain a, par la Convention de 1951 modifiée par le Protocole de 1967, précisément défini le statut de réfugié. Il concerne toute personne qui a du fuir son pays à cause des persécutions ou des menaces de persécution qu'il y subissait en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance ethnique ou de ses opinions politiques. Pour ces raisons, le réfugié conventionnel bénéficie d'un statut protecteur dans l'état d'accueil. Ce statut est strictement personnel et individuel et fait l'objet d'une procédure propre à chaque Etat, à laquelle est éventuellement associé le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Le terme de réfugié a cependant, dans le vocabulaire commun, un sens plus large que nous retiendrons ici, en oubliant les stricts conditions et effets du statut de réfugié en droit international. Les réfugiés sont en général, les personnes qui ont du fuir une catastrophe. Leur survie dépend de l'accueil qui leur est offert le temps que les effets dramatiques du cataclysme soient résorbés, et qu'ils puissent réintégrer leur lieu de vie habituel. L'adjectif écologique induit que ces personnes ont fui un péril particulier. Leur environnement physique s'est trouvé détruit ou pollué suite à une catastrophe qui a rendu l'environnement inhabitable. Cette catastrophe peut prendre plusieurs formes. Elle peut être d'origine naturelle, semi-naturelle ou purement anthropique. Les tremblements de terre, les éruptions volcaniques, les raz-de-marée ou les tsunamis constituent des catastrophes strictement naturelles. Bien qu'elles causent de nombreuses victimes, ces catastrophes n'entraînent le plus souvent que des déplacements limités et temporaires de population. C'est pourquoi elles ne rentrent que marginalement dans le cadre de la présente étude. Les catastrophes semi-naturelles par contre, entraînent des mouvements de population plus importants. Elles naissent de la conjonction de phénomènes naturels et d'actions humaines qui les aggrave fortement. Il en est ainsi de la désertification, de l'aridification ou de la sécheresse par exemple. Ces phénomènes naturels au départ, sont aggravés par la surutilisation des terres, par des coupes de bois trop rapprochées et importantes, et d'autres phénomènes qui empêchent l'environnement de se reconstituer. Il se dégrade petit à petit jusqu'à un point de non-retour. Ainsi l'aridification de terres déboisées, l'avancée du désert sur des terres asséchées, etc... On peut citer pour exemple les sécheresses récurrentes de la Corne de l'Afrique au cours des dix dernières années, l'extension des déserts au Mexique, la déforestation intensive des pentes de l'Himalaya et de la forêt brésilienne... La modification ou la destruction de l'environnement obligent des groupes de population à fuir un environnement endommagé à tel point que la vie y est impossible. Cet environnement pourra éventuellement se reconstituer à moyen terme, selon le degré auquel ses facultés de régénération furent atteintes. Les habitants doivent donc trouver ailleurs les moyens de survivre, et dans un premier temps fuir cet environnement inhospitalier. Enfin, la catastrophe peut être due au seul fait de l'homme. C'est le cas des accidents de Bhopal et de Tchernobyl, par exemple. Ce sont tous les cas de pollutions graves, qu'elle soit d'origine industrielle, agricole, chimique ou nucléaire. Les conflits armés constituent aussi des causes essentielles de la destruction accélérée de l'environnement. Le milieu naturel est dans tous ces cas rendu inapte à supporter la vie humaine. Il est même parfois activement dangereux. Chacune de ces catastrophes, mais surtout les catastrophes semi et entièrement anthropiques créent de larges mouvements de population à la recherche d'un lieu d'accueil. La fuite de la population répond à un réflexe de survie, jusqu'à ce que la zone endommagée soit redevenue vivable. Nous touchons ici le coeur de la question: le fait que l'environnement ne permet plus la vie humaine, qu'il la menace directement. La spécificité du réfugié écologique résiderait précisément dans la destruction de son lieu, de son cadre, de ses moyens de vie. Puisque la notion de réfugié écologique semble, au vu des situations diverses sus-mentionnées, constituer une catègorie nouvelle mais déjà étendue de victimes de l'environnement, il apparaît utile de lui tailler un statut adapté. Et l'articulation d'un statut protecteur aurait pour objet principal de résoudre les problèmes qui découlent de cette fuite forcée et temporaire. Quelle réponse le droit international serait-il en mesure d'offrir à ces victimes de l'environnement ? Quels outils fournit-il ? Dans la mesure où cette victime de l'environnement résulte de problèmes nouveaux, elle est inévitablement l'enjeu de nouvelles relations politiques et diplomatiques. Les différents exposés présentés hier, relatifs aux questions d'environnement et de sécurité ont bien montré le type de questions que l'environnement et ses modifications posent aux Etats. Le réfugié écologique serait à la fois le révélateur de situations nouvelles, en même temps qu'il suscite de multiples questions quant à l'assistance que les Etats sont prêts à lui accorder. Le fonds du débat concerne le principe bien ancré de la souveraineté territoriale et politique des Etats. Ce principe constitue un pilier du droit international contemporain. Il subit cependant au gré des évolutions en cours des aménagements interessants. Le phénomène écologique en est un qui requiert une approche internationale des problèmes. Le phénomène du réfugié écologique constitue un exemple de cette approche renouvelée. Il requiert en effet une coopération active des Etats et des populations pour répondre aux situations d'afflux massif et brutal de populations réfugiées. Quels éléments le droit international contemporain est-il susceptible de fournir pour répondre à cette situation nouvelle ? Le droit international classique n'apporte qu'un début de réponse à la situation des victimes de l'environnement. Une question préalable concerne sa capacité à régir une situation éventuellement de strict droit interne. En effet, dans le cas de Tchernobyl par exemple, l'accident, les victimes et les effets toxiques les plus graves se sont produits en territoire soviétique. En quoi le droit international est-il concerné ? Si l'on imagine qu'une catastrophe comparable advienne sur le territoire d'un Etat beaucoup plus petit, ses effets seraient forcément internationaux car la pollution ne respecte pas les frontières. Il semble donc logique d'appliquer à des situations qui ont des effets internationaux, un régime de droit international. Ce raisonnement suit la logique selon laquelle à situation comparable, traitement comparable. Et le droit international est en l'occurrence le seul cadre qui offre un cadre de réponse adéquat. Un accident de ce type a en outre des effets internationaux par nature dans la mesure où l'air et l'eau contaminés se déplacent et où les normes applicables furent internationalement négociées et acceptées par traités multilatéraux dans le cadre notament de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique. Le droit international se trouve donc être le moyen le plus approprié de répondre à la situation et avoir en outre, compétence pour le faire. En ce qui concerne les victimes de la catastrophe, les droits de l'homme universellement reconnus depuis 1945 apportent un début de réponse. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, puis les Pactes relatifs aux droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels notamment énoncent des droits divers dont le droit à la santé, le droit à un niveau de vie satisfaisant, le droit à la sûreté physique et morale, etc... Il s'agit des droits fondamentaux de la personne envisagés de façon strictement individuelle. Or, lorsqu'une catastrophe s'abat sur un lieu, l'ensemble de la population est touchée et doit s'enfuir. Le dommage est neutre et collectif. L'environnement vecteur de la catastrophe, ne distingue pas et place toutes les victimes sur un pied d'égalité dans l'adversité. Il crée en fait une communauté victime de l'environnement. Cette victime collective devrait bénéficier d'une asile collectif et surtout d'une reconnaissance et d'une protection collective. La notion de victime collective n'est pas inconnue du droit international qui la met diversement en oeuvre. En période de conflit armé, la population civile bénéficie d'un droit collectif à un traitement protecteur distinct de celui des combattants. La Convention relative à l'interdiction du crime de génocide interdit l'extermination collective. De même la résolution 1503 de l'Assemblée Générale des Nations Unies fait référence aux victimes de "violations flagrantes et massives" des droits de l'homme et leur accorde un droit de recours. Le caractère collectif de la victime écologique n'est pas révolutionnaire du droit international contemporain. Il constituerait une application nouvelle d'un concept connu. La reconnaissance et la mise en place d'un statut protecteur particulier du réfugié écologique serait la préfiguration de relations renouvelées entre les Etats. La création d'un tel statut s'appuierait sur des relations fondées non plus sur une stricte lecture de la souveraineté territoriale et politique de l'Etat dans la sphère internationale. Mais sur des relations construites sur la solidarité et l'humanité des personnes entre elles, par delà le cadre réducteur des frontières nationales. Ces relations renouvelées constitueraient les réponses et contrepoids nécessaires aux actions des Etats qui ont conduit à l'endommagement de l'environnement dont leurs nationaux sont désormais les victimes. Le caractère écologique de ce statut implique de lui conférer une dimension collective. Elle permettrait aux victimes de ces dommages d'exister juridiquement en face de la structure étatique, en tant que groupe victime des conséquences des choix économiques et politiques des Etats auxquels ont manqué la dimension écologique. Il serait tentant et presque logique d'envisager une responsabilité de l'Etat vis-à-vis de la victime écologique et d'en définir les formes. Il apparaît cependant que cette notion n'a pas atteint à ce jour une maturité suffisante pour participer du droit positif. La mise en cause d'une responsabilité de l'Etat vis-à-vis de sa propre population pour dommage à l'environnement, bien qu'intellectuelement interessante, est bien en avance sur les institutions et les idées actuelles des Etats. Outre que les formes, les causes et la mise en oeubre de cette responsabilité restent entièrement à définir. Le droit international est cependant riche de la notion d'asile. L'asile est l'une des plus anciennes et des plus solides institutions des relations inter-étatiques. Il existe sous plusieurs formes, asile territorial, politique, humanitaire... Le droit contemporain peut-il créer l'asile écologique ? A la différence de l'asile politique qui induit la naissance d'un lien juridique de protection entre l'Etat d'accueil et le réfugié, l'asile écologique n'impliquerait pas une relation aussi entière juridiquement. Il consisterait principalement en l'octroi d'un accueil temporaire, d'un traitement digne fondé sur la reconnaissance et le respect des droits fondamentaux de toute personne, et le cas échéant d'une assistance humanitaire et médicale. L'asile est une institution sensible. Ainsi que l'a montré la Conférence de 1977 organisé par le HCR. Cette Conférence avait pour objet de cerner et encadrer l'asile territorial. Elle se solda par un échec total. A cause de sa nature particulière et des enjeux qu'il suscite, l'asile écologique est-il susceptible de permettre un dépassement des des rivalités et blocages traditionnels ? La réponse n'est pas forcément négative dans la mesure où l'asile écologique se fonderait sur des bases originales. L'une est le droit de chacun et de tous à un environnement sain et équilibré. Ce droit a depuis la Conférence de Stockholm de1972, acquis une autorité réelle. De nombreuses constitutions rédigées depuis 1975 en font un droit fondamental des personnes et lui associe parfois des obligations à la charge de l'Etat. Il a fait l'objet sur la scène internationale de multiples déclarations de reconnaissance et d'adhésion de la part des Etats et des Organisations Internationales. Pratiquement, il est incorporé à divers traités et conventions qui ont pour objet la préservation du milieu naturel, de ses ressources et richesses. Le second pilier d'un statut trouve sa source dans le droit à la santé. Ce droit contient une dimension écologique évidente dans la mesure où il ne saurait exister de développement harmonieux et équilibré des personnes dans un milieu gravement pollué. Le droit à la santé insiste sur le rôle premier de l'environnement dans le développement et l'équilibre physique et mental des personnes. Ces deux droits à l'environnement et à la santé constituent des mises en oeuvre du droit à la vie compris comme un droit premier, inhérent à toute personne et sans lequel aucun des autres droits de l'homme n'a ni consistance ni existence. Dans ce cadre, la protection juridiquement encadrée du réfugié écologique apparaîtrait comme la préfiguration d'un ordre international renouvelé, régi non plus par des souverainetés concurrentes, mais fondé sur une coopération active. Cet ordre à construire apporterait une réponse adaptée aux problèmes écologiques collectifs. Il laisse en outre entrevoir un ordre international régi non plus par des préoccupations de sécurité nationale mais principalement par des exigences de solidarité internationale. |
![]() | «Le monde est parti, IL faut que je te porte». Où Jacques Broda s’appuie sur la poésie de Paul Celan pour dénoncer les horreurs du... | ![]() | «déterministe», la vision des relations de l’homme avec son environnement est devenue peu à peu «possibiliste»1 du fait d’un progrès... |
![]() | «Ornithologie et littérature au tournant des xviiie et xixe siècles», Anne-Gaëlle Weber (équipe anr jeunes Chercheurs «HC19» et ea... | ![]() | «attachés», en matière de paiement, à l’établissement où, jusqu’à nouvel ordre, ils sont et restent nommés ou engagés à titre définitif.... |
![]() | «… L’abstinence n’est pas une fin en soi, mais un moyen pour atteindre un nouvel équilibre de vie sans alcool, et une étape vers... | ![]() | «Athlètes du monde» dans le cadre de l’opération humanitaire «Cap vers les étoiles» |
![]() | «opérations d’ordre» pour donner de la souplesse dans la gestion des crédits et améliorer la lisibilité du budget | ![]() | «ordonnateur» se contente, d’après ces trois scénarios, d’envoyer un ordre indépendamment de l’état des machines. Cet ordre est stocké... |
![]() | «Dispositions particulières à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs» 21 | ![]() | «son» plus exactement de la lettre-son, de la correspondance graphème-phonème, pour aller vers la syllabe, puis vers le mot, puis... |